mardi 12 mai 2009

Istanbul - Jour 2

Jeudi 23 avril 2009

Istanbul, Mystic Hotel, 22h47

Si l'on a vu le chef d'œuvre cinématographique qu'est OSS117, Le Caire, nid d'espions, on se souviendra que la première nuit que passe le héros en terre musulmane est quelque peu perturbée par l'appel à la prière depuis la mosquée toute proche, ce qui donne lieu à un hilarant quiproquo à l'issue néanmoins tragique, l'ignorance d'OSS117 aidant. En ayant passé une nuit à Istanbul, et plus particulièrement à l'hôtel Mystic, on comprendra mieux ce qui a poussé l'imbécile héros du film à recourir à la violence. En effet, il devait être pas loin de 6h du matin (ni Julie ni moi n'avons eu le courage de vérifier l'heure sur un éventuel portable allumé) quand la voix du muezzin (« le … ? ») a retenti à travers la ville et dans nos oreilles endormies. Il doit y avoir une quinzaine de mosquées au mètre carré (presque sans exagérer) dans cette ville et on n'entendait pas qu'un seul appel à la prière, mais trois ou quatre, décalés et pas sur le même ton. A six heures du mat', quand on a envie de dormir, c'est très désagréable. A cela s'est ajouté quelque chose d'encore moins agréable: des coups de marteau dès potron-minet. L'immeuble délabré attenant au nôtre, celui avec les échafaudages, aurait dû nous mettre sur la voie hier soir en arrivant. Il est en effet en totale reconstruction et notre sommeil – déjà fort mis à mal par les traditions islamiques – n'a pas tenu le coup face aux incessants bruits de chantier à même pas quatre mètres de nous.

Comme à l'accoutumée, nous étions les derniers occupants à prendre le petit déjeuner offert par la maison: des olives noires et vertes, des tomates, du fromage, des œufs durs du pain, du miel des confitures et du beurre, un thé et un jus de fruits pour accompagner. Pas franchement original et pas franchement très frais non plus.

Ensuite, une longue journée de marche et de visite a commencé. Bien qu'Oktay, le gérant de l'hôtel, nous ait fait un topo la veille sur la situation de l'hôtel par rapport aux sites de la ville, avec carte à l'appui, nous n'avons pas eu de mal à nous perdre dans les petites rues de notre quartier. Nous avons quand même trouvé – grâce à Julie, qui a fait preuve d'un sens de l'orientation surprenant toute la journée, je dois l'admettre – une des rues principales, où passe le tram et nous l'avons descendue jusqu'à ce qu'on voie la Mosquée bleue, dont la silhouette était pour moi l'un des symboles de la ville d'Istanbul.

L'un des objectifs de ce voyage était de partir vers le sud pour aller trouver le soleil. Malheureusement, à défaut du printemps, c'est l'automne qui nous a accueilli pour cette première journée à Istanbul. Soleil caché derrière les nuages et vent glacial. J'ai eu froid toute la journée. Donc si moi j'ai eu froid, il va de soi que Julie aussi a eu froid. Les températures polaires n'ont pas entamé notre motivation à faire les touristes, et au moins nous n'avions pas de pluie.

Une fois la grandiose Mosquée bleue admirée de l'extérieur, nous avons fait la queue pour en admirer l'intérieur – non sans avoir ôté nos souliers, comme il se doit, bien sûr. J'avais déjà fait l'expérience de rentrer dans une mosquée à Chypre, et j'avais apprécié le fait de marcher déchaussé sur la moquette : on a l'impression d'être chez soi. Dans la mosquée bleue aussi il y avait de la moquette, mais beaucoup plus de monde. C'était quand même agréable, et la décoration est évidemment très belle, avec des mosaïques et des vitraux, sans parler de l'architecture.

Sortis de là, nous avons traversé un joli jardin rempli de tulipes, comme il y en a partout à Istanbul, pour nous rapprocher de Sainte-Sophie, ancienne cathédrale des chrétiens d'orient à l'époque byzantine, reconvertie en mosquée, mais aujourd'hui un édifice sans fonction cultuelle. Là, il fallait payer pour rentrer, et nous étions encore totalement dépourvus de lires, ayant donné celles retirées hier à Oktay pour payer la chambre, donc nous avons passé notre chemin. Nous nous sommes baladés dans de charmantes ruelles, en se faisant alpaguer tous les dix mètres par des vendeurs de tapis et des rabatteurs de restaurants, puis nous avons marché en direction du palais de Topkapı (sans le point sur le « i », je vous prie), ancien palais du sultan et désormais l'un des lieux phares du tourisme a Istanbul. Malheureusement nous l'avons loupé de peu et avons marché dans le parc qui le longe, tout en mordant dans un épi de maïs acheté à l'entrée. On trouve beaucoup de vendeurs ambulants à Istanbul, essentiellement de trois sortes : les vendeurs d'épis de maïs (bouillis ou grillés, Julie avait pris bouilli et n'a pas aimé, alors je l'ai mangé et c'est vrai que ce n'était pas excellent), les vendeurs de marrons grillés (pas testés), et les vendeurs de pains (des genres de couronnes, deux ou trois variétés, dont une au sésame, assez bonne).

Au bout du parc, nous sommes arrivés à un promontoire surplombant le Bosphore. Nous étions donc quasiment parvenus aux confins de l'Europe. Devant nous, le Bosphore, et au delà s'étendait le continent asiatique. C'était la première fois que je voyais l'Asie – mineure, certes, mais Asie quand même – et j'espère bien y poser le pied avant de repartir d'ici.

