mardi 3 décembre 2013

Pendant ce temps, sur un autre blog

Sachez, chers amis à l'esprit amphigourique, que j'ai décidé de publier mes récits de voyage à l'adresse suivante: etpendantcetempsaveracruz.blogspot.com

Bien basses salutations!

vendredi 1 mars 2013

De l'art de se faire embobiner

19e jour – Mérida - Mexico
Mercredi 27 février 2013
 
Ayant renoncé hier à partir en excursion à Izamal ou Uxmal ou me baigner dans un cenote, histoire de ne pas trop stresser avant de prendre mon vol pour Mexico, j'étais fermement déterminé à ne pas trop me fouler de la journée. J'étais décidé à dormir longtemps, ce à quoi le lieu se prêtait pour une fois, car les chambres sont plutôt calmes, quoique étouffantes. En effet, j'ai remarqué qu'aucune ouverture n'avait été prévu pour amener de l'air de l'extérieur. Il y avait bien un ventilateur au plafond pour brasser l'air (avec une certaine efficacité) et une climatisation qui amenait de l'air de l'extérieur mais il n'y avait même pas un trou pour recycler de l'air naturel. J'étais, donc, décidé à faire la grasse matinée, mais pas trop quand même, hein, il ne fallait pas que je loupe le petit déjeuner compris dans le prix de la chambre. De toute façon, à 9 h 00, j'étais réveillé. Le petit déjeuner n'était pas bien intéressant – des œufs brouillés, du mauvais thé, du mauvais café, quelques jus artificiels, de la marmelade artificielle et du mauvais beurre sur du mauvais pain. Super!

J'ai occupé la chambre quasiment jusqu'à ce qu'on me mette dehors, ne rendant la clé qu'à midi, puis je suis allé me promener en ville. Je suis rentré dans la cathédrale et j'ai apprécié le style sobre ainsi que le crucifix, qui serait l'un des plus grands du monde. En sortant, j'ai croisé tout ce que Mérida compte de miséreux: un unijambiste, une dame recouverte de bulbes, une multitude faisant la manche, ils étaient tous réunis autour de l'église.

De l'autre côté de la rue, je suis rentré dans le palais du gouvernement (municipal? de l'État?) pour admirer les peintures murales représentant l'histoire de la région et de son peuple. J'ai trouvé que c'était très intéressant et j'ai beaucoup apprécié le style de l'artiste. À l'entrée, dans la cour, se trouvait un piano à queue tout seul. J'ai compris à quoi il servait un peu plus tard, quand une dame en tenue de soirée s'y est installée et a joué quelques notes. Cela n'a pas duré longtemps: sa petite mélodie n'était qu'un prétexte à une séance de photos. C'était assez curieux à voir. Je pensais ensuite aller au musée régional d'anthropologie. À peine avais-je sorti mon guide pour m'orienter qu'un homme, que je pensais être un vendeur pour le magasin d'électroménager devant lequel je m'étais arrêté, m'a demandé ce que je cherchais et a commencé à me donner des conseils sur les choses à voir à Mérida, m'entraînant dans une conversation sympathique.

Puis il m'a mis en garde contre les produits d'artisanat de mauvais qualité, me conseillant plutôt d'aller dans une coopérative. Il m'y a gentiment conduit et m'a laissé entre les mains d'une poignée de vendeurs qui me scrutaient tandis que je regardais l'intérieur du magasin sans intérêt particulier. J'ai quand même commencé à m'intéresser aux hamacs et j'ai demandé des renseignements. Puis ça a été les chapeaux mayas. J'ai négocié le prix avec brio mais bon, au final, je sais que je me fais de toute façon avoir. Et puis après avoir réglé par carte, j'ai vu un de ces pulls mayas que j'avais déjà remarqués sur des gens et qui me plaisaient bien. Là aussi, j'ai essayé, j'ai négocié et finalement j'ai réussi à avoir un bon prix (par rapport à ce qu'il proposait au début, c'est relatif) en lui donnant ce qu'il me restait de cash. Maintenant je commence à croire que tous ces braves gens qui veulent m'aider à visiter la ville et à trouver les meilleurs endroits pour faire les meilleures affaires ne sont pas là par hasard. Si ce sont bien des rabatteurs pour les magasins de produits artisanaux, alors ce sont des maîtres dans l'art de la manipulation. La conversation est plaisante et c'est très subtilement qu'ils amènent la conversation sur la question de l'artisanat. Donc comme on ne se sent pas forcé, on consent bien volontiers à les suivre dans les magasins.

Je suis donc ressorti de la boutique chargé de marchandises alors que n'avais absolument pas pour projet d'acheter quoi que ce soit ce jour-là. Les poches vides autant que le ventre, je suis passé retirer un peu d'argent puis je me suis rendu au marché principal de Mérida. À l'entrée, il y avait un attroupement: des curieux semblaient regarder une équipe de tournage faire des repérages sonores et lumineux. Enfin, je ne sais pas, je cherchais les comedores, que j'ai trouvés après m'être perdu dans ce dédale de fruits, légumes, herbes, livres, viandes, serruriers, cordonniers et que sais-je encore. Un bien beau marché. Les comedores se trouvaient dans une petite cour et j'ai fait tout le contraire (je m'en suis rendu compte après) de ce que recommandait le Routard: j'ai choisi le moins fréquenté. En fait je n'avais pas vu qu'il y en avait plein d'autres un peu plus loin, où il y avait plus de monde, mais à mon avis, ils se valent tous. J'ai goûté une spécialité locale, le poc-chuc, des tranches de porcs marinées qui n'avaient rien d'exceptionnel.

Enfin, je suis rentré à l'hôtel pour me poser tranquillement devant mon ordinateur en attendant l'heure de prendre le taxi pour l'aéroport. Le plus miraculeux, c'est que j'ai réussi à caser toutes mes nouvelles acquisitions dans mon sac de voyage. Il est temps qu'il se termine, d'ailleurs, parce que ça commence à faire lourd sur le dos. C'est un vieux très sympa qui m'a emmené à l'aéroport dans son taxi. Il m'a fait la conversation et, étonnamment, je me suis laissé allé à parler de la pluie et du beau temps en espagnol.

