(pardon pour les fautes)
Depuis le petit avion qui me ramenait sur le continent, quand les nuages ne les cachaient pas, j'ai pu admirer de haut la forêt dense et le relief accidenté de Phu Quoc, les eaux turquoises du golfe de Thaïlande, le dédale de voies fluviales et les rizières inondées du delta du Mékong et le désordre urbain de Ho Chi Minh Ville. J'aurais voulu dormir dans l'avion, mais le paysage qui défilait au-dessous de nous m'en empêchait, si bien qu'à l'arrivée comme au départ, j'étais dans un état léthargique, peut-être dû aux Daiquiris de la veille, mais peut-être pas.
Mon sac de voyage récupéré, il ne me restait plus qu'à prendre un taxi pour la gare et attendre le train, quelque trois heures plus tard. J'ai suivi le premier rabatteur pour taxis qui m'a accosté mais j'ai regretté dès que je suis monté dans la voiture, parce qu'il me demandait de payer d'avance 500000 dongs, soit environ 15 euros, pour aller à la gare, alors qu'il n'y avait même pas besoin de traverser la ville. J'ai protesté mais il m'a dit que c'était un trajet de 45 minutes (en fait 20 minutes à tout casser). Bref, je me suis fait rouler, et avec mon consentement en plus, mais j'étais trop mou pour trouver une parade. Meh. Je suis en vacances, je peux le permettre, on va dire ça. J'ai mis à profit mon temps d'attente à la gare pour m'acheter un billet de train Hue-Hanoi pour dans quelques jours. On m'a indiqué que la salle des ventes se trouvait à l'étage – alors que j'avais acheté mon billet Saigon-Da Nang en bas – et quand j'ai demandé où retirer un ticket avec un numéro pour patienter, on m'a directement fait passer au guichet le plus proche où l'on parlait anglais. De l'avantage d'être étranger au Vietnam. J'ai même essayé de faire changer mon billet de 19h00 pour un train plus tôt, puisque j'étais là, mais il n'y avait pas de train plus tôt. Mon billet en poche, j'ai passé dix minutes à attendre qu'on veuille bien prendre mon sac en consigne, puis je suis allé faire un tour dans le quartier de la gare. Les étrangers ne devaient pas bien souvent s'éloigner de la gare car les passants et les commerçants me lançait souvent des regards curieux et, de fait je n'ai croisé aucun autre Blanc pendant ma petite promenade. J'ai pu de nouveau apprécier l'hystérie de la circulation à Ho Chi Minh Ville, notamment à un rond point noir de scooters, quasiment bloqué, mais comme le quartier ne présentait que peu d'intérêt, j'ai trouvé un bar un peu sympa afin de m'asseoir et boire un jus d'orange pour tuer le temps. Un peu en retrait de la rue, j'avais un poste d'observation idéal pour guetter les passants et les scooters mais finalement il ne se passait pas grand chose d'intéressant. J'ai acheté auprès d'une dame des gâteaux un peu étouffe-chrétien puis je suis retourné à la gare, où j'ai bu un autre jus de fruits dans un café un peu classe en attendant de devoir récupérer mon sac à la consigne. On m'avait ordonné d'être là à 18h00, soit une heure avant le départ de mon train. J'ai bien essayé de négocier avec la dame au moment de récupérer mon bagage, mais elle n'y entendait rien, et même quand elle a interpellé une jeune cliente qui, de toute évidence, était d'une génération qui devait parler l'anglais, l'échange a été une catastrophe. Personne ne comprenait rien. Pour faciliter les choses à tout le monde, j'ai repris mon sac et en prévision d'un long trajet de train, je suis allé remplir mon ventre dans le troquet d'à côté, où j'ai pris une pho, la soupe traditionnelle. Le service a été rapide, je les en remercie, et ce en dépit d'un feuilleton chinois à l'eau de rose à la télé devant lequel tout le personnel féminin du petit resto (autant dire tout le personnel) restait bloqué bouche bée. C'était assez rigolo à regarder.
