18e
jour – Mérida et Chichén Itzá
Mardi
26 février 2013
On
pourrait croire qu'en arrivant avant 7 heures du matin dans une
ville, on peut profiter d'une longue journée pour faire une
multitude de choses. Eh bien ce n'est pas le cas quand on descend du
bus. Et pourtant, j'ai peut-être passé l'une de mes meilleures
nuits dans un bus. Je me suis endormi vite, je n'ai pas eu trop
froid, ni trop chaud, je n'ai pas été envahi par un voisin et les
occupants du véhicule étaient calmes. Même la visite d'un
policier, qui m'a demandé de produire mes papiers d'identité, puis
d'un douanier, qui m'a demandé la même chose (et rien qu'à moi,
c'est dire si je suis privilégié), n'ont pas eu raison de mon
sommeil. Je suis donc arrivé à Mérida relativement reposé mais
j'ai vite abandonné l'idée de prendre aussitôt un bus pour Chichén
Itzá, estimant qu'il valait mieux que je dépose mes affaires à
l'hôtel et que je me repose un peu. De plus, je serais arrivé en
même temps que des milliers d'autres touristes, ce qui aurait pu
nuire à mon appréciation des lieux.
Le
temps de m'orienter dans cette ville en damier aux rues numérotées
et je suis allé dans un hôtel recommandé par Karl. J'ai dit que je
venais de sa part mais, une fois de plus, ça leur a fait une belle
jambe. J'ai pris la chambre la moins chère mais c'est quand même
bien plus cher qu'ailleurs au Mexique, surtout qu'au Chiapas. Ceci
dit, le cadre est sympathique, les chambres sont situées autour d'un
patio intérieur où les résidents viennent prendre le petit
déjeuner le matin et, dans l'autre patio, on peut se baigner dans
une piscine. La classe. Je me suis installé dans ma chambre – pas
très moderne mais suffisamment confortable pour moi –, j'ai pris
mon shoot d'Internet, j'ai étudié mon guide pour savoir ce que
j'allais faire, puis j'ai décidé que la première chose à faire,
c'était de manger, parce qu'une fois de plus, j'avais volontairement
fait fi du petit-déjeuner et à 11 heures, j'avais faim.
Je
suis allé en direction du Zócalo pour commencer à découvrir
Mérida, qui est une ville bruyante et grouillante. Beaucoup de
circulation, beaucoup de gens sur les trottoirs (ce qui est sûrement
dû au fait que les trottoirs sont très étroits). Mais
contrairement à ce que laisse entendre le Routard et ce que d'autres
personnes ayant voyagé à Mérida semblent dire, je trouve que
l'architecture coloniale peine à se manifester. Çà et là, on peut
voir des façades un peu différentes mais je trouve que, d'un point
de vue architectural, cette ville est quelconque. Peut-être qu'elle
n'est pas bien mise en valeur. Peut-être que je ne suis pas allé
dans les bons quartiers. En revanche, j'admets qu'on puisse aimer
l'atmosphère de Mérida, mais avec tout ce monde, je me sens un peu
étouffé. Enfin, peut-être que je regarde la ville à travers le
prisme de la privation de sommeil. Elle m'a déjà fait le coup.
Le
Zócalo est très agréable, grande place arborée qui constitue un
petit havre de paix au milieu du tumulte exubérant du trafic
automobile effréné (oui j'exagère un peu). Les bâtiments qui
l'entourent ne sont pas désagréables à regarder: une cathédrale
massive et sobre, des arches longeant des passages commerçants, un
palais administratif. J'ai cherché l'office de tourisme pour me
renseigner sur les options qui s'offrent à moi eu égard à mes
projets d'excursion hors de la ville. Un type qui distribuait des
cartes de visite pour un restaurant m'a demandé ce que je cherchais
et m'a expliqué que l'office du tourisme était fermé. Il m'a dit
comment aller à Chichén Itzá, quel bus je devais prendre, etc. Oui
c'est sympa, mais il n'est pas l'office du tourisme, lui, il ne me
peut pas vraiment me conseiller sur ce que je devrais faire
aujourd'hui. Je l'ai quitté en le remerciant, j'ai fait un tour de
pâté de maison et j'ai trouvé l'office de tourisme – tout ce
qu'il y a de plus ouvert – où j'ai été accueilli par deux jeunes
femmes. Celles-ci m'ont donné des tas de petits bouts de papier avec
les horaires des bus de 1ère classe pour Chichén Itzá, Uxmal,
Izamal et répondaient à toutes mes questions avec
professionnalisme.
