vendredi 30 décembre 2011

Hanoi


22 – 23 décembre

Voilà une journée qui a été pleine de rencontres. Tiré du lit par l'inéluctable concert de klaxons, les coups donnés sur je ne sais quoi, les enfants qui crient, le personnel qui s'adresse la parole d'un bout à l'autre de la cage d'escaliers et d'autres pollutions sonores, je suis descendu prendre le petit déjeuner dans le lobby de l'hôtel, où seul était assis un Vietnamien. Il s'avérait que c'était un Français d'origine vietnamienne qui voyageait pendant six mois dans son pays natal. Il était jovial mais il n'écoutait pas ce qu'on lui disait et il coupait tout le temps la parole, ce qui le rendait difficile à fréquenter.

J'ai commencé ma grande journée de marche par un petit tour pour voir le centre ville de jour, puis j'ai passé le plus clair de ma journée touristique en périphérie, c'est-à-dire pas dans les rues principales du centre ville. Je me suis dirigé vers le temple de la Littérature, qui, en gros, est la première université du Vietnam et constitue un ensemble architectural majeur. C'est pas que je me suis perdu, je suis allé là où je voulais, mais ce n'était pas là qu'il se trouvait, le temple. J'ai bien vite retrouvé mon chemin après consultation de la carte et j'ai visité ledit temple, qui est effectivement remarquable, très beau, majestueux et, en guise de folklore, j'ai eu le droit à un spectacle impromptu d'étudiants qui s'étaient retrouvés dans la cour principale en toges et chapeaux carrés, comme aux États-Unis, pour célébrer la remise de leur diplôme. Les touristes n'ont pas manqué de prendre des photos et c'est vrai qu'on était tous contents pour eux.

Je me suis ensuite dirigé vers la rivière (le fleuve Rouge), ou plutôt vers deux lacs où se trouvent des pagodes. En chemin, je suis passé par le pagodon au pilier unique – charmant – et, juste à côté, par le mausolée Ho Chi Minh, que je n'ai pas visité (j'ai déjà vu la momie de Lénine, ça doit pas être bien différent) mais j'ai traversé l'immense esplanade qui se trouve devant. Le quartier dans lequel je me trouvais avait quelque chose d'agréable, beaucoup d'ambassades, de grandes villas cossues et peu de scooters, ce qui, reconnaissons-le, est un avantage. Avant d'arriver aux lacs, il était l'heure que je m'arrête pour reposer mes pieds, m'hydrater et me sustenter. Le choix de restaurants n'était pas vaste dans ce quartier alors je suis allé dans un restaurant un peu plus cher que d'habitude où j'ai assez bien mangé, notamment du bœuf aux cinq épices, puis je suis allé visiter les pagodes, une taoïste et l'autre bouddhiste, je crois.

Avant d'entrer dans la première, j'ai été sollicité avec vigueur par des vendeuses de cartes-postales qui étaient moches (les cartes, pas les vendeuses) et inutiles en ce qui me concernait, donc je n'ai pas eu de mal à résister à leur marketing agressif, malgré leurs flatteries (oh, que vous êtes beau, monsieur du Corbeau) et leurs tentatives visant à susciter la compassion, voire l’apitoiement (pour nourrir le bébé! Il n'a pas de papa!) Oui je sais, je n'ai pas de cœur. Ceci dit, j'ai apprécié ces deux pagodes. Elles ne sont jamais vraiment très sobres à l'intérieur, c'est toujours très chargé, mais il y a quand même beaucoup de goût et de recherche et l'architecture extérieure est très fine. Et puis c'est agréable de s'éloigner en quelques secondes de l'hystérie urbaine et motorisée en franchissant le portique d'une de ces pagodes. Dans la cour de la deuxième pagode, un couple local se faisait prendre en photo devant devant différents points d'intérêt. Alors que moi-même je prenais des photos, la jeune fille est venue vers moi, m'a pris par le bras et m'a demandé dans un anglais approximatif si son copain pouvait nous prendre en photo. Je n'avais rien contre mais c'est quand même surprenant. Je suppose que si je ressemblais un peu moins à George Clooney ça m'arriverait moins souvent. Hem.