Enfin l'heure de monter dans le train était arrivée. J'ai dû montrer mon billet trois fois avant de prendre ma place, mais à chaque fois je le rangeais dans un endroit où il était impossible de le retrouver par la suite. Alors que je cherchais mon billet pour la première fois, une jeune routarde est venue s'adresser à moi pour discuter, voyant que je voyageais seul. C'était une Française qui sillonnait la région depuis un mois et qui comptait rester encore tout autant dans le coin. Une jeune diplômée sans le sou mais visiblement avec une folle envie de voyager. Notre conversation a duré le temps de sa cigarette, car moi je voyageais en compartiment couchette molle avec climatisation et elle sur un siège en dur. Je ne pense pas que c'est par pur masochisme qu'elle fait ça, mais simplement pour économiser son argent (un thème qui est revenu plusieurs fois au cours de notre brève conversation).
Dans le compartiment, j'étais avec un couple de Vietnamien et un touriste étranger. Personne ne s'est parlé. J'ai passé un petit moment à écrire mon journal, puis à lire, et j'ai essayé de m'endormir tôt pour ne pas rater mon arrêt le lendemain. Malheureusement, le sommeil a mis du temps à venir mais j'étais loin de rater Da Nang le lendemain. J'avais calculé une arrivée à 9h00 du matin d'après les temps de parcours donnés par le Routard, or un contrôleur m'a annoncé que l'arrivée à Da Nang était prévue à 11h30. J'étais embêté, ça voulait dire toute une demi-journée de tourisme de perdue. Et puis je n'avais pas grand chose à manger, seulement quelques mandarines récupérées de ma chambre d'hôtel à Phu Quoc. J'ai passé la majeure partie de la matinée à lire, un peu déprimé par le paysage de rizières inondées sous un ciel très bas et même pluvieux à un moment du parcours. A l'heure où le train devait arriver, une dame est passée avec un chariot et je lui ai pris une cuisse de poulet avec du riz. Le tout n'était pas fameux mais au moins je n'aurais pas eu à me soucier de mon estomac criant famine pendant un moment.
Le train est arrivé à midi et à la sortie de la gare, le comité d'accueil des taxis était évidemment au rendez-vous. C'était parfait car j'avais prévu de recourir aux services d'un taxi pour m'emmener dans la ville classée au patrimoine mondial de l'UNESCO de Hoi An, à une demi-heure de Da Nang. J'ai essayé de négocier le prix avec les premiers taxis qui sont venus à moi mais un vieux est arrivé pour me proposer un prix trois fois moins élevé pour un voyage à moto. Comme j'avais un gros sac et que la route me semblait un peu humide, je lui ai dit que je préférais quand même une voiture. Il était marrant, le petit vieux, il parlais assez bien l'anglais et il se prenait pour Dennis Hopper avec sa moto, d'ailleurs baptisée « Easy Rider », comme de nombreuses autres, comme j'ai pu le constater par la suite. Il m'a dit que si je préférais la voiture, il connaissait un type – son frère, son cousin, le beau frère, va savoir – qui pouvait m'emmener pour moins cher que le taxi. C'était parti. Le chauffeur était sympa, même s'il écoutait une compile de slows et de dance des années 1990, finalement ça collait bien avec ma nouvelle coupe de cheveux. Il m'a montré une des curiosité de la région, la « Montagne de marbre », un mont qui se dresse au milieu de la plaine et d'où, comme son nom l'indique, on extrait du marbre. De loin, ça avait l'air assez moche, en tout cas ce qui l'entourait: la route, les magasins, la carrière et tout un tas de trucs qui rendaient le lieu moins prestigieux que son nom ne le laissait entendre.
