Kilomètres parcourus: 207
Lorsqu'ils ont raconté ce qu'ils avaient vu dans la région de Yellowstone, les deux premier explorateurs européens successifs de la zone auraient été accueillis avec scepticisme, tant ce qu'ils disaient devait ressembler à un genre d'hallucination. Moi même j'ai cru halluciner aujourd'hui. Le parc de Yellowstone et à la hauteur de sa réputation.
L'arrivée n'est pourtant pas des plus impressionnantes. Après avoir payé un droit de séjour de 25 dollars à l'entrée est, on suit une route sinueuse bordée d'arbres qui semblent morts ou brûlés. Et puis soudain apparaît le lac de Yellowstone, et au loin, des montagnes enneigées. On descend petit à petit au niveau du lac, que l'on longe sur quelques kilomètres. Le paysage est très beau, s'il n'y avait pas tous les autres touristes, on pourrait communier avec la nature. Nous sommes en montagne et les températures sont fraîches, si bien que certaines parties du lac sont encore gelées. De nombreux points ont été prévus le long de la route pour s'arrêter et prendre des photos, et je n'ai pas manqué de le faire. J'ai roulé comme ça quelques kilomètres, m'arrêtant brièvement de temps à autres pour tenter de prendre de belles photos, et à un moment, j'ai remarqué que des fumerolles se dégageaient du bord du lac. Ca y est, ça commençait. Les bords du lac étaient un peu rouge, témoignant d'une importante activité des bactéries vivant dans les milieux chauds. Quelques minutes plus tard, sur le bord de la route paissaient paisiblement des bisons, ignorant royalement les voitures qui défilent et les gens qui les prennent en photo.
Mes arrêts étaient très courts, le temps de prendre une photo, car j'avais un rendez-vous téléphonique avec Julie à midi, or j'avais sous-estimé les temps de parcours à l'intérieur du parc. J'ai donc poursuivi ma route pour tenter d'être à l'hôtel, à l'autre bout du parc, environ une heure plus tard. Malheureusement, à midi, je n'étais qu'à mi-chemin de l'hôtel et c'est dans la zone du Canyon que j'ai passé mon coup de fil. Dans un premier temps, je n'ai pas vraiment exploré la zone, pressé que j'étais, mais j'avais tout de même fait un arrêt pour aller voir la vue sur les chutes supérieures. Les choses sérieuses commençaient: j'étais à quelques mètres d'impressionnantes chutes d'eau qui se déversait à une vitesse vertigineuse en contrebas, dans un fracas assourdissant.
Je suis arrivé à Mammoth Hot Springs, mon « village », vers 13h00. Au départ, il s'agissait d'un campement militaire, et il reste les maisons des officiers, mais les structures d'accueil sont plus récentes, quoique assez vieilles tout de même, parce que cela ressemble à un complexe hôtelier un peu luxueux des années 20. Une forte odeur d'urine accueille le voyageur venu s'annoncer à la réception. C'est une jeune Allemande qui s'est occupée de ma réservation à la réception. Apparmment, elle va étudier en Floride à la rentrée et en attendant, comme elle voulait visiter Yellowstone, elle s'est trouvée un job ici. C'est sûrement une solution tout bénef pour elle et certainement moins onéreuse, car je paye 75 dollars la nuit pour une chambre dans une cabine sans toilettes, sans douche et sans petit déjeuner, et ça, c'est le moins cher que j'ai trouvé dans tout le parc. Les conditions de confort ne me dérangent pas plus que ça, mais le prix ne correspond pas du tout aux prestations. Il n'y a même pas le wi-fi, mais ça, je crois que c'est parce qu'il n'y a pas Internet dans tout le parc. Enfin, je suppose qu'on paye la situation, encore que Mammoth Spring n'est pas un village très central dans le parc.
Pour aller sur Internet et tenter de parler avec Julie, j'ai dû ressortir du parc par le nord et aller dans le village tout proche de Gardiner, qui est en fait une rangée de commerces disposés à la façon western. Un magasin de souvenirs affichait « Internet » et c'est là que je me suis rendu pour me connecter. Il fallait quand même payer 10 cents la minute, mais comme j'avais oublié qu'il fallait avoir un crédit pour pouvoir utiliser Skype comme téléphone, mon temps sur le Web a été très court. J'ai réussi à appeler Julie avec mon portable (aucun réseau ne passe dans le parc) et j'ignore à quelle point cette conversation va me ruiner.