Mon moment de recueillement accompli, j'ai longé le plus petit des lacs pour rejoindre le centre ville. Bien que ce qui est désigné ici comme lac ressemblait d'avantage à un égout à ciel ouvert d'où émanait un fétide fumet, il conférait aux quartiers que j'ai traversés une petite atmosphère de village méditerranéen, avec quelques cafés donnant sur le lac et un temps qui semble se dérouler au ralenti. Un peu plus loin, sur une sorte de presqu'île, j'ai eu l'impression que c'est à ça qu'aurait ressemblé Hanoi si j'y étais venu une vingtaine d'années plus tard. De par sa situation excentrée, ce quartier n'était pas envahi de deux-roues, les gens vivaient leur vie comme ailleurs en ville, en faisant la cuisine sur le trottoir ou en nettoyant leur scooter, mais sans l'oppression du bruit et de la pollution (toutes proportions gardées, voir le passage sur le lac), dans un esprit quelque peu villageois, je dirais même.

Alors que j'allais vers mon objectif touristique, le grand marché couvert de Hanoi, je me suis retrouvé à marcher par hasard côte-à-côte avec un autre touriste qui arrivait d'une rue adjacente. Et puis bon, comme on marchait dans la même direction, on a commencé à parler. Un Australien du nom de Brian qui était arrivé il y a une heure. Comme il n'avait pas de programme précis, il m'a accompagné au marché, qui était un peu décevant, puis nous sommes allés ensemble à la gare de Long Bien, toute petite gare qui a ceci d'intéressant qu'elle se trouve au départ de l'ancien pont Paul Doumer, construit par les Français à la fin du 19e siècle. Une belle structure d'acier rouillé, une portée de près de 1,7 km par-dessus le fleuve Rouge, un flux ininterrompu de mobylettes, une vue sur Hanoi, tout cela en a fait une excursion fatigante mais passionnante pendant une heure environ. De l'autre côté du pont, nous avons trouvé un Hanoi beaucoup moins touristique, très populaire. Quant à ce qui se trouvait sous le pont, il y avait bien sûr le fleuve, aussi large qu'un fleuve de Sibérie, mais aussi un petit bout de campagne en plein milieu de la ville, notamment sur une presqu'île située entre le fleuve et un bras mort de celui-ci. On pouvait voir des champs non cultivés, des plantations de bananiers (peut-être) et tout une activité agraire avec les personnes habituellement attachées à ce genre d'activité, le chapeau conique étant de rigueur.

Après cela, j'ai suggéré à Brian qu'on aille boire un coup quelque part. Nous sommes d'abord passés à son hôtel pour qu'il informe le réceptionniste que tout allait bien (!) puis j'ai voulu l'emmener au coin de ma rue, là où tous les touristes se posent en sirotant une bière et en profitant du spectacle extravagant de la circulation à Hanoi. Le bar en question était plein mais nous nous sommes installés de l'autre côté du carrefour dans une sorte de pizzéria bien moins sympa, mais tout aussi bien placée. Alors que nous allions nous installer à l'intérieur, qui vois-je qui traversait la rue juste derrière moi? Mes camarades québécois Sylvain et Véronique! C'est le destin, que je leur ai dit après les avoir interpellés, « eh, cousins! », pour justifier que je leur demande leurs coordonnées sur Facebook. Nous avons encore causé un moment, puis ils sont partis prendre leur train pour Sapa et j'ai pu enfin boire ma bière avec Brian. Nous avons pu mieux faire connaissance et nous avons même eu une discussion de fond et il s'avère que nous avons pas mal de points communs sur certaines questions. Moi j'avais mangé assez tard, mais lui avait faim et nous sommes allés diner dans un restaurant en terrasse à l'étage à deux pas de là, puis, comme il était paumé et sans carte, je l'ai raccompagné quelques rues pour lui montrer où aller et je suis rentré chez moi me coucher, épuisé après une journée de marche à travers la ville.