La voiture m'a déposé à l'hôtel que j'avais repéré dans le guide du Routard. Bien que ce soit un hôtel de milieu de gamme, il fait très classe, il a même une piscine, mais il fait relativement froid pour en profiter. Le vent soufflait, le ciel était gris et si je n'avais pas été en mode touriste, je serai peut-être bien resté dans ma chambre. Après ces heures de train sans me changer, j'étais bien content de prendre une douche, avec de l'eau chaude en plus – la première depuis que je suis arrivé au Vietnam. Il était 15h00 environ quand je me suis lancé à la découverte de Hoi An. Décontenancé par je ne sais quel phénomène, je me suis complètement gouré de sens en pensant me diriger vers le centre-ville et ce n'est qu'après une dizaine de minutes que je m'en suis rendu compte. C'est pas grave, j'ai fait demi-tour et j'ai quand même pu voir de jour et même avec un rayon de soleil les nombreux temples chinois et les jolies rues de Hoi An, avec ses bâtiments anciens, en pierre et en bois, influencés par les styles chinois, japonais et vietnamien, ainsi que le charmant pont japonais qui enjambe une petite rivière. Dans les temples, quelque chose m'a donné l'étrange impression d'être dans une église: la quiétude que confère la solennité des lieux, bien sûr mais aussi en l'occurrence l'odeur, une odeur de bois et de moisi qu'on retrouve aussi dans certaines de nos églises. Le centre de la petite ville est vraiment charmant, les maisons ont du caractère et pour couronner le tout, la circulation des scooters est bien moins importante que dans les autres villes que j'ai vues. Pour couronner le tout, les véhicules à moteurs sont interdits à certaines heures dans quelques rues, ce qui confère une sérénité certaine à ce gros bourg. Mais malgré la relativement faible densité de vélomoteurs, Hoi An est la seule ville où j'ai assisté à des accidents de la route, et même deux, sans gravité, mais attirant son lot de badauds quand même.
Dans une maison ancienne, j'ai pu avoir une visite rapide par un membre de la famille (la maison est toujours habitée) en français. Ça m'a bien fait plaisir. Les touristes sont très nombreux et les vendeurs de rue, contrairement au autres villes que j'ai vues au Vietnam, sont là non pas pour les locaux mais essentiellement pour les touristes. Dans quasiment chaque maison se trouve un magasin pour touristes: peintures, babioles, cartes-postales, mais aussi et surtout, particularité de Hoi An, des tailleurs. Je pensais éventuellement y faire un tour, mais une rabatteuse un peu plus opiniâtre que les autres ou ayant su me cueillir au bon moment a réussi à m'amener dans son atelier. Une fois que j'étais devant le catalogue, je ne pouvais plus arrêter de réfléchir à ce que je pouvais m'acheter. Bref, je crois que ça va me faire environ cinq kilos de vêtements à envoyer en France. On a pris mes mesures mais je n'avais pas d'argent sur moi alors la sœur de la tailleuse m'a emmené sur son scooter à mon hôtel pour que je récupère ma carte de crédit. À la sortie, d'autres vendeuses m'attendaient, pour me vendre des chaussures (n'importe quelle forme), des tongs (n'importe quelle taille), des ceintures, etc. Las de mon shopping, j'ai décliné leurs offres, avec peut-être quand même une pointe de regret.
Je suis allé boire un coup dans un bar fréquenté quasi-uniquement par des Occidentaux en attendant l'heure de manger, ce qui m'a permis de feuilleter mon Routard pour trouver un bon resto. D'après mon guide, ce serait à Hoi An que la cuisine est la plus fine au Vietnam, alors j'ai préféré ne pas prendre une soupe ou quelque chose de rapide dans la rue, mais plutôt faire une expérience plus gastronomique des mets locaux. Le resto qui m'intéressait le plus dans le Routard n'existait plus mais je me suis installé chez celui qui lui a succédé. J'ai pris le plat local – des nouilles avec un peu de porc; bon, mais pas vraiment de quoi casser trois pattes à un canard – et des nêms pour compléter. Après cela je suis retourné un peu au centre pour m'acheter un dessert frit, un beignet de haricots rouges en l'occurrence (j'avais déjà pris de la banane frite et un beignet de haricots blancs dans l'après midi) puis je suis rentré à l'hôtel réserver une place dans le bus pour Hué à 14h00 le lendemain et écrire mon journal.