Avant
de prendre une décision, il fallait que je mange, disais-je, et,
pour cela, je suis allé jusqu'à une petite place où l'on trouve
plein de petites gargotes servant plus ou moins toutes la même
chose, comme sur les marchés. Dès mon arrivée, j'ai été assailli
par les tenanciers et -cières, qui me collaient leur menu sous le
nez et me pressaient de m'asseoir chez eux. Je leur disais que je
voulais faire un tour d'abord. Mais dans tout cet étalage de bouffe,
une petite devanture m'a interpellé plus que les autres. J'y ai vu
(végétariens, sautez les prochaines lignes) deux beaux animaux bien
rôtis, dont l'un avec des chicharrones dessus. Si j'ai bien
compris, c'était du cochon de lait. J'en ai commandé deux tacos,
ainsi que deux tacos de queso relleno – du fromage fourré à
la viande – qui se sert normalement en sandwich mais que j'ai voulu
prendre en tacos. Fromage pas terrible, viande pas terrible: ça
aurait été certainement meilleur entre deux bouts de pain.
Après
manger, ma décision était prise: j'allais attraper le bus de 12 h
40 pour Chichén Itzá. J'aurais le temps de faire un bon tour en
deux heures avant de prendre le dernier bus, à 17 h 00. Or voilà,
la gare routière était à l'autre bout de la ville. Fort d'une
meilleure connaissance de la ville, j'y suis allé d'un pas assuré
et rapide, afin d'arriver à temps. Il suffisait que je tourne à
droite puis à gauche, puis à droite, puis à gauche et ainsi de
suite jusqu'à la rue 70. J'étais tellement confiant qu'à un moment
j'ai oublié que j'avais déjà tourné à gauche et à
l'intersection suivant, j'ai viré à bâbord une nouvelle fois,
prenant ainsi une trajectoire complètement erronée. Heureusement,
je me suis bien vite rendu compte que je m'étais fourvoyé, les
numéros de rue ne défilant plus dans l'ordre que je voulais. En fin
de compte, je suis arrivé à la gare routière juste à temps, j'ai
acheté un billet pour le bus de 13 h 00 – avec hésitation, parce
que le bus arrivait vers les 15 h 30 à Chichén Itzá: ça faisait
un long trajet et en plus, ça ne laissait qu'une heure et demie pour
visiter le site – puis je me suis installé dans la salle
d'attente. Là, je me suis rendu compte que je n'étais certainement
pas entré dans la bonne gare routière. Il aurait fallu que j'aille
à celle d'à côté – celle où je suis arrivé – pour prendre
le bus direct de 12 h 40.
En
effet, l'autocar était un omnibus qui s'arrêtait dans tous les
villages le long de la route, jusqu'à Chichén Itzá et au-delà. Le
paysage étant tout à fait inintéressant, la route étant bordée
d'une épaisse et triste végétation qui ne laissait rien voir, le
moment fut tout indiqué pour faire une sieste. D'ailleurs, je n'ai
pas attendu d'être sorti de la ville pour m'assoupir. Cela a
considérablement réduit l'attente jusqu'à Chichén Itzá mais le
trajet n'en a pas été moins interminable. Surtout que plus le bus
prenait du retard, moins j'aurais de temps pour voir ce site toltèque
et maya, considéré comme l'une des nouvelles merveilles du monde,
dont j'ai tant entendu parler. Le bus est arrivé avec un quart
d'heure de retard à 15 h 45 et, à la caisse, la dame qui vendait
les billets a eu la bonté de me dire que l'entrée du site était
gratuite à partir de 16 h 00. Je me suis dit que quitte à courir
pour voir des ruines, autant que ce soit gratuit. J'ai attendu donc
quelques minutes et j'ai ainsi économisé 10 euros. Une fortune,
comparé aux autres sites antiques que j'ai visités au Mexique.
Donc,
j'ai vu Chichén Itzá. Je l'ai survolé. Il restait beaucoup de
touriste mais quand je suis entré sur le site, j'étais à
contre-courant du flot de gens qui avaient fini leur visite
(payante). C'est aussi un avantage. Les vendeurs de souvenirs et de
mayateries diverses étaient extrêmement nombreux, ce dont on
m'avait averti auparavant. Je pense que je n'ai jamais eu autant
d'«amis» que pendant cette heure. «Hé l'ami!», «pas cher,
quasiment gratuit», m'ont ils interpellé incessamment pendant mon
tour du site. Et ils vendent tous la même chose. «Oh, un sifflet
qui imite le bruit du jaguar! Si j'en avais pas vu et entendu 155
depuis les vingt derniers mètres, je vous assure, Monsieur, que
j'aurais été véritablement étonné.» Mais dans l'ensemble, ils
sont tout de même sympas. Ils n'insistent pas et, de toute façon,
vu les sacs de babioles que se traînent les touristes en sortant,
les vendeurs doivent bien y trouver leur compte.
