En rentrant le soir à l'hôtel, j'avais pris soin de demander à la réceptionniste à quelle heure était mon transfert pour aller au bateau. Elle m'a répondu catégoriquement que c'était à 7h00 et j'ai dit: « Ah, alors il faut que je descende faire le check-out et prendre le petit déjeuner à 6h30. » Elle a approuvé de la tête. Ok, bon, je commence à avoir l'habitude de me lever tôt, c'est pas un problème. Le hic, c'est que je suis descendu à 6h30, que j'ai pris le petit déjeuner à la carte, qu'il n'était pas compris et que j'ai attendu jusqu'à 7h30 le transfert jusqu'à l'embarcadère. Le transfert n'est jamais venu. Je suis assez sûr qu'il était compris dans le prix du billet de bateau mais quand je lui ai demandé si le transfert allait bientôt arriver, la réceptionniste – la même qui m'avait dit de me tenir prêt à 7h00 – m'a répondu « ah ben non, on fait pas ça nous ». Hmm, bon, ben appelez-moi un taxi alors. Il fallait quand même que je le prenne, ce bateau. Heureusement, le taxi est arrivé dans la minute et n'a pas eu trop de mal à se frayer un chemin parmi la nuée de deux-roues. Et ça ma coûté moitié moins cher que le moto-taxi de la veille de la gare routière à l'hôtel.
Dans le bateau, on m'a installé à côté de deux Autrichiennes plutôt sympas. Elles avaient voyagé pendant deux semaines dans le sud du Vietnam et terminaient leur petite tournée par cinq jours de détente sur Phu Quoc. L'une, Maria, était peu bavarde et l'autre, Alex, très sociable mais vers le milieu du voyage, plus personne ne parlait, tout le monde cherchait à se concentrer, à penser à autre chose qu'au bateau et à son tangage. La mer n'était pas particulièrement agitée mais plus d'un a eu le mal de mer à cause des remous. Maria a bien failli laisser son petit déjeuner dans un sac mais tout le monde a résisté. Tout le monde était bien content d'arriver sur la terre ferme mais il fallait encore traverser toute l'île en minibus, car les installations touristiques se trouvent essentiellement sur l'autre côte. Après une brève pause pour nous remettre de nos émotions, nous sommes montés dans un minibus avec deux Français et deux Vietnamiennes (qui travaillaient pour une agence de voyage à Hanoi et qui m'ont donné leur adresse pour quand je voudrai réserver une excursion dans la baie d'Halong) et nous avons parcouru les quelques kilomètres de piste jusqu'au bourg de Duong Gong, la « capitale » de l'île. Je n'avais réservé aucun hôtel alors je pensais trouver quelque chose sur place recommandé par le guide du Routard mais comme les deux Français et les deux Autrichiennes descendaient dans le même hôtel, je me suis dit que je pouvais bien tenter celui-là aussi. Il restait un bungalow surplombant la plage à un prix raisonnable, alors je me suis laissé tenter par un peu de confort.
Une fois installé, je suis tout de suite allé traverser la plage de sable fin pour piquer une tête dans les eaux claires du golfe de Thaïlande. L'eau est bonne, ni trop chaude, ni trop froide et la mer est très calme. Pas une vague pour pallier l'ennui. Ceci fait, je me suis mis en route pour aller visiter le village de Duong Gong, à trois ou quatre kilomètres de l'hôtel. Le parcours n'est pas particulièrement sympa, le long d'une grande avenue, mais cela ne valait pas la peine de se faire transporter en moto ou autrement. Il était aux alentours de midi et le soleil tapait fort. De l'autre côté de la rue, j'ai avisé un petit magasin qui vendait des chapeaux et je me suis dit qu'il serait prudent de prévenir l'insolation. Dans le magasin, on proposait des chapeaux coniques mais je me vois mal porter ça en rentrant en France, ceci dit j'ai trouvé un joli chapeau de paille à bords longs, vraiment cool, mais pas pratique du tout à transporter. Non seulement je vais avoir des problème à le ramener chez moi sans le casser, parce qu'il est fragile mais en plus il est très volumineux. Avec ses bords larges, mon beau chapeau offre une superbe prise au vent et comme une brise soufflait ce jour-là sur l'île, je devais constamment poser ma main sur ma tête pour retenir le chapeau. J'ai donc fait ma petite marche jusqu'au village, qui est très pittoresque. Dans le port, des bateaux d'un vert très beau sont accostés et les nombreux cyclomoteurs rejoignent le marché de l'autre côté de la rivière en empruntant un pont bringuebalant et, bien sûr, sans parapet. De l'autre côté du pont se trouve donc un grand marché, très vivant et très coloré. On y trouve des fruits, la pêche du jour, des poules, des épices, des trucs indéfinissables. Après avoir traversé le marché je suis rentré dans les petites ruelles pour quitter le brouhaha commercial et voir un peu comment vivent les gens. J'ai bien failli m'y perdre, dans ce dédale, mais j'ai retrouvé la rue principale et il était temps que je trouve quelque chose à manger. Étonnamment, on ne trouve pas beaucoup de vendeurs de rue au centre du bourg, mais je voulais quelque chose de différent cette fois. Près du bord de mer, j'ai trouvé un vrai restaurant qui avait l'air tranquille et fréquenté aussi bien par les touristes que par les locaux. D'avoir marché aussi longtemps sous le soleil, j'avais très soif et j'ai commandé pour me désaltérer un jus de pomelo qui était succulent. J'avais aussi très envie de poisson et j'ai pris je ne sais quel poisson grillé qui était vraiment excellent. Bref, j'étais bien content de ma petite pause. Je suis reparti me balader à la découverte du village. Je suis rentré dans un temple dont je n'ai pas pu déterminer la religion, mais je n'aime pas trop le décorum de ces pagodes avec leurs couleurs criardes. Elles font un peu faux. À côté d'un petit temple situé au sommet d'un rocher se dressait un joli petit phare mais depuis le sommet du rocher on avait une superbe vue sur le village.