Le lendemain j'avais rendez-vous à 11h00 pour faire les essayages de ce que j'avais commandés la veille mais c'était sans compter sur une panne de courant généralisée dans toute la ville. Cela posait problème pour les petites mains qui ne pouvaient pas utiliser leurs machines à coudre électrique et devaient concevoir mes vêtements (et ceux des autres, accessoirement) et cela posait problème pour moi directement, car j'arrivais à court de cash et qu'aucun distributeur automatique ne fonctionnait. Il y avait bien quelques générateurs qui avaient été mis en route çà et là, mais seulement dans quelques magasins à touristes. J'ai refait un tour en ville, visité encore une maison avec visite en français, un temple chinois, puis je suis allé à l'atelier pour l'essayage des mes vêtements. Comme je le craignais, rien n'était prêt et on m'a donné rendez-vous à nouveau à 13h00. Comme j'avais fait le tour de la ville déjà quatre fois, j'ai préféré rentrer à l'hôtel, d'abord en pensant poster un billet sur mon blog, mais je me suis rendu compte en arrivant que s'il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait pas d'Internet non plus. J'ai donc fini mon livre, puis je suis allé manger dans un petit resto de rue recommandé par le Routard, sans menu, on nous apporte de quoi rouler des brochettes et des nêms dans une galette de riz avec de la salade. Le personnel est très sympa. Il y a une autre raison qui fait que j'apprécie cette ville, c'est qu'on ne m'a jamais autant dit que j'étais beau garçon. Les femmes d'ici sont particulièrement flatteuses. Je prends quand même. Après le repas, j'ai filé de nouveau à l'atelier. Certains articles étaient prêts mais nécessitaient quelques retouches. On m'a fait attendre encore une quinzaine de minutes pour les vestes de costume, alors que j'avais un bus à prendre moins d'une demi-heure plus tard. Quant aux pantalons de costume, je ne les ai même pas essayés. Et évidemment je n'ai pas pu réessayer les articles retouchés et je n'ai plus qu'à faire confiance qu'ils vont bel et bien m'envoyer ce paquet de fringues. On m'a ramené à moto sans casque à l'hôtel pour que je ne manque pas de bus et même si je suis arrivé avant l'heure qu'on m'avait indiquée, on m'a fait remarquer que le bus m'attendait depuis 13h30.
C'était probablement le bus le plus inconfortable que j'aie jamais pris. Les rangées de sièges étaient tellement serrées les unes derrières les autres qu'il n'y avait pas de place pour les jambes même en s'asseyant très droit. J'ai pris la place juste derrière le chauffeur, où il y avait un bon mètre pour allonger les jambes, mais avec un sol un peu relevé, ce qui n'était pas optimal, mais un moindre mal quand même. Je me suis endormi tout de suite après la sortie de Hoi An et je me suis réveillé une petite demi-heure plus tard à l'arrivée dans Da Nang, où le bus a déposé et pris des gens en chemin. Tout au long du parcours, qui a franchi plusieurs cols sur des routes en bien piteux état, les gens sont montés et descendus du bus. Le temps était maussade, très pluvieux, vraiment déprimant.