J'étais bien en avance à l'aéroport pour mon vol pour Mexico et, l'enregistrement effectué, je me suis retrouvé devant une boutique spécialisée dans les lunettes de soleil. J'ai dû essayer une cinquantaine de paires différentes mais aucune ne pouvait effacer le souvenir de mes regrettées lunettes disparues entre Oaxaca et Tuxtla Gutiérrez. J'ai néanmoins discuté avec la vendeuse et avec le gérant du magasin, un Néerlandais venu au Mexique par amour mais qui semble avoir un peu de mal à s'intégrer. L'aéroport de Mérida est nickel, on a même le wi-fi gratuit, et ça j'aime. Ce qui m'a surpris, en revanche, c'est que taxiway qui permet à l'avion de se rendre en bout de piste, c'est la piste elle-même. L'avion roule sur la piste, il fait demi-tour, puis il décolle. Il faisait nuit quand l'avion est parti mais la vue était intéressante. Pas tellement le survol du golfe du Mexique, sur lequel on pouvait quand même voir des lumières, qui étaient, selon moi, des plate-formes offshore d'exploitation pétrolière ou gazière, mais ce qui était magnifique, c'étaient les lumières des villes, nombreuses, et de plus en plus rapprochées jusqu'à Mexico. L'aéroport de Mexico se trouvant en plein milieu de la ville, l'atterrissage est fantastique, on voit s'étendre les lumières de cette ville immense jusqu'à l'horizon, et à mesure que l'avion se rapproche du sol, on voit de mieux en mieux les détails; les serpents lumineux deviennent des files de voitures et on distingue petit à petit chaque pâté de maisons, jusqu'à ce que l'avion se pose au sol.

Le système de taxis est très bien organisé à Mexico. On choisit sa compagnie, on donne l'adresse et on paye par zone. On reçoit en échange un ticket qu'on échange au chauffeur de taxi. Dans mon cas, le problème, c'est que j'avais choisi (au pif) la compagnie la plus demandée, si bien que j'ai attendu près de vingt minutes en ligne avant que je puisse monter dans un taxi. Mais je suis arrivé à bon port, j'ai sonné au bon interphone et j'ai retrouvé Malinka et sa mère.

jeudi 28 février 2013

Le début de la fin du voyage au Mexique

18e jour – Mérida et Chichén Itzá
Mardi 26 février 2013 

On pourrait croire qu'en arrivant avant 7 heures du matin dans une ville, on peut profiter d'une longue journée pour faire une multitude de choses. Eh bien ce n'est pas le cas quand on descend du bus. Et pourtant, j'ai peut-être passé l'une de mes meilleures nuits dans un bus. Je me suis endormi vite, je n'ai pas eu trop froid, ni trop chaud, je n'ai pas été envahi par un voisin et les occupants du véhicule étaient calmes. Même la visite d'un policier, qui m'a demandé de produire mes papiers d'identité, puis d'un douanier, qui m'a demandé la même chose (et rien qu'à moi, c'est dire si je suis privilégié), n'ont pas eu raison de mon sommeil. Je suis donc arrivé à Mérida relativement reposé mais j'ai vite abandonné l'idée de prendre aussitôt un bus pour Chichén Itzá, estimant qu'il valait mieux que je dépose mes affaires à l'hôtel et que je me repose un peu. De plus, je serais arrivé en même temps que des milliers d'autres touristes, ce qui aurait pu nuire à mon appréciation des lieux.

Le temps de m'orienter dans cette ville en damier aux rues numérotées et je suis allé dans un hôtel recommandé par Karl. J'ai dit que je venais de sa part mais, une fois de plus, ça leur a fait une belle jambe. J'ai pris la chambre la moins chère mais c'est quand même bien plus cher qu'ailleurs au Mexique, surtout qu'au Chiapas. Ceci dit, le cadre est sympathique, les chambres sont situées autour d'un patio intérieur où les résidents viennent prendre le petit déjeuner le matin et, dans l'autre patio, on peut se baigner dans une piscine. La classe. Je me suis installé dans ma chambre – pas très moderne mais suffisamment confortable pour moi –, j'ai pris mon shoot d'Internet, j'ai étudié mon guide pour savoir ce que j'allais faire, puis j'ai décidé que la première chose à faire, c'était de manger, parce qu'une fois de plus, j'avais volontairement fait fi du petit-déjeuner et à 11 heures, j'avais faim.

Je suis allé en direction du Zócalo pour commencer à découvrir Mérida, qui est une ville bruyante et grouillante. Beaucoup de circulation, beaucoup de gens sur les trottoirs (ce qui est sûrement dû au fait que les trottoirs sont très étroits). Mais contrairement à ce que laisse entendre le Routard et ce que d'autres personnes ayant voyagé à Mérida semblent dire, je trouve que l'architecture coloniale peine à se manifester. Çà et là, on peut voir des façades un peu différentes mais je trouve que, d'un point de vue architectural, cette ville est quelconque. Peut-être qu'elle n'est pas bien mise en valeur. Peut-être que je ne suis pas allé dans les bons quartiers. En revanche, j'admets qu'on puisse aimer l'atmosphère de Mérida, mais avec tout ce monde, je me sens un peu étouffé. Enfin, peut-être que je regarde la ville à travers le prisme de la privation de sommeil. Elle m'a déjà fait le coup.

Le Zócalo est très agréable, grande place arborée qui constitue un petit havre de paix au milieu du tumulte exubérant du trafic automobile effréné (oui j'exagère un peu). Les bâtiments qui l'entourent ne sont pas désagréables à regarder: une cathédrale massive et sobre, des arches longeant des passages commerçants, un palais administratif. J'ai cherché l'office de tourisme pour me renseigner sur les options qui s'offrent à moi eu égard à mes projets d'excursion hors de la ville. Un type qui distribuait des cartes de visite pour un restaurant m'a demandé ce que je cherchais et m'a expliqué que l'office du tourisme était fermé. Il m'a dit comment aller à Chichén Itzá, quel bus je devais prendre, etc. Oui c'est sympa, mais il n'est pas l'office du tourisme, lui, il ne me peut pas vraiment me conseiller sur ce que je devrais faire aujourd'hui. Je l'ai quitté en le remerciant, j'ai fait un tour de pâté de maison et j'ai trouvé l'office de tourisme – tout ce qu'il y a de plus ouvert – où j'ai été accueilli par deux jeunes femmes. Celles-ci m'ont donné des tas de petits bouts de papier avec les horaires des bus de 1ère classe pour Chichén Itzá, Uxmal, Izamal et répondaient à toutes mes questions avec professionnalisme.

Avant de prendre une décision, il fallait que je mange, disais-je, et, pour cela, je suis allé jusqu'à une petite place où l'on trouve plein de petites gargotes servant plus ou moins toutes la même chose, comme sur les marchés. Dès mon arrivée, j'ai été assailli par les tenanciers et -cières, qui me collaient leur menu sous le nez et me pressaient de m'asseoir chez eux. Je leur disais que je voulais faire un tour d'abord. Mais dans tout cet étalage de bouffe, une petite devanture m'a interpellé plus que les autres. J'y ai vu (végétariens, sautez les prochaines lignes) deux beaux animaux bien rôtis, dont l'un avec des chicharrones dessus. Si j'ai bien compris, c'était du cochon de lait. J'en ai commandé deux tacos, ainsi que deux tacos de queso relleno – du fromage fourré à la viande – qui se sert normalement en sandwich mais que j'ai voulu prendre en tacos. Fromage pas terrible, viande pas terrible: ça aurait été certainement meilleur entre deux bouts de pain.

