Alors voilà, je suis à l'autre bout du monde. Et c'est arrivé sans trop de sueur et de larmes. Vendredi, je m'y suis pris tôt pour être à l'heure à l'aéroport de Genève mais l'avion pour Paris avait du retard. J'ai donc attendu en me faisant du mouron, ignorant si j'allais réussir à avoir ma correspondance. Évidemment, tout s'est bien passé. J'ai à peine eu à courir entre les deux terminaux et j'ai même eu le temps de faire un arrêt (obligatoire et urgent) avant de repasser la sécurité.
Une fois dans l'avion, j'ai commencé à me détendre et à profiter. Une de mes grandes craintes avant de partir, c'est d'être trop distrait par la multitude de divertissements proposés pendant le vol, notamment les films, et de ne pas pouvoir prendre le repos nécessaire avant de me lancer dans deux semaines de tourisme intensif. Mais finalement, j'ai étonnamment bien dormi après le repas. Enfin, pas si étonnamment que ça, après du champagne, du vin et un digestif à la poire. Après quelques heures de sommeil, j'ai regardé un film, « Un prophète », de Jacques Audiard, qui était pas mal, puis nous sommes gentiment arrivés à Saïgon, un peu en avance sur l'horaire et juste avant que le soleil se couche. Fait intéressant, c'est la première fois que le commandant de bord était une commandante de bord. Et deux fois en plus! Sur le vol Genève-Paris et sur le vol Paris-Ho Chi Minh Ville. Encore un témoignage du progressisme légendaire de la nation française!
Dès la sortie de l'avion, j'ai senti l'odeur d'humidité tropicale, qui m'a rappelé la Jamaïque. Puis j'ai dû récupérer mon visa. Il fallait faire la queue et donner son passeport avec la lettre d'invitation obtenue sur Internet. Le douanier a pris tout ça mais comme il ne parlait pas l'anglais je n'ai pas compris ce qu'il m'a dit de son geste balayant l'air. Je me suis mis dans la deuxième queue et j'ai attendu. Autour de moi, les gens étaient tout aussi perplexes, mais certains avaient un formulaire qu'ils devaient remplir sur place. J'ai commencé à m'inquiéter en me demandant si je n'allais pas passer encore des heures en attendant qu'on vienne me dire qu'il fallait le faire. J'ai demandé à un anglais et une allemande autour de moi, qui étaient encore plus paumés que moi, car il faisaient la queue là où la file n'avançait pas. Je suis allé voir le douanier qui m'a dit qu'on allait m'appeler. J'ai compris après qu'on nous appelait pour nous donner notre passeport avec visa et qu'il faudrait payer à ce moment-là. Seulement il fallait tendre l'oreille, parce que le douanier appelait avec une prononciation locale à couper au couteau. De toutes les personnes qu'il a appelées, je n'ai pas compris un seul nom. Heureusement, je connais bien le mien et on m'a donné mes papiers sans faire d'histoires. Après le passage de l'immigration, où le type était bien plus sympa qu'à Miami, j'étais enfin au Vietnam. Des dizaines de taxis m'ont proposé de m'emmener en ville, mais je les ai tous refusés. Je voulais prendre le bus ou un moto-taxi, mais il n'y avait pas de moto taxi et je n'ai pas trouvé le bu. J'ai marché jusqu'au terminal domestique pour finalement monter dans un taxi. Le gars ne parlait pas l'anglais, ou très peu – les chiffres, surtout, pratique pour faire payer les clients – donc la conversation était limitée, mais il m'a emmené à mon hôtel et c'est le principal.
