mardi 26 mai 2009

"Dis papa, c'est encore loin l'Amérique?"

Jour 10: Toronto, Ontario, Canada – Chicago, Illinois, Etats-Unis

Kilomètres parcourus: 468

Je pense que l'épreuve la plus difficile que je devais affronter au cours de mon voyage a été franchie ce matin au bureau de douane de Detroit, Michigan, Etats-Unis. Après un dernier arrêt au Canada, à Windsor, juste en face de Detroit, nous avons emprunté un tunnel et tout le monde a dû descendre du bus, prendre ses bagages et se soumettre au contrôle de douane. Je redoutais vraiment ce moment, car bien que j'aie vérifié mille fois la validité de mon passeport pour rentrer aux Etats-Unis (cf. l'un de mes premiers billets concernant le voyage, où je parle de mon passeport, mais où les informations sont erronées parce que je sais pas ce qui s'est passé mais j'ai mal évalué la date d'émission de mon passeport, mais bref). Comme tout le monde, j'ai patiemment attendu qu'on m'appelle sur le ton de l'autorité à un comptoir et un fonctionnaire dont le visage poupon m'indiquait qu'il s'agissait d'une femme, mais dont les poils sur les bras me disaient que c'était un homme s'est occupé de moi. Il m'a posé des tas de questions, notamment où j'allais et où je restais. Je lui ai expliqué plusieurs fois que j'allais à plusieurs endroits, tout d'abord à Chicago, mais que je n'avais pas l'adresse de Flo. Faute de mieux, il a noté l'adresse de la réservation que j'avais pour Yellowstone, j'ai payé les 6 dollars pour rentrer dans leur pays de dingues, on a vérifié les sacs au scanner et tout le monde est remonté dans le bus pour aller un peu plus loin, à la station Greyhound de Détroit.

Il y avait une heure et demie d'attente à la gare avant de prendre un autre bus pour Chicago, donc j'ai mis à profit ce temps pour aller faire vite fait un tour plus près du centre de Détroit. Je ne me suis pas aventuré bien loin de la gare d'autocars, parce que je n'étais pas sur de l'heure qu'il était (s'il y avait eu un changement de fuseau horaire en passant la frontière ou pas), mais j'ai pu voir de grands gratte-ciels datant des années 1920-1930 pour les plus vieux, si bien qu'ils avaient un peu plus de classe que ceux de Toronto, par exemple. D'après moi, les effets de la crise dans le secteur de l'automobile – autour duquel Detroit a fondé l'essentiel de son économie – se font ressentir dans la ville, avec de nombreux édifices en décrépitude. Pour reprendre un terme cher à Elisa, je dirais que Detroit est une ville décadente.

Enfin l'autobus est parti et dans quelques heures je devrais être à Chicago, où j'espère que Flo m'attendra. Je ne vais pas m'attarder sur le paysage qui défile, c'est assez vert et vallonné; depuis peu on voit des champs et auparavant c'étaient les zones commerciales disgracieuses qui prédominaient. Bon, j'ai du sommeil à récupérer.

En passant la frontière, j'ai changé de bilinguisme. Le français officiel a en effet cédé la place à l'espagnol officieux, désormais omniprésent dans les autobus, les gares, les toilettes, les instructions, les emballages de produits, etc. Les gens aussi ne sont plus les mêmes. On voit par exemple nettement plus de Noirs qu'au Canada, s'exprimant avec leur accent si caractéristique où la dernière syllabe de chaque mot est accentuée. Si la comparaison n'est pas trop audacieuse, on pourrait dire que c'est comme l'accent suisse allemand, mais c'est quand même trop audacieux.

Etonnamment, les quatre heures de mauvais sommeil que j'ai passées dans le bus jusqu'à Detroit n'ont pas suffi (ironie), et pendant le long trajet que j'ai fait de Detroit à Chicago, j'ai revécu la traversée du Canada que j'avais faite en bus de Vancouver à Toronto en 2000; j'avais alors passé trois jours à dormir presque tout le temps parce que je n'arrivais pas à récupérer dans des conditions aussi mauvaises pour dormir. Aujourd'hui, c'était pareil: la fatigue accumulée aidant, je n'arrivais pas à rester éveillé plus de dix minutes d'affilée et je m'assoupissait dès que le bus se déplaçait (c'est-à-dire presque tout le temps, c'est pour ça qu'on prend le bus après tout).