Pas
besoin de chercher la pyramide emblématique de Chichén Itzá – le
Castillo – trop longtemps; elle se trouve juste à l'entrée du
site. C'est l'élément le plus impressionnant et probablement le
mieux conservé (ou remis en état) du site. Elle n'est pas très
grande mais sa régularité et son parallélisme sont frappants.
Quand on sait en plus qu'elle a une utilité et une symbolique
astrologique, on ne peut qu'admirer l’œuvre. Pas le temps de
m'attarder, je poursuis ma visite: le jeu de pelote, quelques petits
temples, quelques poufs qui se font prendre en photo la bouche en cul
de poule devant le Castillo, le temple aux Mille Colonnes, des
vendeurs, encore des vendeurs, même en plein milieu de la forêt,
puis une autre section de temples et d'édifices divers plus ou moins
bien conservés. Le site n'est pas très grand et quand même assez
boisé, ce qui le rend agréable, mais je n'aimerais pas venir en
plein milieu de l'après-midi quand le soleil est haut et que les
touristes affluent. Si je reviens au Mexique, j'irai visiter Chichén
Itzá dès l'ouverture, à 8 heures du matin, pour bien en profiter.
Après
16 h 30, les gardiens commencent à inviter les gens à sortir. J'ai
terminé mon tour en photographiant de gros iguanes qui sortaient à
la faveur du déclin de l'activité touristique, puis en profitant
d'un répit devant le Castillo pour me faire prendre en photo (pas la
bouche en cul de poule) presque seul. Un exploit, selon moi.
Le
dernier bus pour rentrer à Mérida était à 17 h 00; il fallait
donc que je me dépêche de terminer ma visite et de revenir sur le
parking pour sauter dans le bus. À 17 h 15, toujours pas de bus. Je
ne m'inquiète pas, je sais que les bus ont du retard, c'est dans
leur nature. À 17 h 20 vient un bus pour Mérida. Je montre mon
billet au chauffeur: pas la bonne compagnie. Dommage, je suis sûr
que celui-là était direct. Mon bus est arrivé une dizaine de
minutes plus tard. J'espérais bien, comme à l'aller, dormir, mais
impossible de trouver le sommeil. J'ai l'impression que c'est plus
difficile de dormir dans un bus quand il fait nuit. Le voyage m'a
cependant semblé moins long. Des vendeurs ambulants sont entrés
dans le bus et j'ai cédé pour un paquet de chicharrón
agrémenté d'un peu de sauce pimentée pas très forte.
Rendu
à Mérida, j'ai fait un bref arrêt dans ma chambre d'hôtel puis je
suis sorti en quête d'un repas décent. Je me suis baladé
tranquillement jusqu'au Zócalo, j'ai pris quelques photos et un
homme m'a abordé en me donnant la carte de visite de son restaurant.
S'en sont suivies une conversation sur d'où je venais et où
j'allais et des flatteries sur ma maîtrise du castillan, puis mon
nouvel ami m'a dit que sa femme était Autrichienne et qu'elle devait
rentrer sans tarder d'une excursion à Uxmal, dont elle était la
guide. Il m'a ensuite expliqué qu'il y avait sept personnes dans le
monde entier qui savaient lire les inscriptions mayas et qu'il
étudiait pour devenir le huitième, ce qui, je dois l'avouer, m'a
beaucoup impressionné. Puis il m'a dit qu'il fallait absolument que
je voie la maison de l'artisanat où je pouvais prendre des photos
des tapis, broderies, bibelots, etc. et qu'il y avait même un
médecin traditionnel à l'étage. Il m'y a emmené sans que je m'y
oppose vraiment et je me suis retrouvé dans ce grand magasin où je
me sentais un peu scruté par tout le personnel, qui attendait
certainement que j'achète quelque chose.
Je
suis ressorti en saluant bien tous ces braves gens, puis je suis allé
chercher un resto proposant des spécialités yucatèques (ça veut
dire du Yucatan) recommandé dans le routard. Celui que je voulais
était fermé, du coup je me suis rabattu sur un autre, plus
touristique, mais très sympa. J'y ai goûté une soupe au citron
vert et au poulet, très bonne, et un poulet cuit aux oignons et une
sauce aux agrumes dans des feuilles de bananier. C'était bon mais un
peu sec et finalement le goût n'était pas si original. J'étais
assis juste en face de deux dames qui préparaient les tortillas à
la main. Elles étaient pour ainsi dire au cœur de l'activité du
restaurant, puisque les serveurs et les cuisiniers venaient
régulièrement vers elles pour leur quémander leur œuvre.
Je
voulais essayer de boire un chocolat local après le repas mais
j'étais bien trop rempli pour quoi que ce soit d'autre. Je suis
rentré à l'hôtel pour tapoter sur mon clavier mais la petite
sieste du bus pour Chichén Itzá n'avait pas suffi et je me suis
quasiment endormi sur mon ordinateur.