Ho Chi Minh Ville est connue pour sa circulation hectique, mais je pense qu'aux alentours de 18h30, le trafic est particulièrement chargé. De partout déboulent des cyclomoteurs, transportant parfois quatre personnes – le père, la mère, la fille et le petit dernier – les piétons traversent où ils peuvent à travers le flot dense de deux roues, pour tourner, il faut se mettre face à la circulation venant en sens inverse, bref, c'est l'anarchie. Mais les gens le vivent bien. C'est comme ça, on fait avec. Moi je rigolais à côté du chauffeur, l'euphorie de me trouver à l'autre bout du monde se mêlant avec cette incroyable fourmillement et le décalage complet qu'il représente par rapport à ce qu'on connaît en Europe. Une fois arrivé à l'hôtel, il était prévu qu'on m'emmène à un autre hôtel, car celui où j'avais réservé était complet. Je n'avais pas prévu qu'on me fasse monter sur un scooter derrière une jeune fille pour y aller, avec mon sac de voyage sur le dos, et encore moins qu'on me fasse faire la même chevauchée en sens inverse, car finalement j'avais de la place dans l'hôtel juste à côté du premier. Bref, c'était très marrant. On m'a conduit à ma chambre sans fenêtre (il est vrai, pas très utile quand on dort et pratique pour échapper au bruit de la rue).
L'hôtel où je loge est situé dans le quartier « routard », comme se plaît à l'appeler le guide de voyage du même nom, qui m'accompagnera je l'espère jusqu'à la fin (pas comme à Chypre où j'ai perdu mon Petit Futé à cinq jours du départ en faisant du stop sur une autoroute). C'est un quartier très animé où se mêlent de nombreux touristes occidentaux et la population locale. On y trouve tout un tas de pensions, d'hôtels et d'auberges abritant des centaines d'Occidentaux. Les bars modernes, pubs irlandais et restaurants chics côtoient les vendeuses de rue ambulantes à chapeau conique ou d'autres restaurateurs plus ou moins installés et tout ce joyeux monde grouille et interagit dans un bruit confus de klaxons, de sollicitations et de moteurs. Je me sorti me promener le soir pour goûter un peu l'ambiance et trouver quelque chose à manger. J'ai d'abord longé une des rues principale puis j'ai été attiré par une des petites venelles. Je m'y suis engagé pour découvrir un autre monde, loin des pétaradements et des néons des rues principales. Il y a quelques commerces – des coiffeurs surtout, mais un petit peu de restauration également – mais c'est là que les gens vivent. On peut jeter un coup d’œil à l'intérieur de leurs petites maisons, où les gens font la cuisine sur le perron, dorment dans l'entrée, regardent la télé ou parfois travaillent sur un ordinateur. Souvent, les gens me saluaient ou me faisaient des sourires. D'ailleurs, je trouve que les gens sont vraiment aimables, souriants et gentils. Je me suis fait servir une soupe avec de la viande dans la rue par de braves commerçants qui ne parlaient rien d'autre que le vietnamien. J'ai juste pointé du doigt l'assiette d'un autre client et je me suis fait servir. Les autres clients me regardaient en rigolant. Je suis étonné que ça surprenne les gens de voir des Occidentaux manger dans leurs gargotes.
Je suis ensuite allé me renseigner dans une agence de voyages pour la suite de mon parcours. Deux jeunes filles ont réussi à m'attirer dans leur petite agence et m'ont proposé des options pour aller visiter le Delta du Mékong et Phu Quoc. Malheureusement, leur anglais était déplorable et je devais leur faire répéter parfois trois ou quatre fois pour comprendre ce qu'elles me disaient. Dans l'ensemble, leur proposition me plaisait, mais je me suis laissé un temps de réflexion, surtout pour aller voir une autre agence qui pourrait peut-être me proposer des prestations plus complètes. Malgré la gentillesse de ces deux jeunes filles, dont l'une m'a traîné dehors pour me montrer l'éclipse de lune, je suis allé le lendemain dans une grande agence de voyages au personnel très serviable également, où on m'a en effet proposé des prestations qui me convenaient plus, même si j'ai dû faire une croix sur mes convictions de voyage: je vais faire un trajet interne en avion. Donc je pars faire une excursion en groupe dans le delta du Mékong, puis je pars pour l'île de Phu Quoc, d'où je prendrai l'avion deux jours plus tard pour revenir à Saïgon. Malheureusement, l'agence ne vendait pas de billets de train et j'ai dû acheter ça à part, mais j'y reviendrai.