Depuis mon petit déjeuner au Super 8 de ce matin, il s'était écoulé au moins cinq heures, et j'ai donc profité d'être en dehors du parc devant une offre relativement diversifiée de restaurants pour trouver à manger pour pas trop cher. Je suis en fait rentré dans le premier bar et je me suis assis sur une terrasse très agréable. La serveuse est venue vers moi et m'a demandé avec un accent de l'est (de l'Europe) ce que je voulais boire. A défaut de lui répondre, je lui ai demandé d'où elle venait. Elle avait l'air ennuyée, mais elle m'a répondu qu'elle venait de Russie. J'ai alors commencé à lui parler en russe et elle a eu l'air très étonnée, mais pas autant que quand je lui ai dit que j'étais Français. J'adore faire cet effet-là. Il semble qu'elle est arrivée dans ce trou paumé par un programme d'échange pour travailler un peu et visiter les Etats-Unis. J'ai commandé une salade pour rééquilibrer la pizza d'hier soir, j'ai regardé mon Lonely Planet et demandé conseil à la joyeuse patronne pour savoir ce qu'il y a à faire dans le parc, j'ai pris deux-trois photos du village et je suis remonté à Mammoth Hot Springs.
Le village a été construit juste à côté de sources chaudes (d'où son nom, en revanche, je ne sais pas où se trouve le mammouth). En gros, sous le parc a lieu une intense activité géodésique, qui crée des phénomènes géologiques variés dans toute la région. Les sources d'eau chaude en sont un exemple. Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne, mais le résultat que j'ai vu est magnifique: de l'eau chaude sort d'une colline, qui est constituée en terrasse et présente des formes vraiment particulières. Ma description est nulle, il vaut mieux le voir. L'eau chaude – l'eau est vraiment chaude, je l'ai touchée pour en avoir le cœur net – attire les bactéries thermophiles, ce qui confère aux terrasses des couleurs rouges, jaunes et vertes. Un festival. Ajouté à cela la beauté du paysage aux alentours, et ça suffit pour que je sois tout exalté. Des chemins de bois ont été prévus pour monter au sommet des terrasses, afin que les gens ne marchent pas n'importe où, car cela peut être dangereux. En redescendant, j'ai entendu au loin une femme pousser un cri et je voyais que plusieurs personnes regardaient quelque chose à côté du chemin. Je pensais qu'elle avait laissé échapper quelque chose qu'elle ne pouvait pas récupérer car c'était tombé en dehors du chemin, mais une fois arrivé à cet endroit, j'ai vu qu'il y avait un splendide serpent jaune, un bullsnake (serpent-taupe de San Diego) qui se déplaçait en tentant d'échapper aux regards des curieux.
Ce n'est pas le seul animal qu'il m'a été donné d'observer depuis que je suis arrivé dans le parc. J'ai déjà parlé des bisons, qui sont omniprésents dans les zones de prairies, absolument pas perturbés par les voitures, se tenant parfois juste à côté de la route avec leurs petits. Ils ont l'air paisibles comme ça, avec leurs airs d'inoffensives vaches bodybuildées (le bison est à la vache ce que la nageuse Est-Allemande est à la femme), mais on nous recommande régulièrement de ne pas s'en approcher, car ils peuvent être dangereux. Juste à côté de ma cabine, j'ai vu des wapitis brouter l'herbe qu'ils trouvaient. Là aussi, j'ai été étonné que ces bêtes-là n'avaient pas du tout peur des gens. Non mais elle se rendent pas compte, c'est dangereux! C'est de dingues les gens ici, ils ont des flingues et tout. Inconscients animaux. Tout autour des maisons, on voit aussi de petites bestioles toutes mignonnes qui se dressent sur leurs pattes et observent les passants d'un air méfiant. Ce sont des « ground squirrels », il faut que je vérifie ça pour le français. Et dans la forêt, on aperçoit aussi des animaux qui leurs ressemblent, mais je crois que c'en est d'autres, des « chipmonks ». D'après le bruit qu'ils font, ce sont les mêmes animaux que Tic et Tac. On en voit pas mal qui se postent sur un tronc couché, lancent de petits cris et, quand on s'apprête à les prendre en photos, vont se cacher en se marrant pour bien te narguer. Malheureusement, je n'ai pas vu de loups, ni surtout d'ours. J'adorerais voir un ours, mais je crois qu'il faut s'armer de patience et de jumelles, or je ne dispose ni de l'une, ni de l'autre pour l'instant. Dans l'idéal, un ours traverserait la route juste devant moi et s'arrêterait à quelques mètres, intrigué, suffisamment longtemps pour que je puisse le prendre en photo correctement. Dans le pire des cas, je me retrouverais nez-à-museau avec le plantigrade en me promenant en forêt, alors qu'il vient de trouver une carcasse d'animal, accompagné de ses petits. Mais ça serait vraiment pas de bol.
C'est grâce à l'aide précieuse d'une « ranger », chargée de la réception au point d'accueil de Mammoth Hot Springs que je sais ce que j'ai vu et ce qu'il ne faut pas faire. Quand elle m'a demandé ce que je devais faire si je voyais un ours, j'ai répondu « lutter avec lui à mains nues » et je suis fier de déclarer que par cette blague à la Chandler j'ai réussi à décrocher un sourire à une représentante de l'autorité aux Etats-Unis. Bon, ok, c'est pas le shérif du coin - leurs insignes ont même pas l'air vrai - mais quand même, je considère ça comme une victoire personnelle.