Je commençais à me lasser de marcher alors j'ai pris le chemin du retour, en faisant tout de même un dernier arrêt dans une cahute au bord de la route. Les gens qui se trouvaient à l'extérieur m'ont salué en anglais et m'ont demandé d'où je venais. J'ai répondu que je venais de France et, soulevant mon chapeau – non seulement pour montrer de façon un peu désuète mon respect mais surtout pour découvrir ma tignasse de trois mois, dont je ne savais plus que faire – j'ai dit que j'avais besoin qu'on s'occupe de mes cheveux. Ce qui fut fait dans ladite cahute, un salon de coiffure, donc. En plus du coiffeur, il y avait aussi une coiffeuse et un client qui me regardaient comme une attraction. On m'a également taillé la barbe. Je ne vais plus pouvoir faire croire aux gens que je rencontre que je suis sur les routes avec mon sac à dos depuis trois mois. Bref, le mec m'a fait une coupe des années 1990. Ça fera l'affaire pour le moment.
Dès que je suis rentré à l'hôtel, j'ai plongé dans l'eau, histoire d'enlever tous les petits cheveux perdus sur mon visage au cours de la tonte. Après une journée à cuire au soleil, j'ai trouvé l'eau beaucoup plus fraîche. Je me suis rincé dans ma chambre et je suis allé à la réception réserver un massage. J'ai commandé le massage vietnamien, je ne sais plus quelles vertus il a, mais je crois qu'il m'a fait du bien au final, c'est le principal. Pas sur le moment je dois dire: elle m'a parfois fait très mal, la masseuse. Détendu, je suis descendu au restaurant au bord de la plage où je me suis installé avec les deux Autrichiennes. Je les ai regardé manger en prenant l'apéro, parce que j'avais déjeuné tard, mais l'odeur du barbecue parvenant jusqu'à moi, j'ai été tenté par du poulpe grillé accompagné de riz sauté aux légumes. Après ça, on a continué à discuter avec Alex et Maria, en buvant des coups, puis nous nous sommes séparés vers 23h00. Elles sont allées se coucher et moi je suis allé à la réception, où la connexion internet est bonne, m'occuper de mon blog. À un moment, j'ai entendu des coups au-dessus de moi: c'était la pluie qui commençait à tomber. Une grosse averse est tombée pendant un quart d'heure environ, puis ça s'est calmé. J'ai pu rentrer à mon bungalow au sec.
Alors que je dormais paisiblement sous ma moustiquaire, bercé par le flux et le reflux des vagues à une centaine de mètres de moi, on a frappé à ma porte. Il était 8h45. Qui donc venait troubler mon sommeil à une heure aussi matinale en vacances? Les femmes de ménage. J'ai trouvé que c'était vraiment tôt pour passer dans les chambres alors je leur ai dit de revenir plus tard. Mais le mal était fait, j'étais réveillé, alors je suis allé plonger dans la mer quelques minutes. Les femmes de ménage n'ont pas perdu de temps et ont investi ma chambre en mon absence, mais comme je ne m'étais baigné que quelques minutes, j'ai dû attendre qu'elles finissent de tout mettre en ordre à mon retour. Rincé, je suis allé prendre le petit déjeuner. J'ai commandé une crêpe à la banane et on m'a amené une omelette au lard. Hmm. Bon, tant pis, c'est aussi bien. N'empêche qu'alors que je m'apprêtais à partir, on m'a amené ma crêpe à la banane.