Donc après avoir fait ma petite enquête dans l'agence de voyages, je me suis promené encore dans un parc pour aller visiter un marché. C'était samedi soir et il y avait plein de jeunes dans le parc, des gens jouaient même au badminton à la lumière des lampadaires, l'ambiance était très sympa. Des tas de vendeurs proposaient de l'eau, de la bouffe, des cigarettes, des faux Zippos. Dans la rue, des vendeurs un peu moins conventionnels m'ont proposé de la marijuana et des massages. Les massages, je suppose que c'est ok, mais devant mon refus, certains rabatteurs m'ont demandé si je préférais un massage suivi d'une fellation. Faisant fi de toutes ces sollicitations peu honnêtes, je suis allé au marché. La journée c'est un grand marché couvert, mais la nuit quand le bâtiment ferme, les vendeurs s'installent dans les larges rues à l'extérieur. On y vend surtout des babioles, des vêtements, mais il y avait aussi de grandes cantines avec des grills qui faisaient très envie. En repartant du marché j'ai retenté de goûter un truc bigarré: il s'agissait de riz coloré (j'ai pris plusieurs couleurs mais je ne sais pas s'il y avait vraiment des différences de goût entre elles) sur lequel le vendeur a saupoudré du sucre et de la noix de coco et du lait de coco. Je suis allé manger ça dans le parc, accompagné de gros rats qui vaquaient derrière moi à leurs occupations de rongeurs, puis, comme la lune, je suis allé m'éclipser dans ma chambre et passer ma première nuit au Vietnam.
Le lendemain – le dimanche, donc – j'ai commencé la journée par un léger petit déjeuner offert par l'hôtel puis je me suis occupé de mon périple pour les jours suivants comme je l'ai relaté précédemment. À peine sorti de l'hôtel, j'ai pu voir l'Anglais dans toute sa splendeur: 9h00, complètement bourré, il sort d'un bar et se jette sans animosité sur une minette vietnamienne qui attendait là sans rien demander sur son scooter. La chute qui s'en est suivie a amusé tout le quartier, y compris la fille, qui ne comprenait pas du tout ce qui lui arrivait. Des copains du mec sont venu relever le tout. Finalement je me demande si ce n'est pas moi qui fais tomber les gens par ma présence, comme à Tel Aviv.
Tous mes vouchers en poche, il me restait à faire ma réservation pour prendre le train pour quitter Ho Chi Minh ville dans cinq jours. J'ai d'abord voulu m'éviter un trajet à la gare en réservant auprès d'une agence de voyages alors j'ai cherché une que m'avait recommandé ma voyagiste préférée. L'agence était fermée mais en chemin je mes suis fait interpeller par deux jeunes étudiantes qui devaient faire un sondage auprès d'un touriste. Je n'ai pas bien compris le but de la manœuvre mais je me suis fait filmer en train de répondre à des questions sur mon séjour au Vietnam. Je ne suis pas sûr que les filles aient compris les réponses que je donnais, mais elles étaient bien gentilles.
Après cette rencontre fortuite quoique sympathique, je me suis mis en chemin vers la gare. Avant de partir, j'ai pris un petit pain sucré fourré à la viande de porc. C'était pas mal et ça m'a donné de l'énergie pour marcher sous le soleil tapant. La gare est loin du centre, mais j'ai refusé poliment toutes les propositions de transport qui m'étaient faites, car je voulais découvrir la ville à pied. Pour me désaltérer, j'ai acheté une noix de coco dont on boit le jus à la paille à un vendeur ambulant et quand j'ai voulu le prendre en photo, il m'a proposé spontanément que je me mette à sa place. Il m'a dit de me méfier des nombreuses "mafias" qui passent et qui risquent de me dépouiller de mon appareil-photo. Je suis passé par le palais de la réunification et je me suis assis devant pour consulter des cartes. Un type est de nouveau venu causer avec moi dans un anglais approximatif pour me proposer des tours à motos et – accessoirement – de m'emmener chez des masseuses pour une fellation. Bon, j'ai repris ma route et après avoir demandé mon chemin, traversé des petites venelles que j'aime tant et m'être épuisé et déshydraté, je suis quand même arrivé à la gare. Une toute petite gare pas du tout imposante comme on les voit chez nous. J'ai pris un ticket et comme il y devait y avoir théoriquement 1200 personnes avant moi pour qu'on me serve, j'ai eu un doute sur l'utilité de ce ticket. Je sais bien qu'en Asie les proportions ne sont pas les mêmes, mais quand même. En fait je pense que personne n'utilisait la machine à tickets et qu'il fallait juste s'approcher des guichets. J'ai demandé confirmation auprès d'Occidentaux qui venaient de se faire servir et finalement quelques minutes après une employées des chemins de fer pas très souriante mais parlant suffisamment bien l'anglais m'a vendu en quelques minutes un billet de train de nuit pour la date et le niveau de confort souhaités. Super.
