Jour 3: Moncton, Nouveau-Brunswick – Québec, Québec
Kilomètres parcourus: 750
Je me trouve actuellement dans un train de ViaRail, la compagnie canadienne de chemins de fer, qui est parti de Moncton à 17h20. Elisa et moi, nous nous rendons à Charny, d'où nous prendrons demain matin un autre train pour Québec, de l'autre côté du fleuve Saint-Laurent. Comme partout dans ce pays, des avions aux magasins en passant par les trains, il fait froid, à cause de la climatisation qui marche à fond. Il faut croire que le Canadien est malheureux s'il fait plus de 15°C. Ceci dit, le train est confortable, les allées sont larges et les fauteuils aussi, les sièges sont moelleux et les vitres sont suffisamment grandes pour qu'on puisse apprécier le magnifique paysage qui défile. On a l'impression de traverser une contrée sauvage remplie de forêts de bouleaux et de conifères et de marais. Pendant un long moment, nous avons longé une petite route et traversé quelques communautés, mais nous ne nous sommes arrêtés qu'une fois, à Rogerstown, pour laisser monter une passagère. La voie de chemin de fer qui traverse les provinces maritimes pour rejoindre le corridor Québec-Toronto-Windsor emprunte un itinéraire différend de la route transcanadienne, passant davantage au nord, plus près de la mer. Le train se meut lentement, ce qui laisse le temps pour l'introspection en regardant défiler les arbres et les cabanes et maisons en bois.
Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada. Ici, tout est traduit, du stop/arrêt dans les rues à « New Nouveau Brunswick » sur les plaques d'immatriculation, en passant par « rue Main street ». Car au Canada, il n'y a pas qu'au Québec qu'on parle français, les provinces maritimes (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Ecosse et Ile du Prince-Edouard), bien qu'elles soient aujourd'hui majoritairement voire quasi-exclusivement anglophone, ont été d'abord peuplées par les Français (après les autochtones, bien sûr). Les anglais les ont chassés (ce qu'on appelle le « Grand dérangement ») ou assimilés, mais il reste des minorités francophones, acadiennes pour être précis, plus ou moins importantes dans ces trois provinces. Les Acadiens, comme toute population se sentant oppressée par la culture dominante, affirme leur identité, notamment par le drapeau acadien – notre tricolore agrémenté d'une étoile jaune dans le coin supérieur gauche –, qu'on retrouve dans les jardins, sur les voitures, sur les poteaux électriques, etc., c'est-à-dire partout où l'on est fier de sa spécificité culturelle francophone. Je trouve que c'est amusant de se trouver sur un autre continent et de pouvoir communiquer naturellement avec les autochtones dans sa langue maternelle. Enfin, « naturellement, » pas tant que ça, puisqu'il faut une certaine dose d'entraînement à l'oreille pour se faire à l'accent d'ici. Certaines personnes parlent même un français qui n'a plus grand chose à voir avec le versaillais classique, chargé de sonorités américaines et mâtiné de mots d'anglais. D'après mes accompagnatrices, il y a des domaines pour lesquels les mots français sont tout à fait inconnus. Ainsi en va-t-il notamment en matière d'automobile, où l'on ne dira pas « il faut vérifier l'embrayage », qui suscitera un regard consterné chez votre interlocuteur, mais « il faut checker le clutch ». Je n'ai pas fait l'expérience de ce genre de parlé et Elisa en parle mieux que moi sur son blog. En revanche, je peux dire que je ne comprends pas toujours ce qui se dit en français ici, mais c'est surtout à cause de l'accent.
Le village de Bouctouche, sur la côte nord du Nouveau-Brunswick, doit se trouver en Acadie, à en juger par le nombre de drapeaux tricolores que l'on retrouve à tous les coins de rue. La principale attraction de Bouctouche, c'est sa dune, et c'est la raison pour laquelle nous y sommes allés, avec Séverine et Claire, deux amies françaises d'Elisa. Un chemin surélevé permet de se promener sur la dune sans marcher dessus, afin de ne pas la dégrader, ce qui fait une ballade sympathique. Des accès permettre de descendre sur la plage et de marcher le long de la mer et des panneaux informatifs sur la faune et la flore locales sont installés le long de la promenade. Il ne pleuvait presque pas, mais le vent qui soufflait de la mer était glacial. Au large, à quelques dizaines de kilomètres, on pouvait voir l'Ile du Prince-Edouard, où nous n'avons pas pu aller, à cause du prix du péage pour le pont. Néanmoins nous avons pu distinguer les nombreuses éoliennes qui tournaient sur la rive sud de l'île.
Pendant que j'écris le paysage change peu, mais on traverse de temps à autres une grande rivière qui a l'air immaculée, sauvage, jamais approchée de l'homme, ce qui est faux, bien sûr, puisqu'on est ici. A l'approche des localités, il y a parfois des champs et tout à l'heure, j'ai vu un castor plonger dans un ruisseau et j'ai vu un orignal effrayé par le train s'enfuir dans les bois. C'est toujours un plaisir de voir des animaux sauvages alors qu'on ne s'y attend pas. J'ai essayé de montrer l'orignal à Elisa, mais elle n'a pas eu le temps de le voir. Elle est au Canada depuis huit mois et n'a jamais vu d'orignal, et moi depuis deux jours et je le vois. Rien à voir avec les animaux sauvages, mais derrière nous vient de s'installer un couple de personnes âgées francophones. J'imagine qu'ils sont francophones, parce que ce n'est pas de l'anglais et ça ressemble vaguement à du français, mais je ne comprends pas un mot de ce qu'ils se disent entre eux.
De l'anglais, je n'en entends pas des masses (ou « demás », pour Julie) depuis que je suis arrivé. Quand les gens parlent français, pourquoi se priver? Par ailleurs, je suis accompagné d'une française, qui elle même ne fréquente presque que des Français qui travaillent avec elle. Elle a d'ailleurs invité sa « French Connection » ce matin à son appart pour prendre le brunch. Outre Séverine et Claire que j'ai déjà citées, étaient présents Pierre et Béatrice. Elisa nous a régalé avec des oeufs brouillés et du bacon, des bagels avec du Philadelphia cheese et de délicieux pancakes au sirop d'érable. Un vrai brunch canadien, quoi.
Pensez à brosser mon cheval avant de partir ;)
3 commentaires:
Petite correction mineure (mais il faut être précis, hein!) : On dit « Il faut checker LA clutch ». Eh oui, la clutch, c'est féminin (comme la gang, la job... Elisa pourra te faire la liste!). Bon voyage!!
Moi, je veux juste dire que Moncton n'est peut-être LA ville rêvée, mais il y a moyen de s'y faire une vie fort intéressante. Voilà.
Ah non, je veux aussi dire que je veux voir un orignal. Voilà bis.
Séverine, merci pour cette rectification. Tu as raison, il faut être précis.
Elisa, oui, "Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse". Moncton, c'est ton flacon, et c'est "ta gang de Fronçais" qui te rend ivre. 'tain c'est beau c'que j'dis.
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