Après manger, ma décision était prise: j'allais attraper le bus de 12 h 40 pour Chichén Itzá. J'aurais le temps de faire un bon tour en deux heures avant de prendre le dernier bus, à 17 h 00. Or voilà, la gare routière était à l'autre bout de la ville. Fort d'une meilleure connaissance de la ville, j'y suis allé d'un pas assuré et rapide, afin d'arriver à temps. Il suffisait que je tourne à droite puis à gauche, puis à droite, puis à gauche et ainsi de suite jusqu'à la rue 70. J'étais tellement confiant qu'à un moment j'ai oublié que j'avais déjà tourné à gauche et à l'intersection suivant, j'ai viré à bâbord une nouvelle fois, prenant ainsi une trajectoire complètement erronée. Heureusement, je me suis bien vite rendu compte que je m'étais fourvoyé, les numéros de rue ne défilant plus dans l'ordre que je voulais. En fin de compte, je suis arrivé à la gare routière juste à temps, j'ai acheté un billet pour le bus de 13 h 00 – avec hésitation, parce que le bus arrivait vers les 15 h 30 à Chichén Itzá: ça faisait un long trajet et en plus, ça ne laissait qu'une heure et demie pour visiter le site – puis je me suis installé dans la salle d'attente. Là, je me suis rendu compte que je n'étais certainement pas entré dans la bonne gare routière. Il aurait fallu que j'aille à celle d'à côté – celle où je suis arrivé – pour prendre le bus direct de 12 h 40.

En effet, l'autocar était un omnibus qui s'arrêtait dans tous les villages le long de la route, jusqu'à Chichén Itzá et au-delà. Le paysage étant tout à fait inintéressant, la route étant bordée d'une épaisse et triste végétation qui ne laissait rien voir, le moment fut tout indiqué pour faire une sieste. D'ailleurs, je n'ai pas attendu d'être sorti de la ville pour m'assoupir. Cela a considérablement réduit l'attente jusqu'à Chichén Itzá mais le trajet n'en a pas été moins interminable. Surtout que plus le bus prenait du retard, moins j'aurais de temps pour voir ce site toltèque et maya, considéré comme l'une des nouvelles merveilles du monde, dont j'ai tant entendu parler. Le bus est arrivé avec un quart d'heure de retard à 15 h 45 et, à la caisse, la dame qui vendait les billets a eu la bonté de me dire que l'entrée du site était gratuite à partir de 16 h 00. Je me suis dit que quitte à courir pour voir des ruines, autant que ce soit gratuit. J'ai attendu donc quelques minutes et j'ai ainsi économisé 10 euros. Une fortune, comparé aux autres sites antiques que j'ai visités au Mexique.

Donc, j'ai vu Chichén Itzá. Je l'ai survolé. Il restait beaucoup de touriste mais quand je suis entré sur le site, j'étais à contre-courant du flot de gens qui avaient fini leur visite (payante). C'est aussi un avantage. Les vendeurs de souvenirs et de mayateries diverses étaient extrêmement nombreux, ce dont on m'avait averti auparavant. Je pense que je n'ai jamais eu autant d'«amis» que pendant cette heure. «Hé l'ami!», «pas cher, quasiment gratuit», m'ont ils interpellé incessamment pendant mon tour du site. Et ils vendent tous la même chose. «Oh, un sifflet qui imite le bruit du jaguar! Si j'en avais pas vu et entendu 155 depuis les vingt derniers mètres, je vous assure, Monsieur, que j'aurais été véritablement étonné.» Mais dans l'ensemble, ils sont tout de même sympas. Ils n'insistent pas et, de toute façon, vu les sacs de babioles que se traînent les touristes en sortant, les vendeurs doivent bien y trouver leur compte.

Pas besoin de chercher la pyramide emblématique de Chichén Itzá – le Castillo – trop longtemps; elle se trouve juste à l'entrée du site. C'est l'élément le plus impressionnant et probablement le mieux conservé (ou remis en état) du site. Elle n'est pas très grande mais sa régularité et son parallélisme sont frappants. Quand on sait en plus qu'elle a une utilité et une symbolique astrologique, on ne peut qu'admirer l’œuvre. Pas le temps de m'attarder, je poursuis ma visite: le jeu de pelote, quelques petits temples, quelques poufs qui se font prendre en photo la bouche en cul de poule devant le Castillo, le temple aux Mille Colonnes, des vendeurs, encore des vendeurs, même en plein milieu de la forêt, puis une autre section de temples et d'édifices divers plus ou moins bien conservés. Le site n'est pas très grand et quand même assez boisé, ce qui le rend agréable, mais je n'aimerais pas venir en plein milieu de l'après-midi quand le soleil est haut et que les touristes affluent. Si je reviens au Mexique, j'irai visiter Chichén Itzá dès l'ouverture, à 8 heures du matin, pour bien en profiter.

Après 16 h 30, les gardiens commencent à inviter les gens à sortir. J'ai terminé mon tour en photographiant de gros iguanes qui sortaient à la faveur du déclin de l'activité touristique, puis en profitant d'un répit devant le Castillo pour me faire prendre en photo (pas la bouche en cul de poule) presque seul. Un exploit, selon moi.

Le dernier bus pour rentrer à Mérida était à 17 h 00; il fallait donc que je me dépêche de terminer ma visite et de revenir sur le parking pour sauter dans le bus. À 17 h 15, toujours pas de bus. Je ne m'inquiète pas, je sais que les bus ont du retard, c'est dans leur nature. À 17 h 20 vient un bus pour Mérida. Je montre mon billet au chauffeur: pas la bonne compagnie. Dommage, je suis sûr que celui-là était direct. Mon bus est arrivé une dizaine de minutes plus tard. J'espérais bien, comme à l'aller, dormir, mais impossible de trouver le sommeil. J'ai l'impression que c'est plus difficile de dormir dans un bus quand il fait nuit. Le voyage m'a cependant semblé moins long. Des vendeurs ambulants sont entrés dans le bus et j'ai cédé pour un paquet de chicharrón agrémenté d'un peu de sauce pimentée pas très forte.

Rendu à Mérida, j'ai fait un bref arrêt dans ma chambre d'hôtel puis je suis sorti en quête d'un repas décent. Je me suis baladé tranquillement jusqu'au Zócalo, j'ai pris quelques photos et un homme m'a abordé en me donnant la carte de visite de son restaurant. S'en sont suivies une conversation sur d'où je venais et où j'allais et des flatteries sur ma maîtrise du castillan, puis mon nouvel ami m'a dit que sa femme était Autrichienne et qu'elle devait rentrer sans tarder d'une excursion à Uxmal, dont elle était la guide. Il m'a ensuite expliqué qu'il y avait sept personnes dans le monde entier qui savaient lire les inscriptions mayas et qu'il étudiait pour devenir le huitième, ce qui, je dois l'avouer, m'a beaucoup impressionné. Puis il m'a dit qu'il fallait absolument que je voie la maison de l'artisanat où je pouvais prendre des photos des tapis, broderies, bibelots, etc. et qu'il y avait même un médecin traditionnel à l'étage. Il m'y a emmené sans que je m'y oppose vraiment et je me suis retrouvé dans ce grand magasin où je me sentais un peu scruté par tout le personnel, qui attendait certainement que j'achète quelque chose.