Nous sommes arrivés à Hué à la tombée de la nuit. Je n'avais pas réservé d'hôtel et un type est monté dans le bus pour proposer aux voyageurs de descendre dans le sien. Alors je l'ai suivi, ça ou un autre... en plus il était dans le Routard alors... J'ai posé mes affaires dans ma chambre, me suis occupé un peu de mon blog, puis je me suis changé, assez content de porter un jean et des chaussures, car il fait frais et humide ici, et je suis parti manger dans un restaurant près de la citadelle impériale, une fois de plus recommandé par le Routard. En chemin, des motards m'ont proposé de m'emmener où je voulais, comme d'habitude et un m'a proposé d'autres services pas dignes d'un gentleman comme moi. Au resto, qui servait une spécialité locale au début assez bonne mais assez grasse par rapport à ce qu'on a l'habitude de manger ici, un autre motard m'a tenu la jambe pour que je parte à moto avec lui visiter les sites aux alentours de Hué. Il a bien insisté, m'a montré des témoignages d'anciens clients extrêmement satisfaits, ce qui m'a effectivement rassuré et encouragé, mais il pleut tout le temps dans cette ville et je ne me sentais pas d'être trempé toute la journée et de monter à moto sous la pluie.
Je suis parti ensuite me balader dans la citadelle, qui ne présente pas d'intérêt la nuit, car aucun monument n'est éclairé et beaucoup de rues sont mornes, près des parcs. Je veux bien croire que de jour c'est magnifique, mais la nuit, il n'y a rien à faire à l'intérieur de la citadelle de Hué. D'ailleurs je n'ai croisé aucun autre touriste, qui doivent tous être dans la ville moderne en train de manger et boire des coups. Fort de ce constat, je m'en suis rentré à l'hôtel et alors que j'allais tourner dans ma rue en manquant me prendre les pieds dans une racine, qui vois-je au coin qui me dit de ne pas tomber? La Française de la gare de Saïgon. Elle ne m'avait pas reconnu tout de suite, en fait, mais moi oui, et je l'ai saluée avec plaisir. On a discuté un moment, j'ai appris qu'elle s'appelait Angie et qu'elle avait rencontré un groupe de Français avec qui elle partait à Hoi An le lendemain. Je suis allé saluer sa bande puis je suis rentré me terrer dans ma chambre pour tenir mon journal à jour tout en regardant James Bond et un autre film, un genre de western fantastique.
L'attraction principale de Hué, c'est sa cité impériale, au cœur de la citadelle, et je pensais que j'aurais largement le temps de la visiter en une journée et même d'aller voir d'autres sites aux alentours de la citadelle, c'est pourquoi je me suis accordé une matinée de repos. Sauf que dans ce pays, et surtout dans cet hôtel, c'est trop demandé d'avoir un peu de calme. Dès 7h30, des gens ont commencé à taper je ne sais quoi contre les murs, à déplacer des meubles lourds au-dessus de moi (ça m'a rappelé chez moi) et à gueuler dans la cage d'escaliers. Il faisait très froid le matin dans ma chambre quand je me suis réveillé et j'ai mis ça sur le compte du climat pluvieux de Hué. J'ai pris une douche bien chaude, je me suis habillé en pantacourt et chaussures fermées en prévision de la fraîcheur et de la pluie et je suis sorti dans la ruelle prendre le petit déjeuner en face, chez « Coffee on Thu wheels », une agence qui propose des tours à moto comme on m'a proposé la veille. J'ai absorbé mon omelette, mon thé et mon jus d'orange en lisant les commentaires laissés à même les murs et le plafond par les touristes de tous les pays qui ont eu recours aux services dudit Thu. Un couple de Français (très reconnaissables à l'accent) sont même partis à moto avec leurs deux enfants en bas âge.
Il s'avère que j'ai eu une chance de cocu (ça va, je risque rien) avec le temps. Il est resté au beau fixe toute la journée, me faisant presque regretter de ne pas avoir accepté l'offre du motard de la veille, me faisant un peu regretter d'avoir pris ma veste et me faisant vraiment regretter de ne pas avoir pris mes lunettes de soleil. C'est donc dans ces conditions que j'ai pénétré dans l'enceinte de la cité impériale, inscrite au patrimoine mondiale de l'UNESCO, grandement endommagée pendant les guerres qu'a connues le Vietnam au 20e siècle mais dont certains bâtiments ont été rénovés. Cette cité à été construite au 19e siècle pour la dernière dynastie qui a régné (avec l'accord des Français) sur le Vietnam, jusque dans les années 1940 et l'arrivée du pouvoir révolutionnaire.