Pour ma dernière journée au Vietnam, j'ai approfondi un peu mon exploration de Hanoi, mais sans stress. J'ai commencé par mon traditionnel tour du centre historique, avec pour premier objectif une nouvelle fois le grand marché couvert, car j'ai eu le sentiment de ne pas l'avoir bien exploré. À l'approche du marché, je suis passé par de toutes petites ruelles très étroites et très encombrées de vendeurs avec leurs marchandises, qui physiquement ne devraient pas pouvoir laisser passer de deux-roues, or ce n'était pas le cas. Des scooters chargés comme des mulets filaient le long de ces ruelles, esquivant avec une agilité certaine les vendeurs fixes, les vendeurs ambulants, les clients, les touristes comme moi (mais j'étais à peu près le seul), au péril de tout ce monde quand même. Je suis donc retourné à l'intérieur du marché, qui était toujours aussi peu intéressant à vrai dire: un coin vêtements, un coin poissons séchés, un coin épices, etc. chaque « boutique » étant séparée des autres par un ridicule passage emprunté tant par les badauds que par les clients, les livreurs et les commerçants. Comme le marché est fait en « quartiers » spécialisés, il n'y a pas vraiment une grande diversité et donc pas de chatoiement de couleurs. C'est tout de même un peu intéressant mais on a vu mieux. Finalement, le plus intéressant, c'est ce qui se passe dans les cours et les ruelles autour du marché: beaucoup de vendeurs, beaucoup de produits et beaucoup de diversité.

Sorti de l'hôtel relativement tard, il était déjà presque temps de commencer à prendre le repas de midi, alors j'ai de nouveau traversé le centre-ville déjà bien connu mais où il est facile de se perdre, j'ai emprunté un grand boulevard m'emmenant loin du centre, direction la « rue de la gastronomie vietnamienne ». Deux ruelles en fait, où se succèdent les petits restos. La formule aurait pu me plaire s'il ne me restait pas seulement deux repas à faire au Vietnam et que je ne cherchais pas un plat bien particulier qu'on m'a servi dans plusieurs restaurants vietnamiens en Europe, un genre de ravioli (raviolo?) de pâte de riz très fine cuite à la vapeur, remplie de champignons noirs et de porc, plein de saveurs. J'ai vérifié dans mon fidèle guide (que je n'ai donc pas perdu en faisant du stop sur une autoroute) comment pouvait s'appeler ce met au goût divin et je me suis mis à examiner les grands panneaux situés à l'extérieur des restaurants servant à détailler les différents plats proposés (en gros, le menu). Nulle part je n'ai vu ce que je cherchais. J'étais à deux doigts de retourner à l'hôtel pour demander à la réception où manger mes raviolis vietnamiens et puis finalement j'ai décidé d'aller à l'autre bout de la ville pour aller au « Fish Market », un grand restaurant de poissons hautement recommandé par le Routard. J'ai donc retraversé la ville – sans toutefois passer par le centre, cette fois, mais ne manquant pas de me faire interpeller tous les dix mètres pour monter sur une moto – puis je suis passé de l'autre côté d'un grand boulevard pour me retrouver dans un quartier populaire où il semblait que j'étais le seul touriste. Je suis arrivé dans le fameux restaurant, on m'a installé à une table avec vue sur la grande salle, décorée et chaleureuse comme un restaurant soviétique dans les années 1980, et sur les bacs à poissons. J'ai regardé le menu et comme je ne connaissais le nom de poissons ni en vietnamien ni en anglais, j'ai choisi un poisson au pif, que j'ai demandé de me préparer grillé. J'ai attendu patiemment que la serveuse finisse de regarder sa série préférée à la télé et j'ai passé ma commande. La serveuse a froncé les sourcils et comme elle ne parlait pas un mot d'anglais, elle m'a fait comprendre par signes et en me tapant sur le ventre et en écartant les bras que c'était trop pour moi. Elle m'a demandé de la suivre jusqu'aux bacs à poissons et m'a montré la bête que j'avais commandée. C'est vrai que ça faisait beaucoup. En fait, ce resto, c'est bien si on est beaucoup à prendre le même poisson, mais pour un client tout seul, c'est trop. Il y avait bien des morceaux à vendre, mais rien de grillé. J'ai donc fait comprendre à la serveuse que j'abandonnais et je suis parti. Pas complètement découragé mais commençant à sérieusement ressentir la faim, je m'apprêtais à traverser une nouvelle fois la ville – quitte à céder aux invitations des moto-taxis – pour retourner dans la « rue de la gastronomie vietnamienne », mais j'ai quand même pris le temps d'étudier les « menus » des gargotes qui se trouvaient dans la rue. J'ai dû vérifier une nouvelle fois dans mon guide comment s'appelait en vietnamien le ravioli (raviolo?) convoité. Et là, paf, j'y croyais plus, je vois exactement ce qui était écrit dans le guide du Routard. Je rentre dans la gargote/maison, je dis bonjour, je montre au gars sur le panneau ce que je veux, il hoche la tête et me fait signe de m'installer sur une petite chaise en plastique devant une petite table en plastique et je le regarde mettre en route son cuiseur électrique à vapeur. Pendant que la machine chauffe, il coupe en cubes une sorte de saucisse qu'il place sur la plaque du cuiseur pour les réchauffer, puis il malaxe une pâte assez liquide qu'il étale en une fine couche dans son cuiseur après avoir pris soin de retirer les bouts de saucisse. Quand la pâte est cuite, il la retire et la place sur une sorte de panier inversé, puis il la saupoudre de champignons noirs, la roule en boudin et la coupe en morceaux. Après avoir répété l'opération plusieurs fois, on me sert ces morceaux de crêpe de riz aux champignons noirs saupoudrés d'oignons frits, ainsi qu'un bouillon dans lequel baignent les morceaux de saucisse. C'est un peu l'idée de mes raviolis vietnamiens tant aimés qui j'ai mangés en France, mais il manquait tout un tas de chose pour rendre l'expérience aussi intéressante. Ceci dit j'ai essayé un truc différent dans un endroit qui n'avait peut-être jamais été fréquenté par un occidental.