Je suis ressorti en saluant bien tous ces braves gens, puis je suis allé chercher un resto proposant des spécialités yucatèques (ça veut dire du Yucatan) recommandé dans le routard. Celui que je voulais était fermé, du coup je me suis rabattu sur un autre, plus touristique, mais très sympa. J'y ai goûté une soupe au citron vert et au poulet, très bonne, et un poulet cuit aux oignons et une sauce aux agrumes dans des feuilles de bananier. C'était bon mais un peu sec et finalement le goût n'était pas si original. J'étais assis juste en face de deux dames qui préparaient les tortillas à la main. Elles étaient pour ainsi dire au cœur de l'activité du restaurant, puisque les serveurs et les cuisiniers venaient régulièrement vers elles pour leur quémander leur œuvre.

Je voulais essayer de boire un chocolat local après le repas mais j'étais bien trop rempli pour quoi que ce soit d'autre. Je suis rentré à l'hôtel pour tapoter sur mon clavier mais la petite sieste du bus pour Chichén Itzá n'avait pas suffi et je me suis quasiment endormi sur mon ordinateur.

mardi 26 février 2013

Ruines mayas, singeries, re- et re-re-rencontres

17e jour – Ruines de Palenque, Misol-Ha, Agua Azul
Lundi 25 février 2013

Bien dormi, malgré la chaleur et l'araignée qui me guettait du coin du plafond. L'une était atténuée par le ventilateur qui a tourné toute la nuit, et l'autre se tenait à carreau, sachant certainement le sort que je réserve aux bêtes à huit pattes (si je ne fuis pas devant elles). Sept heures trente, hop! Pas le temps de traîner: à la douche. Pas d'eau chaude. Pas d'eau froide. Ergo pas d'eau tiède et pas d'eau du tout. Mes plans ne sont pas encore contrecarrés. Je décide d'aller visiter les ruines de Palenque sale.

Quitte à être poisseux, je décide, à titre prophylactique, de me badigeonner de la crème solaire que j'ai achetée l'autre jour à San Cristóbal de las Casas. Elle ne dégage pas l'agréable fumet des crèmes solaires de chez nous. Et à son odeur, je doute de son efficacité à protéger du soleil comme il se doit. Tant pis, je n'ai rien de mieux. Je vais donc à la sortie du complexe routardo-hôtelier en pleine jungle pour attraper un colectivo pour les ruines. Pour y aller, il faut traverser un parc national, et un garde à l'entrée, tout près de l'hôtel, m'a demandé de payer une taxe d'entrée. Doutant de la véracité de son propos, j'ai regardé dans mon guide de voyage s'il fallait bien payer l'entrée au parc national en plus des ruines et il semble que oui. Toujours est-il que j'étais le seul à avoir un bracelet indiquant que j'avais payé l'entrée au parc. Il est 8 heures et quelques et les seules personnes qui m'accompagnent sont des Mexicains qui vont au travail. Il fait déjà chaud mais au moins le site est encore préservé de la horde touristique.

Palenque est un site formidable. Si j'ai aimé Teotihuacan, c'est pour son côté grandiose et ses immenses «pyramides». Palenque est également remarquable, non seulement par la beauté de ses ruines – très bien conservées – mais aussi par sa situation, en pleine jungle. Les différents édifices sont magnifiques, on peut presque tous les escalader et même les explorer à l'intérieur. Certains ont conservé des fresques représentant Pacal ou d'autres rois ou divinités mayas et on peut voir des inscriptions constituant le seul système d'écriture des peuples de Méso-Amérique (si je me rappelle bien ce que m'avait dit mon cousin-guide-mine d'informations). En outre, le site est agréable à visiter, très vert, avec beaucoup d'herbe entre les différents édifices. Une rivière traverse le site, ce qui lui apporte une certaine fraîcheur, tout comme l'ombre des arbres de la jungle environnante.

J'ai fait le tour des ruines en à peu près deux heures, explorant autant que possible les différents complexes, prenant un tas de photos, émerveillé par la beauté du site. À l'issue de la visite des principaux édifices, je suis allé jeter un coup d’œil à un groupe de ruines dont il n'était pas fait mention dans le Routard, mais que j'ai trouvé super, un peu en retrait vers la sortie. Il faut pénétrer un peu plus dans la jungle et là on tombe sur quelques édifices de petite taille, presque pas entretenus, recouverts de végétation. Comme presque aucun touriste n'y va, avec un peu d'imagination, on a l'impression de découvrir une cité disparue. De plus, comme on se trouve un peu plus dans la jungle, on entend mieux la faune sauvage. Depuis mon entrée sur le site, j'entendais des rugissements et j'estimais qu'il s'agissait, comme à Teotihuacan, de sortes d'appeaux imitant le cri du jaguar vendus par les commerçants ambulants, mais les cris venaient du plus profond de la forêt et plusieurs personnes m'ont dit qu'il s'agissait de singes. J'aurais bien voulu les voir, les singes, mais à entendre leurs cris, ils ne devaient pas être bien agréables à fréquenter.

J'ai terminé la visite par le chemin qui mène au musée, le long d'une rivière qui forme une jolie petite cascade et j'ai choisi de faire l'impasse sur le musée, pour me laisser le temps de quitter la chambre d'hôtel et de manger avant de partir en excursion, à midi. En arrivant sur la route à la sortie du site, j'étais un peu désorienté et je suis monté dans le premier taxi collectif qui passait. Or je me suis rendu compte bien vite qu'il partait dans le mauvais sens, vers l'entrée du site. Je me voyais déjà payer les 20 pesos mais à l'arrivée, le chauffeur ne m'en a demandé que 10, eu égard à la brièveté du trajet. J'ai demandé si le minibus ne retournait pas en ville et il m'a répondu que si et m'a dispensé carrément de payer. Ouf. C'est pas que 10 pesos ça m'aurait ruiné (pour retourner voir des ruines, ça aurait été le comble, hu hu hu), mais c'était une question d'honneur. Je me suis dépêché de ranger mes affaires et de les préparer pour le voyage en bus du soir, puis je suis allé en vitesse à la réception pour rendre la clé. Personne à la réception. J'ai attendu cinq minutes, mais l'heure tournait et je devais encore manger avant de partir en excursion. Je suis donc allé au restaurant me prendre des fajitas au poulet en m'assurant que je serais vite servi, puis je suis vite aller rendre la clé à la réception, où il y avait bien quelqu'un, et ainsi j'ai pu être à l'heure au rendez-vous pour partir à Misol-Ha et Agua Azul. Pendant que je mangeais, j'ai acheté une heure de wi-fi pour pouvoir donner des nouvelles sur Internet, mais la connexion est extrêmement mauvaise et je n'ai pas réussi à faire ce que je voulais sur mon blog. Les 25 pesos les moins bien dépensés de ce voyage.