Après cette copieuse collation matinale, j'ai loué un scooter pour aller à la découverte de coins plus reculés sur l'île. Je n'ai pas l'habitude de conduire des deux-roues, donc j'ai eu un peu de mal au début à me faire au maniement de l'engin, mais une fois lancé, c'est très cool. Après avoir fait le plein, j'ai traversé le bourg, le pont branlant, le marché saturé et je me suis lancé direction nord. Sauf que je n'étais pas sur la bonne route. Une fille m'a pédalé après pour me dire que le chemin que je venais d'emprunter ne menait nulle part. J'ai trouvé la bonne route et cette fois c'était parti. Quelques kilomètres tout d'abord sur une large route goudronnée, puis sur des pistes de terre rouge en très bon état. Les routes sont assez sinueuses et vallonnées, très sympas, et puis on longe de longues plages désertes, on traverse des village qui semblent ne pas avoir bougé depuis, eh bien depuis au moins l'invention de la plaque de tôle. Certains villages un peu éloignés de la route semblent endormis au bord de l'eau et sous les palmiers. On a l'impression d'avoir remonté le temps. Arrivé tout au nord de l'île, j'ai continué la piste sur une vingtaine de kilomètres jusqu'à un village balafré par une route à quatre voies en construction. Le village n'était en fait qu'une rangée de maisons de fortune, mais il y avait là un petit troquet et j'avais faim, alors j'ai fait halte. Je me suis donc arrêté manger dans ce qui devait être l'équivalent local du PMU, où quelques ivrognes se réunissent toute la journée, un pépé édenté est venu vers moi en me tendant une canette de bière, insistant pour que je la prenne. J'ai dû faire la moue en disant que je n'aimais pas la bière pour me tirer de cette situation, parce que je n'avais aucune envie de boire une bière par cette chaleur et alors que je reprenais le guidon plus tard. D'autres types, pensant que je n'avais pas compris ce que voulait le pépé, sont venus vers moi avec une canette de bière qu'ils ont ouverte devant moi. Bon, c'était bien gentil mais j'en voulais vraiment pas. Toujours est-il que j'ai demandé ce qu'il y avait au menu et la fille m'a dit soupe avec fruits de mer. J'ai eu une soupe avec du porc et un genre de jambon. C'est peut-être moi qui avais mal compris. Ceci dit, deux Australiens sont arrivés un peu après moi et étaient tout aussi réjouis que moi de commander la soupe aux fruits de mer, et encore plus déçus que moi en trouvant de la viande dedans.
Je suis reparti vers Duong Gong en empruntant la quatre voies directe, dont seulement deux voies sont généralement praticables, et par intermittence, car elle est en construction, ce qui m'a valu quelques frayeurs en faisant des pointes de vitesse avec mon engin, m'apercevant seulement de justesse que la section asphaltée se termine. J'avais prévu aussi de m'arrêter un moment sur une plage mais finalement j'ai préféré rentrer. J'ai visité un cimetière, peut-être d'anciens combattants, j'ai encore visité un ou deux villages de pêcheurs très pittoresques que j'avais loupé en chemin le matin, puis je suis rentré rendre le scooter à l'hôtel.
Je me suis baigné un petit moment puis après le rinçage, je suis descendu à la plage où je me suis de nouveau joint aux Autrichiennes. J'ai pris des nêms, des crevettes grillées, des saint-jacques grillées et du poisson grillé. Un repas vraiment très bon. Puis nous avons poursuivi la soirée en buvant des cocktails, forcés de continuer à en boire car la pluie battante qui s'était mise à tomber nous empêchait de rentrer chez nous, évidemment.
Le lendemain, pour mes dernières heures à Phu Quoc avant de reprendre l'avion pour Ho Chi Minh Ville, je craignais d'être à nouveau réveillé par le personnel de chambre, mais elles ne se sont pas manifestées avant que je sorte de la chambre. J'ai vu qu'elles étaient à côté et j'ai lu un peu un livre en attendant qu'elles arrivent et quand elles étaient là je suis parti me baigner, espérant qu'elles seraient parties à mon retour. En effet, elles étaient parties après ma longue baignade, mais elles n'ont même pas fait la chambre. Surement parce que je pouvais la garder jusqu'à 11h30 et qu'il n'aurait pas été judicieux de faire la chambre avant mon départ définitif. L'heure fatidique venue, je suis allé payer puis, comme mon vol ne partait pas avant 14h20, je suis resté à la réception pour écrire mon journal, je suis allé trouver quelque chose à manger dans un petit resto pas loin, puis enfin on m'a emmené au petit aéroport de Duong Gong, où j'ai cédé à la fatigue qui me poursuivait depuis le matin. Dans le petit avion qui me ramenait vers Saïgon, un promoteur australien m'a parlé du nouvel aéroport qui se construisait sur l'île pour accueillir des charters de Bangkok et de Hong Kong, des projets de développement, notamment celui d'un casino dans le nord de l'île (d'où la quatre voies) ce qui m'a amené à lui dire que j'étais bien content d'avoir pu voir ce petit bout de paradis encore un peu préservé avant que cela ne devienne un enfer touristique. On ne peut pas empêcher les gens de vouloir accéder à un développement le plus rapidement possible, mais je crains que ce développement ne profite surtout aux promoteurs, à des gens qui veulent faire de l'argent, aux dépens de la qualité de vie des insulaires. S'ils savaient et s'ils avaient le temps d'envisager leur développement à long terme, ils pourraient miser sur un tourisme de qualité, avec un environnement préservé, loin des horreurs du tourisme de masse que l'avenir semble réserver à Phu Quoc.
1 commentaire:
C'est un plaisir de te lire ; on a un peu l'impression de faire le voyage avec toi. Merci !
Aniouta
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