Après ce léger repas, je suis repassé de l'autre côté du grand boulevard et comme je me trouvais dans le quartier où se trouvaient plusieurs musées, je me suis dit que je pouvais finir mon séjour par quelque chose d'instructif et culturel, surtout que j'avais quand même plus ou moins déjà bien fait le tour de la ville. Et en plus, il faisait un peu froid. Je suis rentré dans le musée d'histoire du Vietnam, sis dans une une belle demeure d'époque coloniale et j'ai tenté d'en savoir plus sur ce qu'a vécu ce pays jusqu'à aujourd'hui, du moins autant que ce que mon cerveau endormi pouvait assimiler. Assez bien fait, avec beaucoup d'objets exposés, je trouve qu'il manque un peu d'interactivités où d'explications claires. Peut-être que j'aurais dû me trouver une visite guidée, mais je n'ai pas vraiment vu de groupes. Après avoir visité le premier niveau, j'ai fait une pause bien méritée sur un confortable canapé au pied de l'escalier. Après des heures de marche, un petit repas et une bonne heure de piétinement dans le musée, je me suis mis à roupiller – une petite sieste d'une vingtaine de minutes qui, semble-t-il, n'a surpris personne, pas même le personnel de sécurité. Ainsi requinqué, j'ai exploré le second niveau, plus intéressant – moins de poteries et de boucles d'oreilles du paléolithique; plus de statues, de cartes et d'objets d'art récents et un bref passage sur la période coloniale.

Encore un peu dans les vapes et pas vraiment réchauffé, je suis sorti du musée sans objectif particulier. Le repas de midi avait été léger alors j'ai voulu trouver quelque chose pour compléter. J'ai mangé une galette de riz frit pas très intéressante dans la rue puis je me suis dit que je pouvais rentrer m'installer à la réception de l'hôtel pour rattraper mon retard dans la rédaction de mon fabuleux journal de voyage. Je me suis fait offrir un thé par la réceptionniste qui parlait vaguement français et je me suis occupé de mon blog en regardant du coin de l’œil un couple de retraités français que j'avais rencontré au petit déjeuner le matin même se plaindre des prestations de l'hôtel, accuser la réceptionniste de malhonnêteté et exiger un prix réduit. J'ai ainsi attendu jusqu'à 18h00 car j'avais rendez-vous avec Brian pour aller me faire un dernier resto, un peu plus classe que les autres, avant d'aller prendre mon avion. J'ai attendu jusqu'à 19h00 mais Brian n'est jamais venu. Je ne me suis pas du tout senti abandonné, d'autant plus qu'il m'a dit par la suite sur Facebook qu'il avait cherché mon hôtel pendant un moment et que quand il l'avait trouvé, la réceptionniste lui avait dit que j'étais parti cinq minutes plus tôt seulement.