L'excursion de l'après-midi était sur le thème des chutes d'eau. Il y en a plusieurs dans les environs de Palenque et je suis allé en voir deux. La première, Misol-Ha, est une grande chute de plusieurs dizaines de mètres de haut. Il n'y a pas grand chose à y faire à part l'admirer d'en face et passer derrière pour aller jusqu'à une grotte que, moyennant 10 pesos de plus, on peut explorer sur 3o mètres, jusqu'à une petite chute d'eau souterraine. C'est assez sympa. Les groupes de touristes ne restent pas très longtemps sur place. Donc on n'a pas vraiment le temps de se baigner. Sur place, j'ai discuté avec le couple qui était assis à côté de moi dans le minibus: deux Suédois qui venaient d'arriver au Mexique, très sympathiques. Mon approche n'était pas sans arrière-pensée: il fallait que je me trouve des alliés pour pouvoir surveiller mes affaires si nécessaire un peu plus tard dans le cas où je me baignerais.

Après trois quarts d'heure de route supplémentaires, nous sommes arrivés à Agua Azul, le site touristique du coin. Il s'agit d'une succession de cascades créant des bassins naturels où l'eau est, comme son nom l'indique, bleue, turquoise même. Il y avait un espace de baignade tout en bas, où nous étions arrivés, mais j'ai voulu explorer les lieux un peu avant. À cause des forts courants, on ne peut pas se baigner n'importe où, et des personnes veillent à ce que personne ne déroge à la règle. Je suis allé sur une île prendre des photos, puis j'ai remonté le cours de la rivière – et donc les chutes – jusqu'à ce que je tombe sur un deuxième espace de baignade, où se trouvait mon couple de Suédois. Je leur ai dit que j'allais continuer à remonter la rivière mais que j'allais certainement redescendre, si cela ne les dérangeait pas, me joindre à eux pour qu'on puisse mutuellement surveiller nos affaires.

Tout au long de la rivière, des passerelles et des aires d'observation ont été aménagées pour prendre des photos. La couleur de l'eau, les chutes, l'ensemble est effectivement très beau et par la chaleur qu'il fait, on a envie de sauter dans l'eau et de se laisser emporter par le courant. J'ai poursuivi ma remontée de la rivière jusqu'à un troisième espace de baignade. Je vois une jeune fille allongée en maillot de bain qui me regarde. Elle me sourit, je lui souris, et là je me rends compte qu'elle ne sourit pas simplement à un bel inconnu qui marche d'un pas assuré, la fierté et la virilité incarnées, en chemise bleue. En fait elle me connaît. Et je la connais. Pauline, l'une des deux camarades de voyage dans le canyon et jusqu'à San Cristóbal! Ah la bonne surprise! Je me suis installé près d'elle et Adeline nous a rejoints peu après en sortant de la baignade. Je me suis dit que c'était un signe du destin et qu'il fallait qu'on échange les contacts. Nous nous sommes raconté nos expériences diverses depuis deux jours; elles ont fait des choses intéressantes avec les contacts qu'elles avaient à San Cristóbal et, contrairement à moi, elles ont réussi à venir à Agua Azul sans devoir aller à Palenque d'abord.

N'y tenant plus, je suis allé me plonger dans l'eau. La température était parfaite pour se rafraîchir sous ce climat tropical. L'eau était claire et (d'apparence) propre et la profondeur des bassins était suffisante pour pouvoir plonger depuis certains rochers. Un vrai plaisir. Nous sommes restés à discuter en séchant un petit moment puis nous sommes redescendus tranquillement vers la zone de parking, les filles s'arrêtant devant les nombreux stands d'objets artisanaux égrainant le parcours. Elles sont reparties direction Palenque et moi je me suis assis au restaurant à côté de mes Suédois en attendant le départ du minibus.

Nous étions censés rentrer à El Panchán à 18 h 30 mais nous ne sommes arrivés qu'à 19 h 30. Le minibus était extrêmement lent, peinant particulièrement dans les montées. En partant d'Agua Azul, j'avais vu depuis le minibus Pauline et Adeline qui attendaient un colectivo mais peu de temps après, j'ai vu des tas de minibus nous doubler et je pense qu'elles devaient être dans l'un d'entre eux. Nous avions tout le temps d'admirer le paysage. D'un côté le crépuscule auréolait la silhouette de la jungle de toute une variété de tons rouges, et de l'autre, une grosse lune orange se levait par dessus les arbres. Il s'en est fallu de peu pour que je juge le spectacle magique. Quand enfin le minibus est arrivé, je suis allé à la réception chercher mon sac de voyage et me changer, puis il a fallu que j'aille en ville pour m'acheter un billet de bus pour le soir même. Or plus aucun transport collectif ne circulait à 19 h 30 depuis El Panchán et j'ai dû prendre un taxi.

Arrivé à la gare routière, qui vois-je? Pauline et Adeline, bien sûr. Je savais qu'elles devaient prendre un bus pour Tulum mais je ne savais pas (et elles non plus) à quelle heure, donc il y avait quand même des chances pour qu'on s'y retrouve. Nous avons eu le temps de discuter une quinzaine de minutes car leur bus arrivait. Quand elles sont parties pour de bon, je suis allé m'acheter mon billet pour Merida. J'avais le choix entre deux horaires: 21 h 00, mais ça ne me laissait pas le temps de manger et j'arrivais très tôt à Merida (5 heures), ou 23 h00. La seconde option était plus tardive mais c'est quand même celle que j'ai choisie. Le bus était presque plein. Il ne restait que trois places de libres et, pour changer, j'ai pris une place tout au fond, juste à côté des toilettes, ce qui peut causer des désagréments. Mais il s'agissait du dernier couple de sièges libre. Avec un peu de chance, je pourrai profiter des deux sièges. Je me trouve dans ledit bus au moment où j'écris ces lignes et pour l'instant, il est presque vide, mais il ne fait aucun doute que toutes les places réservées vont être occupées dès les prochains arrêts.