Après lui avoir posé des questions sur la faune locale vue et à voir et sur les randonnées à faire et les choses à voir dans le parc, il était déjà 17h00, mais j'ai décidé de retourner dans la zone du Canyon pour finir de l'explorer. Il a bien fallu une heure de route pour y aller, puisque j'ai pris l'autre route, la plus longue, pour changer, que la vitesse est limitée à 45 mph (environ 70 km/h) dans le meilleur des cas, et que je me suis arrêté à presque tous les endroits prévus à cet effet pour me régaler les yeux de la diversité de paysages qui s'offraient à moi. A chaque arrêt, à chaque kilomètre parcouru dans le parc, je n'avais qu'un mot en tête: « époustouflant ». Les paysages et les vues sont très variés: on voit des animaux sauvage au bord de la route, des canyons aux falaises teintées de dégradés de rouge et jaune, des paysages de pierres puis de grandes prairies, des forêts et des prés drainés par de petites rivières d'où s'échappent des fumerolles, des pentes fumantes blanchies par le soufre, on sent dans l'air ce soufre, ou parfois l'odeur des sapins.
Je voulais faire quelques promenades conseillées pour rejoindre des points de vue sur le canyon de la rivière Yellowstone. Malheureusement, je n'ai pas trouvé les chemins qui menaient aux points de vue de la rive nord, donc je suis reparti, j'ai passé le pont enjambant la rivière en amont des chutes et j'ai suivi un sentier génial longeant le sommet de la falaise et offrant des points de vue parfaits en hauteur sur les deux chutes d'eau qui créent par leur force une grosse brume. D'autres points d'observation permettent d'admirer la rivière qui s'écoule paisiblement après avoir été brassée dans les chutes, au fond de l'imposant canyon, impressionnant par ses formes géométriques et ses couleurs.
La nuit commençait à tomber quand je suis arrivé à la voiture et j'ai pris le chemin le plus court – une heure tout de même – pour rentrer à Mammoth Hot Springs et tenter de trouver quelque chose à mettre dans mon estomac. J'étais un peu stressé, parce qu'ici, c'est pas comme à Montréal ou Chicago: on ne mange pas à n'importe quelle heure, et si rien n'était ouvert, je n'avais plus qu'à attendre le lendemain matin et le petit déjeuner (non inclus) pour calmer ma faim. Il y a deux restaurants au village, un fast-food et un restaurant un peu plus class. Le fast-food était fermé, mais l'autre restaurant ouvre jusqu'à 22h00, donc à 21h30 je n'ai pas eu de mal à me faire accepter. Je n'ai pas aimé mon serveur. Non seulement il m'a demandé comment j'allais comme si on se connaissait de notre cours de poterie, mais en plus, sans que je lui demande quoi que ce soit, il m'a dit: « moi aussi ça va, merci ». J'ai senti qu'il avait trouvé ça un peu bizarre de dire ça, vu que je ne lui avais rien demandé, mais il a poursuivi avec la lecture sans passion du plat du jour. J'ai goûté un steak de bison pas mauvais du tout, avec une bière ambrée « de type belge » fabriquée aux Etats-Unis. C'est étrange, c'est la deuxième fois que j'essaye de voir le degré d'alcool dans une bière aux E.-U., mais je ne trouve pas d'indication à ce sujet. C'est quand même la base, non. Autre point négatif à ce restaurant, il y avait une femme vraiment chelou dont la seule tâche semblait de verser de l'eau avec beaucoup trop de glaçons dans les verres des gens et de débarrasser les tables. Elle a voulu me faire la conversation et j'ai appris qu'elle venait de Californie, qu'elle ne mangeait pas de viande et qu'elle adorait le chocolat. Elle devait être nouvelle, parce que quand elle m'a apporté le dessert, elle s'est exclamée: « wouhou! Mon premier dessert! ». J'aurais voulu partager sa joie mais j'avais de la peine à le faire alors je me suis contenté d'un « félicitations », qui a déclenché un rire hystérique vraiment effrayant chez elle. Elle m'a gratifié d'un « vous avez un excellent sens de l'humour ». Je n'ai pas du tout considéré cet épisode comme une victoire personnelle. En plus, à l'autre bout de la salle, il y avait une table de Chinois qui se raclaient la gorge bruyamment pour recracher ce qu'ils y avaient trouvé dans leur serviette. C'est culturel, mais dégueulasse.
Bon allez, je vais m'aventurer dans la nuit calme et étoilée de Yellowstone – au risque de rencontrer un loup en quête d'enfants à manger ou un grizzli toxico cherchant son fix de miel – pour aller aux toilettes, très propres au demeurant.
2 commentaires:
T'as déjà vu un orignal... Tu vas pas AUSSI voir un ours, une baleine et un pingouin, non ? Ouais, je suis jalouse, et alors ??? ;-)
T'as pas de raison d'être jalouse. Toi t'as toutes les chances de voir traverser une motoneige sur l'autoroute un jour, voire même un train, alors...
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