L'autocar Greyhound devait arriver à 14h30 à Chicago, mais je ne savais pas combien de décalage il y avait avec Toronto, ni où l'on changeait de fuseau. Quand j'ai regardé l'horloge à Détroit, il était la même heure qu'à ma montre, donc je m'étais dit qu'on changeait d'heure un peu plus à l'ouest, mais plus le bus approchait de sa destination finale, plus j'avais de doutes quant à l'heure qu'il était où je me trouvais. Ajoutons à cela les interrogations récurrentes sur les conséquences du changement d'heure – faut-il avancer ou reculer d'une heure? – j'étais complètement paumé. Pour finir, j'ai jugé qu'on n'avait pas du tout changé de fuseau horaire par rapport à Détroit et que par conséquent le bus est arrivé avec 40 minutes de retard, mais ce n'est qu'une heure plus tard, dans un autobus public dont l'afficheur donnait l'heure, que je me suis rendu compte qu'on avait reculé d'une heure et que l'autocar avait en fait 20 minutes d'avance.

Du coup, Flo aussi était en avance, puisqu'il est arrivé peu de temps avant le bus. La dernière fois que je l'ai vu, c'était au mariage de Yolaine, notre pote de Vancouver, et Nico, son pote à lui, en 2006. Nous n'avions pas eu le temps de discuter vraiment, mais nous avons eu déjà tout un après-midi pour évoquer le passé, le présent, le futur et le plus-que-parfait du subjonctif, très peu usité (je re-fatigue).

Avant de rentrer chez lui, nous nous sommes promenés un tout petit peu dans le centre-ville, et quand la pluie s'est mise à tomber, nous sommes montés dans un bus pour aller poser mes affaires chez lui. J'ai eu le temps de me décrasser et d'aller sur Internet et Flo m'a même accordé 40 minutes pour que je puisse faire un petit somme. S'il ne m'avait pas réveillé, je pense que je serais encore en train de dormir.

Nous avons pris le métro, le « L », ce fameux métro aérien que j'entends depuis ici même et qu'on voit dans des tas de films américains, pour aller vivre une expérience typiquement américaine: un match de base-ball. De tous les sports typiquement américains, le base-ball est pour moi le plus emblématique de tous. Tandis que le basket est depuis longtemps un sport populaire dans le monde entier et que le football américain est une variante du rugby, le base-ball n'a pas vraiment d'équivalent généralisé dans le reste du monde (quoique d'aucuns diront que c'est un dérivé du cricket, sport extrêmement populaire en Grande-Bretagne et surtout dans tout le sous-continent indien). Des types proposaient des places pas cher à la sortie du métro et nous avons décidé d'aller jeter un œil. L'intérêt principal est essentiellement de se retrouver au cœur de l'ambiance en sirotant des bières, mais je n'ai pas poussé l'expérience jusqu'à héler un vendeur de hot-dogs pour lui acheter sa daube. Je dois cependant admettre que son cri de ralliement était fort efficace, tapant sur son contenant en métal et donnant de la voix à intervalles réguliers pour apporter un peu de baume et de cholestérol au coeur des supporters des Cubs de Chicago. Ce que j'ai constaté au milieu de cette foule, c'est qu'elle était constituée essentiellement de Blancs. Les seuls Noirs que j'ai pu apercevoir étaient soit sur le terrain – mais très rarement – soit dans les travées à vendre de la bière ou des hot-dogs. Deuxième constatation: ce sport est hyper chiant. Il ne se passe presque jamais rien. Et quand il y a une action, elle dure au maximum dix secondes. Donc pas vraiment le temps de s'enthousiasmer.

Comme ni Flo ni moi ne soutenions les Cubs ou Pittsburgh et qu'il n'y avait donc pas vraiment d'enjeu à la clé, nous sommes sortis pour aller boire un verre dans un endroit plus abrité des courants d'air et où la bouffe était meilleure. Nous avons commandé à manger et comme nous n'avions pas très faim nous avons gardé la moitié de notre hamburger pour le ramener dans une boite. C'est ça qui est bien dans ce pays. Nous avons repris un bus pour rentrer chez Flo pendant qu'il me racontait ses déboires sentimentaux.

Aaaargh.... dormiiiiiir.... Flo a été sympa et m'a laissé son lit. Lui dormira par terre sur un futon. Merci, merci et merci encore Flo, ton lit a l'air hyper confortable.

Message subliminal: laissez des commentaires pendant que je dors :)

3 commentaires:

Elisa a dit…

Ah, les doggy bags... c'est vraiment une merveilleuse invention ! Comme quoi, y'a pas que du mauvais en Amérique ;-)

Anonyme a dit…

Eh, eh eh,

ta finalement quitter la patrie de tes cousins français....
Bon, en tout cas, garde nous tes adresses là-bas, on y est dans 3 semaines!

D'ici là, bon road trip !
Steph & ludo

PS: ton adresse était bonne, c'est bien arrivée !

Jean-Michel a dit…

Non, c'est clair qu'il y a pas que du mauvais.

Eh, Ludo et Steph, content que la carte soit arrivée. Vous allez au Québec ? Profitez-bien ! Au fait, j'ai des trucs à toi à récupérer et à te payer et j'ai toujours ta table de camping.