Avant de prendre mon bus, je suis allé me trouver un petit resto tranquille pour écrire et, bien sûr, prendre mon repas du soir. J'ai loupé le resto sur lequel je comptais jeter mon dévolu, ce qui m'a amené jusqu'au Zócalo de Palenque. Là, il y avait d'autres restaurants et l'un d'eux affichait à sa devanture la formule magique: «Wi-Fi». J'allais pouvoir manger et surfer sur Internet. Malheureusement, comme à l'hôtel, la connexion était mauvaise et certaines pages refusaient de se charger. Mais au moins je n'avais pas à payer pour le wi-fi.

Demain matin: Merida. J'ai déjà renoncé à enchaîner deux à trois heures de bus en descendant de celui-ci pour aller voir le site de Chichen-Itza. Il faudra que je m'occupe autrement ou que j'y aille à un autre moment. On verra. La nuit (et le Routard) porte conseil.

Dans la jungle

16e jour – San Cristóbal de las Casas - Palenque
Dimanche 24 février 2013

J'ai dormi autant que je pouvais ce matin pour bien profiter de ma journée de repos mais j'étais réveillé de toute façon à 7 heures. J'ai préparé mes affaires tranquillement, j'ai mis à jour mon blog, puis je suis allé prendre le petit déjeuner dans la rue piétonne la plus proche. Il fallait que je me nourrisse convenablement avant de prendre le bus à 11 heures, car l'arrivée à Palenque n'était prévue qu'à 15 heures et quelques. Je me suis offert des quesadillas au jambon avec des frites (j'y peux rien, c'était compris dans le menu) et un jus d'orange assis à une table sur le trottoir. Mon poste d'observation me donnait un point de vue privilégié sur le San Cristóbal qui s'éveille un dimanche. 

Les rues n'avaient pas l'effervescence du soir ou même de la journée. Les quelques personnes qui déambulaient dans les rues étaient pour l'essentiel des non-Mexicains, des personnes plus âgées qui se réveillent tôt, des sportifs qui faisaient leur jogging avant qu'il fasse trop chaud, des baba-cools ou je ne sais quels marginaux qui allaient au magasin, et quelques personnes attablées au soleil. À l'entrée des cafés, on voyait aussi des employés qui essayaient de faire venir les clients pour le petit-déjeuner et, à mon poste, j'étais par ailleurs la cible idéale des petits cireurs de chaussures, hauts comme ça (là, j'ai la main à la hauteur de ma hanche), qui supplient de les laisser cirer mes chaussures. Moi, avec mes chaussures de randonnée, j'en avais rien à cirer (hu hu hu!). Du coup, ils demandaient quand même un peso. Ils sont nombreux, les gens qui demandent la charité; certains tendent la main et pour bien faire comprendre qu'ils sont dans la misère, ils gémissent très bruyamment pour exprimer le désarroi le plus profond dans lequel ils se trouvent. Un peu comme moi quand je perds mes lunettes de soleil (ou presque).

Je suis arrivé à la gare routière avec un tout petit peu d'avance et, comme d'habitude, rien n'indiquait où se rendre pour prendre le bus pour Palenque. En pensant me diriger du côté des départs, le gardien qui a regardé mon billet m'a dit qu'il fallait que j'aille de l'autre côté de la gare. Soit. J'ai attendu à l'autre porte, où se trouvaient d'autres gens à la peau blanche comme moi, dont une jeune routarde à qui j'ai demandé si c'était bien là qu'on prenait le bus pour Palenque, question à laquelle elle m'a répondu positivement. Les bus allaient et venaient à notre porte mais aucun n'était celui que nous souhaitions. Du coup, j'ai entamé la conversation. C'est la première fille que je rencontre à voyager seule dans ce pays. Elle vient de Pologne et voyage tout le temps seule, surtout en Amérique latine. Nous avons discuté de choses et d'autres, puis on nous a appris que le bus avait une demi-heure de retard et, quand il est enfin arrivé, la conversation s'est arrêtée net. Madame la Polonaise s'est installée à sa place tout devant et moi à ma place à la droite du bus, alors que le Routard recommandait de s'installer à la gauche du bus, pour les paysages. Enfin c'était pas trop clair, ce qu'il recommandait.

Les paysages, oui, ils étaient pas mal, mais la route a été longue, sinueuse et cahoteuse, à en donner la nausée. Elle est toujours cahoteuse, la route, à cause de l'état des routes, qui se dégrade naturellement ou en raison de l'activité sismique, et des nombreux ralentisseurs à l'entrée et à la sortie de chaque village. Dès la sortie de San Cristóbal, on s'est trouvé dans un paysage familier, de pâturages de moyenne montagne, avec des pins et de nombreuses constructions en bois. À certains égards, on se serait cru en Russie – pour les maisons en bois et le désordre – la montagne en plus et la neige en moins. Là, le paysage était très vert, ce que je n'avais pas encore vu depuis mon arrivée au Mexique, ou tout est généralement très sec.

Le bus a continué à longer les routes sinueuses de montagne et, bientôt, les pins ont progressivement fait place à une végétation de plus en plus dense, encore plus verdoyante: la jungle. Elle paraît impénétrable, tellement il y a d'arbres et de plantes et de fleurs. Parfois, les palmeraies font un peu d'espace et les champs de maïs, adossés aux collines, dans leur région d'origine, dégagent un peu l'horizon. Sous les ponts passent des rivières où de l'eau claire coule vraiment, ce que je n'avais pas vu encore au Mexique, où tous les cours d'eau semblaient à sec ou ne laissaient passer qu'un mince filet d'eau au bouillonnement douteux.

La route est bordée de nombreux villages où des enfants jouent à moitié nus sur le bas-côté. Dans chaque village, il y a au moins un magasin et au moins un type qui fait la sieste. De notre côté de la fenêtre, il est difficile d'imaginer qu'on peut se mettre torse-nu et jouer dans l'eau, car la clim' souffle à fond et il fait très froid. Dans les premiers villages que l'autocar a traversés, les femmes et les filles étaient habillées de leurs habits traditionnels autochtones. Comme ce ne sont pas des villages touristiques comme Zinacantán ou San Juan Chamula, on peut être sûr que c'est leur habit de tous les jours, ou au moins leur habit du dimanche (on est dimanche). Les garçons et les hommes sont quant à eux habillés de façon classique, pantalon et chemise, ou même sans chemise.

Je me suis endormi un moment, l'appareil photo à la main, alors que j'essayais de prendre une photo réussie des paysages. Je me suis réveillé à l'unique étape du trajet, où nous nous sommes arrêtés au moins un quart d'heure, que j'aurais pu mettre à profit pour acheter un petit truc à manger. Mais dans la petite gare routière de cette petite ville, il n'y avait certainement pas grand chose d'intéressant à manger. Le bus a repris son chemin, avançant de plus en plus vers les nuages. Le long de la route, on voyait souvent des murs peints à la gloire du mouvement zapatiste mais à un moment, nous avons été arrêtés par l'armée. Deux militaires sont montés dans le bus et on jeté un coup d’œil aux gens et aux sièges, mais ils n'ont fouillé personne. Un panneau écrit en anglais indiquait sur le bord de la route qu'ils faisaient ça pour notre propre sécurité.