Si j'avais été fort déçu de ma promenade nocturne de la veille dans la citadelle autour de la cité impériale, je dois dire que le sentiment de déception a fait place à un grand émerveillement et un immense respect pour ce que j'ai pu voir de jour à l'intérieur de la cité impériale. Je ne pourrais pas décrire ce que j'ai vu – je ne suis pas un spécialiste de l'architecture – mais pour résumer, tous les édifices, que ce soient ceux qui ont survécu aux conflits, ceux qui ont été rénovés ou même ceux qui sont encore en ruines sont d'une grande recherche architecturale et très élégants. En ce qui concerne les constructions qui ont été complètement rasées, là je ne pourrais bien sûr pas en dire autant mais disons que ce qui tient encore plus ou moins debout vaut vraiment le coup d’œil. La plupart des bâtiments sont de style asiatique, avec des toits recourbés, beaucoup de laques, des tons rouges et verts, des dragons, et tout ce que l'art de cette région sait faire de plus beau et de plus fin. Malgré toutes les destructions il reste beaucoup de choses à voir – des palais pour l'empereur, ses concubines, sa mère, etc., des temples dédiés aux ancêtres, des lieux de divertissement, comme un théâtre, des salles de réunion et tout un tas de passages couverts et sûrement d'autres choses dont je n'ai pas jugé utile de retenir la destination – et j'ai bien dû passer trois heures à arpenter ce vaste ensemble, faisant à peine quelques pauses pour consulter ce que le guide du Routard avait à en dire.
Vers 14h00, quand j'ai estimé avoir fait le tour, je suis sorti pour aller calmer mon ventre qui commençait à crier famine. Je suis allé trouver un resto recommandé par le Routard (je fais beaucoup ça en ce moment, il va falloir que je renoue avec mes expériences culinaires « populaire »), à l'intérieur de la citadelle mais assez loin à pied (il faut dire que la ville est assez étendue, y compris la citadelle). Le resto était assez classe mais à prix raisonnables, la nourriture correcte mais sans plus. J'ai pris un menu avec cinq plats: des nêms, une soupe de légumes, une crêpe de Hué comme j'avais pris la veille (mais ici on la consommait différemment, de façon plus simple), une salade de figues (pas trouvé les figues, mais la façon de manger était marrante, il fallait mettre la « salade » dans une chips épaisse comme on trouve en apéro dans les restos asiatiques, et comme je rajoutais de la sauce par dessus, ça crépitait dans la chips), du riz et du bœuf. J'admets qu'ils soignaient à fond la présentation, mais les plats étaient pour la plupart fades; seul le bœuf, très parfumé, sortait un peu du lot. Des Français que j'avais croisés dans la cité impériale se sont installés à la table à côté avec leur petite fille. On a parlé un petit peu, j'ai commenté de façon flatteuse mon repas (comme j'avais mangé avant eux) et déploré avec eux qu'il n'y ait pas eu d'éléphants pour la petite dans la cité impériale.
