lundi 25 mai 2009

A 30 ans on n'a plus 20 ans

Jour 9: Ottawa, ON – Toronto, ON

Kilomètres parcourus: 450

Je m'apprête à effectuer ma seconde courte nuit d''affilée dans un bus et j'aurai tout à l'heure passé une des journées les plus longues de ma vie. En effet, mon autocar d'Ottawa est arrivé vers 5h45 à Toronto et j'avais évidemment très mal dormi sur les deux sièges qu'on m'avait laissés. Ce qui me manquait cruellement, c'était un oreiller et la fille qui s'est mise devant moi m'a nargué avec son oreiller après que je lui ai dit que j'avais laissé mon oreiller dans la soute. J'ai donc dormi tant bien que mal, alternant essentiellement deux positions que je devais changer régulièrement pour ne pas rester paralysé d'un membre ou d'un autre.

Je devais retirer mon billet pour Chicago à la gare routière, donc j'ai profité de ce que Sean n'était pas encore arrivé pour aller au guichet et demander mon billet, mais on m'a expliqué que je devais voir un homme habillé en vert se tenant un peu plus loin pour qu'il me donne mon billet. C'est là que je me suis rendu compte que j'étais de nouveau immergé dans un monde anglophone, américain, même, où je ne comprenais pas forcément tout. Je cherchais en vain des yeux mon petit bonhomme vert et c'est là que je vois arriver mon Sean, en tong et short comme au bon vieux temps arriver avec un petit sourire, démarche nonchalante, vers moi. C'était vraiment cool de le revoir après neuf ans. J'avais l'impression qu'il n'avait pas changé mais en même temps je vois souvent ses photos sur Facebook.

Je me suis occupé de mon billet auprès d'un homme à la veste jaune (pas verte, donc), puis Sean m'a ramené à pied chez lui. Nous étions tous les deux complètement crevés, l'un ayant mal dormi seulement quelques petites heures, et l'autre ayant fait la noce jusqu'aux petites heures du matin. Nous avons mis une demie-heure pour aller chez lui à pied et lui est allé s'effondrer dans son lit tandis que moi j'ai mis à jour mon blog en pensant m'allonger un peu après. Malheureusement, à peine m'étais-je posé sur le clic-clac que Sean est revenu de sa sieste pour me montrer des photos de Vancouver. Je dis souvent que je n'ai pas de très bons souvenirs de mon année d'étude à Vancouver, mais en discutant avec Sean, je me suis rendu compte de l'ampleur des dégâts: « Et tu te rappelles quand... » « euh... non », « et quand... » - « euh non plus ». J'ai très peu de photos de cette époque, car l'appareil photo que j'avais alors ne fonctionnait pas très bien et prenait des photos très sombres. Comme je n'avais pas d'argent, ni pour le faire réparer, ni pour en acheter un mieux, me voilà sans rien pour stimuler mes souvenirs de cette époque.

Je n'ai toutefois pas pu lutter contre le sommeil et j'ai quand même dormi une petite heure après m'être douché. Comme Sean commençait à s'impatientait, je me suis fait violence et nous sommes sortis prendre le brunch près de chez lui. Là j'ai reçu le pire service depuis le début de mon voyage. Notre serveuse avait l'air d'avoir passé la pire nuit de sa vie. Autant le service est toujours aimable et courtois à l'extrême dans ce pays, autant celle-la n'a pas décroché ne serait-ce qu'une ébauche de sourire. Sachant qu'elle dépend de son pourboire pour vivre décemment, c'est pas très professionnel de sa pas. Cela dit, ça nous a donné matière à rigoler.

Sean m'a ensuite emmené visiter la ville et ses alentours à vélo. Son colocataire m'a prêté le sien pour la journée et j'ai pu accompagner Sean avec son mode de locomotion favori. Et moi on peut dire que ça m'a changé de la marche. J'avais déjà visité Toronto il y a neuf ans, en repartant de Vancouver. J'étais allé voir Séverine et elle m'avait fait un petit tour de la ville, mais non seulement je n'en ai aucun souvenir, mais en plus la visite d'aujourd'hui ne m'a strictement rien rappelé. Avec Sean, nous avons tout d'abord longé quelques artères commerçantes puis nous sommes descendus en direction du lac Ontario en passant la Tour CN (La « merveille du monde » du Canada, comme le clame son slogan). Là, comme le veut la tradition nord-américaine, une voie rapide traverse le centre en longeant le lac, mais une fois qu'on l'a passée, le quartier du bord de l'eau est sympathique, avec des cafés et des terrasses, surtout qu'après le soleil du matin, le soleil avait fait son apparition.