Enfin, le bus est arrivé à Palenque, à 17 heures passées. En descendant du bus, ce qui frappe avant tout, c'est la différence de température entre les 15° du bus et la chaleur moite de Palenque, qui contraste également avec la fraîcheur de San Cristóbal. J'avais très faim, n'ayant rien mangé depuis 9 h 30 environ. Mais de la gare routière il fallait encore que j'aille à l'hôtel. La ville elle-même de Palenque ne présente pas beaucoup d'intérêt; elle sert de base pour les ruines mayas qui se trouvent à 8 km. À mi-chemin environ, la plupart des routards se retrouvent au complexe d'El Panchán, qui offre des chambres de tous niveaux de qualité en plein milieu de la jungle. Ma camarade polonaise est partie de la gare routière en coup de vent. Je savais qu'elle allait à El Panchán et je l'ai vue demander son chemin mais je n'ai pas eu le temps de lui dire qu'il suffisait de traverser la rue pour qu'un minibus s'arrête pour y aller.

L'endroit est super cool. Et pour bien le faire comprendre, le bar du coin passe en boucle du Bob Marley et du Manu Chao. Attention hein, si t'as pas de tatouage t'as pas trop intérêt à la ramener! Non mais c'est vrai que c'est très sympa. Au restaurant, on ne croise que des Européens, les seuls Mexicains sont représentés par le personnel. L'ambiance est très détendue, on passe de la salsa et avec la chaleur lourde et la jungle autour de nous, les ventilateurs qui tournent au-dessus de nous et abrités par un toit en feuilles de palmiers, on se sent vraiment sous les tropiques. On dirait qu'il y a beaucoup de gens seuls. D'ailleurs, j'ai recroisé deux fois ma Polonaise mais on n'a échangé que quelques mots et, alors que j'étais installé seul à une table pour raconter le présent récit, elle m'a salué et elle est allée s'installer à l'autre bout du restaurant sans que j'aie eu le temps de l'inviter à se joindre à moi. J'ai l'impression qu'elle est encore plus sauvage que moi. Ou alors je lui fais peur? Hmm... Toujours est-il qu'à peine installé dans ma chambre, je suis aussitôt allé au seul restaurant des environs commander un plat de pâtes (avec des brocolis, pour avoir l'impression de manger des légumes de temps en temps), pour changer un peu des tortillas.

Ici, on est loin de la ville, où je peux avoir des renseignements sur les bus pour Merida, ville où je compte me rendre demain soir. Du moins je dois y être le 27. Il y a des représentants d'agences de voyages ici alors j'ai pu au moins me renseigner pour aller aux cascades d'Agua Azul demain après-midi, même si la perspective de faire encore trois heures de route aller-retour pour y aller ne m'enchante guère. Donc ce que j'espère faire, c'est aller très tôt demain matin aux ruines de Palenque, revenir avant midi pour rendre la clé de ma chambre et prendre l'excursion pour Agua Azul, qui revient à 18 h 30. Je compte fortement sur la probabilité qu'il y ait des bus de nuit pour Merida demain soir. Il est encore tôt mais à part boire des coups au bar, il n'y a pas grand chose à faire ici, donc je pense que je vais me coucher tôt et lire un peu avant de m'endormir.

dimanche 24 février 2013

À la découverte des populations autochtones

15e jour – San Cristóbal de las Casas et villages autochtones
Samedi 23 février 2013

Incapable de quitter le meilleur lit que j'ai eu en deux semaines au Mexique. Pourtant, je voulais me lever tôt pour aller voir le marché du village de San Juan Chamula, qui décline vite après 9 h 30, paraît-il. Ce n'est qu'un peu avant 9 heures que je suis sorti de ma chambre et que je suis allé dans le quartier populaire et très animé du marché pour trouver les minibus qui partent pour San Juan. C'était le chaos dans ces rues et il y avait des minibus par dizaines, mais aucun qui ne partait pour San Juan. J'ai demandé mon chemin à une vendeuse de jus de fruits, qui m'a indiqué d'aller dans la rue en face et juste au moment où je me suis arrêté pour regarder les détails que donnait mon guide de voyage, un homme m'a interpellé pour me demander si j'allais à San Juan et m'a invité à monter dans son minibus. On m'a installé à l'arrière, à côté d'une vieille indienne qui tricotait et derrière un Allemand à la moustache extravagante.

Juste avant de partir, un autre Allemand est monté, on l'a installé à côté de moi et nous avons sympathisé. Un Souabe prénommé Manuel, étudiant en dernière année de médecine. Il est en stage de dernière année dans un hôpital de la région et il est de passage à San Cristóbal pour des questions administratives. Je lui ai parlé de mes projets de la journée et comme il avait l'air de les trouver intéressants, je lui ai proposé de se joindre à moi. Et donc nous avons passé la matinée ensemble à découvrir deux étonnants villages de populations tzotzil, qui font partie de la grande famille maya.

Sur la place principale, le marché était déjà terminé. Ou bien il n'y avait pas eu de marché sur la place principale, car il n'était que 10 heures quand nous sommes arrivés et rien ne laissait penser qu'une quelconque activité d'envergure s'était déroulée là. J'hésitais à sortir mon appareil photo, parce que j'avais été averti par mes deux guides – mon cousin et mon Routard – que les indiens sont assez sensibles quant aux photos et qu'ils tolèrent mal qu'on les prenne en photo sans leur autorisation. Je prends rarement de photos de gens (je n'ose pas) mais là, même pour des plans d'ensemble, j'avais une petite appréhension. Et puis je me suis détendu; il m'a semblé que les gens n'étaient pas particulièrement hostiles, et de toute façon, des dizaines d'autres touristes prenaient des photos sans se poser plus de questions.

Nous sommes allés voir l'attraction du village: l'église. Si l'extérieur est original du fait de ses décorations mayas, le folklore qu'on voit à l'intérieur est très curieux et ne ressemble à rien de ce qu'on peut voir dans le reste de la chrétienté (enfin, qu'est-ce que j'en sais). Mais avant d'entrer, il faut payer un droit de passage à un enfant représentant l'autorité touristique locale, qui, moyennant 20 pesos par personne, nous donne un laissez-passer pour l'église. À l'intérieur, il est strictement interdit de prendre des photos. Au moment où nous entrions dans l'église, plusieurs personnes rentraient également en jouant de la guitare et de l'accordéon. Le sol de l'église est jonché d'aiguilles de pin et les fidèles font brûler des cierges qu'ils déposent sur des autels devant des représentations de saints (qui sont en fait leurs divinités traditionnelles sous des traits chrétiens) ou à même le sol. Le spectacle est saisissant, on compte des bougies par centaines partout dans l'église et c'est très beau. Cela relève du miracle que cette église n'ait pas encore pris feu, avec toutes les bougies et les aiguilles qui se côtoient si près. Le syncrétisme entre catholicisme et religion traditionnelle est très folklorique. Dans une ambiance de fumée d'encens, des gens viennent en famille déposer des offrandes, égorger un coq ou une poule, jouer de la musique. Des groupes se réunissent et font comme chez eux, s'assoient sur des chaises et crachent par terre quand ils l'estiment nécessaire. C'est parfois assez surréaliste.