Il me restait assez de temps pour aller voir le grand marché, qui était plus ou moins sur le chemin de l'hôtel et qui était le seul autre truc qui m'intéressait de voir, même si des marchés, j'en ai vu déjà pas mal depuis que je suis arrivé à Vietnam. J'allais d'un pas déterminé en direction du marché en faisant de mon mieux pour éviter les obstacles postés sur mon chemin sur le trottoir et la circulation dans la rue quand un petit vieux m'a dépassé à vélo en me criant « Bonjour, vous êtes Français? ». J'ai répondu que oui et il a poursuivi son chemin. Mais il m'attendait au tournant (littéralement) et m'a invité, dans un français intelligible, à venir chez lui boire un coup, à quelques mètres de là où nous nous trouvions. Ma première réaction a été de décliner son invitation mais après tout, c'était une occasion d'aller chez quelqu'un du cru et de voir comment il vit alors bon, j'ai accepté. Naïf que j'étais, je n'avais pas pensé que son chez lui, c'était en fait un petit bar où l'on m'a effectivement servi à boire et des gâteaux. Ceci dit, c'était assez amusant de l'entendre parler français, qu'il avait appris dans les écoles de la République pendant l'occupation française. Il m'a beaucoup parlé de son frère qui vit à Lyon et qui est une espèce de surhomme qui a fait des études de chimie, a été prof à l'université, puis qui s'est reconverti en professeur de kung-fu.
Mon Coca consommé, j'ai pris congé de lui et sa femme (non sans avoir oublié de régler la note, bien entendu) puis je suis rentré récupérer mes affaires à l'hôtel en prenant quelques détours par des petites ruelles, et j'ai même eu le loisir d'observer une partie de pétanque entre locaux. Probablement un héritage de la présence coloniale française dans cette région du monde. J'ai voulu aussi me poster à un carrefour pour prendre des photos de gens, mais le résultat est peu convaincant. À l'hôtel, on m'a servi un petit thé le temps que je suis resté assis en attendant l'heure de partir, puis j'ai passé mon sac sur les épaules et je me suis mis en marche vers la gare. Vingt minutes à pied, m'avait-on dit. C'était un peu plus, mais c'est pas grave, j'étais loin d'être en retard et de toute façon le train, lui, en avait, du retard. Quasiment une heure. J'ai patienté, détendu, après m'être vaguement préparé pour être plus en mode train (accessoires et vêtements stratégiques à portée de main, tongs à la place des chaussures pour pouvoir monter plus facilement sur le lit en hauteur). Enfin on nous a annoncé l'arrivée du train et on nous a laissé l'attendre sur le quai. Le train est arrivé une vingtaine de minutes plus tard (j'ai filmé l'arrivée du train en gare de Hué, qui me paraît assez intéressante) et je me suis installé dans un compartiment déjà occupé par un Vietnamien taciturne et la plupart du temps ailleurs, vite rejoint par un petit couple de Néozélandais qui voyagent en groupe. M'ont pas l'air bien dégourdis ces deux Kiwis... Maintenant j'attends le prochain arrêt – si le train conserve son retard, il devrait faire halte dans une heure, vers 21h00, en espérant que des vendeurs vont monter pour proposer des trucs à manger parce que malgré mon repas complet de ce midi, je commence à avoir faim. Sur le quai de la gare, j'ai hésité à m'acheter des nouilles instantanées, mais finalement je ne les avais pas jugées dignes de ma curiosité culinaire.
Bon alors finalement des gens sont passés vendre à manger bien avant l'arrêt prévu, mais c'était loin d'être bien folichon. Du riz tiède avec un genre de calamar séché par-dessus et deux œufs durs. J'ai pris aussi une bière. Tiède. Une Heineken en plus. Dégueulasse. Le Néozélandais m'a un peu adressé la parole pendant que je mangeais, demandant d'où je venais. Il m'a dit qu'il ne voulait pas toucher cette nourriture. Lui et sa copine ils ont pas du tout l'air à l'aise à voyager dans des pays plus pauvres que chez eux. Je veux dire, ils passent leur temps à se passer du désinfectant sur les mains et il ne mange que des pizzas parce qu'il a peur de tomber malade... c'est triste. À mon humble avis, il a moins de chance de tomber malade en mangeant un œuf cuit dur qu'en mangeant une pizza dont il ne sait rien de la préparation. Ceci dit, je ne recommande vraiment pas la Heineken tiède. Je crois bien que ce produit hollandais m'a rendu malade.
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