Ce que Sean voulait faire, c'est prendre un bateau qui nous emmènerait à un ou deux kilomètres du centre-ville, sur l'île de Toronto, un bout de terre tout plat de quelques kilomètres carrés, sillonné de pistes pour faire du vélo ou flâner. Il s'agit essentiellement d'un grand parc, avec des plages sur sa côte faisant face aux Etats-Unis, excursion visiblement très populaire auprès des Torontais de toute classe les dimanches ensoleillés de printemps. Nous nous sommes baladés une bonne heure sur l'île, nous arrêtant pour prendre des photos de la superbe vue de Toronto au-delà de l'eau, admirer la plage et voir à l'horizon la côte étasunienne, faire semblant de se perdre dans un petit labyrinthe de haies et admirer les avions faisant mine de se poser sur l'eau à proximité de l'aéroport du centre-ville.

A ce moment-là, nous étions déjà épuisés – à cause de notre manque de sommeil respectif et des heures de vélo – mais il restait encore beaucoup à faire. Nous avons pris la direction du nord, où Sean voulait m'emmener dans une microbrasserie. En fait c'est tout un quartier qui est devenu un endroit où flâner le week-end, avec des airs de « vieux », des anciennes usines (brasseries?) réhabilitées, des petits marchants, des galeries d'art, etc. A la brasserie, nous avons commandé des échantillons de bières et de quoi casser la croûte et la nourriture qui était servie était vraiment très bonne. Nous avons pris des « dips » légers, sans viande; ce matin Sean m'a appris qu'il était devenu végétarien. Si je n'avais pas été allongé sur un clic-clac, j'en serais tombé à la renverse, car Sean, c'est un type qui, il y a neuf ans, à l'occasion d'un voyage sur l'île de Vancouver et Salt Spring Island, avait affirmé à Sally – végétarienne de conviction – que l'être humain n'était pas fait pour se priver d'une catégorie d'aliments, que nous étions omnivores et que, en gros, les végétariens c'était des cons. Ceci dit, c'est le même Sean qui soutenait alors que les sans-abri méritaient leur condition. Aujourd'hui, Sean est végétarien et militant de gauche, ayant été l'un des meneurs d'une grève de plusieurs semaines en plein hiver canadien pour obtenir de meilleurs conditions sociales à l'université. Observons une minute de silence pour apprécier la complexité du personnage.

L'objectif suivant était les plages situées à l'extérieur de Toronto, au bord du lac Ontario. Nous avons dû traverser des zones industrielles et nous faire attaquer par des nuées de moucherons, nous faire alpaguer par un réac à vélo qui pestait contre des jeunes « trash » qui ne nous avaient nullement importunés, mais qui, selon lui, devaient être envoyés en camp de redressement « dans le nord ». Bref, nous sommes arrivés à la fameuse plage, avons trempé les pieds dans l'eau glaciale – que même le soleil accablant ayant eu raison sans problème de ma peau de blond n'a pas réussi à réchauffer –, puis nous avons marché un peu sur le sable avant de reprendre nos vélos et rentrer en ville. Nous étions exténués, n'échangeant des paroles qu'en cas d'extrême nécessité ou pour lancer des insultes à une conductrices qui a manqué de me renverser en voulant doubler un tramway (il y a un réseau assez développé de tramways en fonction à Toronto, ce qui est extrêmement rare pour une ville nord-américaine). Pour nous reposer nous nous sommes arrêtés un bon moment sur une place qui pourrait être le "Time Square" de Toronto, avec ses écrans, ses pubs et sa circulation.

Nous avions rendez-vous avec Dan, le colocataire de Sean, dans un restaurant marocain avec spectacle de danse du ventre. La nourriture n'avait absolument rien d'exceptionnel (c'est comme ça quand on a goûté à la cuisine de Saïda) et le spectacle de la danseuse était difficile à suivre, car nous mangions dans des petites tentes et la danseuse devait passer devant l'allée centrale pour que tout le monde puise la voir, donc tout le monde avait droit à un petit morceau, mais pas un spectacle complet. Le vrai spectacle, cependant, c'est quand Sean, en bon ouf qu'il est, s'est invité à danser avec elle alors qu'elle proposait surtout aux femme. Du coup il a bien fait rire tout le restaurant.

Je pensais rentrer tôt chez Sean pour pouvoir prendre une douche afin de mieux affronter la nouvelle nuit de bus qui m'attend mais des travaux avaient été faits en notre absnce et je ne pouvais pas utiliser la salle de bains. Pas grave. Sean m'a accompagné à la station d'autocars et nous avons gardé le silence pendant quasiment tout le chemin, non pas tant à cause de l'émotion qui nous étreignait, mais à cause, une fois de plus, de la fatigue extrême. J'ai réussi à tenir le coup jusqu'à la montée dans le bus, mais je me suis effondré à peine celui-ci s'était-il mis en mouvement.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il semble que vous soyez un expert dans ce domaine, vos remarques sont tres interessantes, merci.

- Daniel