Après cette curieuse expérience, nous avons fait un petit tour dans le marché couvert, où il n'y avait pas grand chose à voir, puis nous avons demandé notre chemin pour aller dans le village voisin de Zinacantán. Karl m'avait dit qu'on pouvait faire une mini randonnée entre les deux villages à travers la forêt mais qu'il fallait bien demander sa route car le chemin est mal indiqué. La première personne nous a dit de passer par la route, mais ce n'est pas ce que nous voulions, la seconde nous a dit qu'il ne fallait pas passer par là parce que c'était dangereux et la troisième nous a donné tous les détails pour arriver à bon port. Nous avons donc traversé le village jusqu'à la sortie puis nous avons longé quelques fermes avant de nous engager dans les bois. Nous saluions avec courtoisie toutes les personnes que nous croisions, qui nous rendaient nos salutations bien affablement. Régulièrement, nous demandions notre chemin pour être bien sûrs que nous étions dans la bonne direction. Tout en marchant, nous avons discuté de l'Allemagne, de la France et de divers sujets intéressants.

Après un moment dans la forêt, nous avons vu en contrebas du chemin un gros village qui devait être Zinacantán. Nous sommes descendus et, arrivés à l'entrée du village, des jeunes filles dans leurs beaux habits traditionnels m'ont proposé de les prendre en photo, moyennant quelques pesos, bien sûr. Un peu plus loin, il fallait payer une taxe pour rentrer dans le village. Zinacantán n'est pas un village particulièrement joli et son église n'a pas l'originalité de celle de San Juan Chamula, mais Karl m'avait dit qu'on pouvait visiter l'intérieur de maisons et voir des femmes tisser des vêtements traditionnels; il m'avait même recommandé une amie à lui, une certaine Petrona, qui serait ravie de nous accueillir chez elle. Nous voulions jeter un œil à l'église avant d'aller manger mais en chemin, une jeune fille nous a accostés pour nous proposer de visiter son atelier. Nous lui avons dit que nous voulions d'abord visiter l'église et que, comme nous n'avions aucune idée d'où se trouvait Petrona, nous pouvions aussi bien aller chez elle, mais que nous n'avions pas l'intention d'acheter quoi que ce soit. Elle nous a fait promettre que nous n'accepterions pas d'offres d'autres jeunes filles. C'est vrai qu'il y a une forte concurrence entre les jeunes filles.

Après un bref tour de l'église, nous avons mangé à côté dans un petit boui-boui sans prétention où nous avons pris du poulet grillé accompagné de riz. J'ai dit à Manuel que Karl avait averti Petrona de ma visite et que j'aurais préféré la voir. J'avais un numéro mais pas de téléphone. Lui, en revanche, avait un téléphone, et il m'a proposé de l'utiliser, ce que j'ai fait. J'ai eu un peu de mal à comprendre où elle se trouvait. Elle me disait qu'elle se trouvait juste à côté, je suis sorti du restaurant et j'ai couru dans la mauvaise direction en pensant qu'il fallait que je regarde au coin de la rue. Sa maison était en fait juste à l'autre bout de la place et elle me voyait m'agiter inutilement sans la voir. Nous sommes allés chez elle après manger, où nous avons vu sa sœur tisser à la manière traditionnelle. Petrona elle-même n'était pas très accueillante, peu souriante, et il n'y avait pas grand chose à visiter à part un atelier où elle avait tout un tas de vêtements tissés à vendre. Si nous n'avions pas l'intention d'acheter quoi que ce soit avant de rentrer, Manuel a quand même essayé plusieurs chemises et un short et a fini par acheter quelque chose après avoir négocié ferme. Moi j'ai un peu regardé les pièces autour en demandant l'autorisation, j'ai vu une cuisine, une chambre à coucher, c'était intéressant mais pas exceptionnel. Je pensais que ce serait une visite d'un intérieur traditionnel avec des explications mais l'interaction se limitait en gros à une relation commerciale.

Nous avons pris un taxi collectif pour repartir à San Cristóbal. De retour en ville, nous avons échangé nos contacts et je lui ai proposé d'aller boire un coup le soir. Il n'avait pas l'air bien chaud mais on a dit qu'on en reparlerait. J'avais prévu d'aller faire une sieste, car cette matinée m'avait crevé, mais j'ai commencé par aller me renseigner sur les moyens de transport pour Agua Azul puis Palenque. Au bureau d'information touristique, on ne m'a pas donné d'informations et on m'a dit de revenir plus tard. À la gare routière, on m'a dit qu'il n'était pas possible d'aller à Agua Azul en transport en commun. Du coup je me suis baladé en ville, j'ai pris plein de photos, je suis monté à l'église sur la colline pour avoir une vue d'ensemble de San Cristóbal, puis je suis retourné à l'office du tourisme, où on m'a dit que ce n'était pas possible d'aller à Agua Azul en transport collectif et qu'il fallait aller jusqu'à Palenque puis revenir à Agua Azul. Même réponse au bureau des billets de bus. J'ai renoncé à aller à Agua Azul demain et j'ai acheté mon billet pour Palenque.

Le premier bus était à 6 heures et quelques, mais c'est un peu tôt, quant au suivant, il était à 10 h 55. Cela me fait arriver après 15 heures à Palenque, ce qui ne me permettra pas de visiter le site. En plus, j'ai pris un billet côté gauche alors que le routard recommande de voyager du côté droit pour la vue. Bref, je me suis mal organisé sur ce coup-là. Je vais passer une journée demain sans visite touristique. Je vais considérer ça comme une journée de repos. Peut-être que lundi je pourrai visiter le site le matin puis aller à Agua Azul l'après-midi avant de prendre un bus de nuit pour Merida. On verra quels sont les horaires de bus.

Je suis rentré à l'hôtel pour finir mon récit de la veille. Je me suis installé dans le petit patio à la réception. Le soir arrivait et on sentait bien la fraîcheur s'installer. À 20 heures, je suis allé chercher ma lessive puis je suis sorti humer l'atmosphère de fête dans la ville et me trouver quelque chose à manger. Mon choix s'est porté sur un resto propret où il n'y avait que des mexicains. J'ai pris des tacos à une viande qui n'était pas terrible mais dans l'ensemble, ce n'était pas mauvais. Demain, mon bus part tard, j'aurai le temps de bien dormir.