Ceci fait, je voulais découvrir le centre-ville et comme j'avais déjà pas mal marché, je me suis fait emmener à moto par un petit vieux. La ballade à moto, c'est vraiment cool, ça permet de se déplacer rapidement en ville tout en restant connecté avec son environnement, contrairement au taxi climatisé, comme j'ai pris la veille depuis l'aéroport. Et puis on a une petite brise dans le visage. Quand il fait chaud c'est agréable. J'ai demandé au petit vieux de m'amener près de la rivière Saigon. Il m'a demandé plus d'argent que convenu au départ, une pratique courante, me semble-t-il. D'ailleurs quoi que je paye ici, j'ai l'impression de me faire arnaquer. Avec tous ces zéros sur les billets, j'ai du mal à trouver la proportion de ce que valent les choses.
Je me suis baladé le long de la rivière puis j'ai remonté les « Champs-Élysées » de Saigon, rien de bien passionnant, je suis monté sur la terrasse de l'hôtel Rex pour avoir une vue en hauteur sur la ville et l'hôtel de ville, puis je suis allé voir la poste centrale, qui m'a beaucoup impressionné. Il s'agit d'un vieux bâtiment construit par les Français à l'époque coloniale, vraiment très beau. J'ai pris quelques photos de la cathédrale Notre-Dame, juste en face, puis j'ai regardé mon plan pour tenter d'aller voir le musée de la guerre du Vietnam à temps avant qu'il ferme. Une touriste malaisienne est venue engager la conversation avec moi en me disant que je ressemblais à un Bee Gee. Elle voulait m'inviter à manger pour que je rencontre sa sœur qui va bientôt travailler à Genève. Oui bon, c'est bien gentil, mais j'ai un musée à visiter, moi. Alors on s'est quittés, j'ai acheter une brochette d'un légume inconnu, pas formidable, un peu plus loin, puis je voulais m'acheter encore une galette de riz fourrée sur place avec quelques herbes et un œuf de caille, mais personne ne semblait s'intéresser à moi et le service était très long alors j'ai poursuivi ma route. Enfin je suis arrivé au musée. Intéressant mais j'ai du le visiter très rapidement, en une heure. La collection était surtout constituée de photos, que j'aurais bien aimé avoir le temps de voir plus en détails. Dommage.
Comme c'était la fermeture du musée, j'étais sûr que de nombreuses personnes seraient là pour proposer leurs services de transport et je ne me suis pas trompé. J'ai hésité à enchaîner sur Cholon, le quartier chinois, mais j'étais trop fatigué alors je suis monté dans un cyclo-pousse qui m'a ramené dans le quartier de mon hôtel. Ce salaud ne m'a même pas déposé où je voulais et il s'est pris un petit pourboire sur le prix convenu au départ. Épuisé, j'ai fait une sieste dans ma chambre et j'ai dû me faire violence pour me réveiller et ressortir trouver quelque chose à manger. J'ai pris une de ces fameuses soupes « pho » dans la rue. C'était très bon, puis je me suis promené encore dans les petite ruelles pour voir les « vrais gens » et dans les rues animées, pleines de touristes, j'ai repris quelque chose à manger dans la rue, un genre de gâteau de riz frit, qui n'était pas mauvais et puis j'ai hésité à rentrer dans un bar boire un coup, mais j'ai préféré rentrer écrire mon journal. Maintenant il est 1h34 et je me lève à 6h30 pour prendre le bus pour le delta du Mékong. Youpi!
1 commentaire:
Merci pour ce récit vivant et amusant!
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