Nous avons ensuite longé la voie rapide et la voie de chemin de fer (où étaient parqués des wagons transportant des chars d'assaut) en direction d'Eminönü, un port d'où l'on peut prendre des bateaux pour la rive asiatique d'Istanbul ou pour des excursions. Nous cherchions en réalité un endroit où manger. On m'avait en effet dit qu'on y trouvait des bateaux sur lesquels on pouvait acheter d'excellents sandwichs au poisson. Nous avons vu des stands où l'on vendait ce genre de sandwichs et cela me faisait envie, mais il faisait trop froid et les stands n'offraient pas de protection pour déguster la pêche du jour à l'abri du froid. Sous le pont traversant la Corne d'Or (un bras du Bosphore), étaient alignés des restaurants vendant tous plus ou moins la même chose, y compris des sandwichs au poisson, et après avoir fait un aller pour jauger les établissements et nous faire aborder plus ou moins agressivement par les rabatteurs, nous avons fait un retour pour faire notre choix (et accessoirement, nous faire re-aborder plus ou moins agressivement par les rabatteurs). Finalement, c'est le premier restaurant de la série qui a recueilli nos faveurs, car il était simple, bon marché, sans menu en quinze langues et fréquenté par des turcs. On nous a servi notre sandwich très aimablement, surtout que, comme partout, j'essaye de placer les quatre mots de turc dont je me souviens. Ca aide vraiment à susciter l'amabilité.

Depuis notre table, j'observais les bateaux et les flots agités de la Corne d'Or, et je me suis rendu compte que depuis ma place, je pouvais voir au moins treize drapeaux turcs. Ils sont partout à Istanbul, et j'imagine dans le reste de la Turquie aussi. Et pas que des petits drapeaux; des drapeaux immenses: sur les bâtiments officiels, sur les immeubles d'habitation, sur les gares, les bateaux, les vitres des wagons de train, flottant au vent, pendus devant les fenêtres... Les Turcs semblent adorer leur drapeau et leur pays bien sûr. C'est assez surprenant de voir autant de drapeaux partout.

Après notre repas, nous avons décidé de revenir au palais de Topkapı, mais comme la journée était bien avancée, nous avons finalement préféré reporter la visite au lendemain matin, pour avoir plus de temps. Nous sommes quand même allés le voir de l'extérieur, en traversant plusieurs quartiers de commerces monothématiques: d'abord le cuir, ensuite les textiles, puis les papiers et livres. Ensuite, nous sommes retournés à Sainte-Sophie. Si d'extérieur le bâtiment ne paye pas de mine (selon moi), l'intérieur est vraiment majestueux, malgré l'échafaudage installé sous le dôme, probablement à des fins de réfection, du moins l'espère-t-on. J'ai bien aimé aussi, malgré la fatigue qui se faisait sentir, le mélange entre l'église, avec les représentations de Jésus et de Marie, et la mosquée, avec les calligraphies arabes et les attributs propres à la pratique de l'islam.




En allant à Sainte-Sophie, nous avons acheté des billets pour aller voir un spectacle de derviches tourneurs le soir même. Donc après avoir visité l'ancienne église, nous sommes allés en repérage pour voir où se déroulerait le spectacle puis nous sommes rentrés à l'hôtel nous reposer un peu, en ayant pris soin d'acheter des cartes postales et quelques succulentes pâtisseries orientales pour le quatre heures, tellement succulentes qu'une fois nos douceurs avalées nous avons dû rentrer dans une autre pâtisserie pour compléter notre goûter. J'ai profité du temps libre à l'hôtel pour écrire quelques cartes postales et m'assoupir un peu, malgré le bruit infernal des travaux, puis nous sommes allés au spectacle.

Bien que conçu à l'adresse des touristes, le spectacle était quand même intéressant : quatre musiciens (flûte orientale, tambour, guitare orientale et un autre instrument à cordes dont j'ignore le nom) ont joué et chanté pendant la première partie du spectacle, puis des derviches – ou des gens se faisant passer pour des derviches – sont venus danser sur la musique. Leur technique est assez impressionnante, parce que le haut de leur corps pivote sur un même axe pendant de nombreux tours tout en prenant une position mystique très élégante, mais sous leur jupe bouffante, nous, qui étions assis au premier rang sur des coussins, nous pouvions voir que leurs pieds devaient suivre une technique particulière et probablement difficile à maîtriser pour pouvoir donner cette impression de rotation parfaite.

A ce moment-là, j'étais à Istanbul depuis presque une journée, et je n'avais toujours pas mangé de döner ! Nous avons donc entrepris de trouver un petit restaurant servant le repas turc recherché, mais ceux des grands axes avaient des rabatteurs assez pénibles et étaient donc rédhibitoires, et dans les petites ruelles, les petits établissements repérés pendant la journée étaient soit fermés, soit en train de fermer, ou encore boudés par les clients. Un restaurant nous a – ou devrais-je dire plutôt « m'a » – plu, mais à mon grand regret, on n'y servait plus de döners ce soir. La soupe de lentilles a cependant été appréciée tant de Julie que de moi, et j'ai pris un plat à l'agneau, aux aubergines et au yaourt qui était très bon, même s'il était à peine tiède. Pour finir, j'ai pris un lahmacun, c'est-à-dire une pizza turque, qui était excellente, surtout après que le serveur nous eut expliqué comment la manger: sans couverts, en la roulant avec de la salade et des tomates à l'intérieur.

Enfin nous sommes rentrés profiter d'un sommeil bien mérité, mais seulement après presque deux heures de rédaction et une petite discussion avec Oktay sur sa vie passée en France et ses origines syriennes et égyptiennes, autour d'un thé servi par son épouse.

Hôtel Mystic, 00h24

1 commentaire:

Elisa a dit…

Merci pour la carte postale :-D