Je suis allé manger dans un restaurant un peu haut de gamme, où le chef est Français mais prépare des plats vietnamiens. J'ai pris du poisson chat grillé et des nêms. C'était bon mais comme d'habitude, je trouve que rien ne vaut un plat pas cher et authentique pris dans la rue, même si c'est un peu toujours la même chose. J'ai mangé en vitesse et je suis retourné à l'hôtel où la voiture qui assurait mon transfert à l'aéroport est arrivé quelques minutes plus tard. La voiture s'est frayé un chemin hors du chaos du centre-ville pour rejoindre le chaos de la circulation sur les grands axes mais à peine extirpés du centre historique, je me suis rendu compte que j'avais oublié mon appareil photo à l'hôtel. Bravo! J'ai gesticulé de façon paniquée pour faire comprendre au chauffeur qu'il me manquait quelque chose; lui pas du tout paniqué s'est arrêté sur le bas-côté puis a passé un coup de fil à l'hôtel. J'ai expliqué mon problème à la réceptionniste et au bout de vingt minutes, un des jeunes qui travaille là-bas est venu en scooter avec mon appareil photo. Ouf, heureusement que je ne m'en suis pas rendu compte à l'aéroport, car il est situé à environ une heure de route de la ville.

L'immigration et les contrôles de sécurité passés, je me suis installé boire un coup dans un bar et continuer mon journal, puis au moment de l'embarquement, alors que je craignais qu'à cause des grèves dans les aéroports français mon avion soit resté à Paris, comme ça m'était arrivé en repartant de Philadelphie en 2000, mais il s'avérait que je ne voyageais pas sur Air France mais avec son partenaire, Vietnam Airlines. Le confort était à peu près similaire à celui d'Air France, à part que le système médias ne fonctionnait pas, donc les écrans sur les sièges n'ont servi qu'à passer des films imposés, en l'occurrence le dernier volet de Harry Potter avec la voix anglaise dans l'oreille gauche et le doublage en français dans l'oreille droite, un peu perturbant, puis, plus tard, une comédie romantique et grotesque vietnamienne que j'ai quand même visionnée jusqu'au bout. En revanche, ce qui était vraiment chouette et que je voyais pour la première fois, c'était qu'on pouvait voir sur les écrans ce que captait une caméra à l'avant de l'appareil. Donc super vue du décollage et de l'atterrissage, presque mieux que si on était dans le cockpit. J'ai beaucoup plus mal dormi qu'à l'aller, et pas seulement à cause des nombreux enfants qui criaient autour, mais aussi à cause des trois germanophones derrière moi qui parlaient très fort quand ils se réveillaient et qui secouaient mon siège à chaque fois qu'ils se levaient pour aller aux toilettes. Mon voisin de rangée était un gros italien qui était très remonté contre le Germain qui était derrière lui et les deux n'arrêtaient pas de s'engueuler. Il a même appelé l'hôtesse pour cafeter que son voisin de derrière donnait des coups dans son siège. « Maiiiieuh! Il arrête pas de m'embêter! ». Enfin bref, un voyage pas franchement reposant. À l'arrivée à Paris, j'avais largement le temps de prendre ma correspondance pour Genève, mais comme le personnel de sécurité était en grève, des files se formaient et contraignait des centaines de personnes à attendre pendant des heures. Heureusement, le personnel de l'aéroport était sympa et rassurant et faisait passer en priorité les personnes ayant les correspondances les plus urgentes. Finalement l'avion est parti avec une demi-heure de retard et je suis arrivé dans la matinée à Genève.

Et ainsi se termine mon périple de Genève à Genève en passant par le Vietnam.

mardi 27 décembre 2011

La baie d'Halong: bien plus qu'un nom de restaurant vietnamien

20 - 21 décembre

Le train est arrivé avec un peu de retard, ce qui nous a permis de dormir quelques minutes de plus. Je me suis réveillé – ou j'ai été réveillé, je ne sais pas – à 5h00 et, peu de temps après, le train arrivait à son terminus, Hanoi. À l'origine, je pensais aller directement à l'hôtel pour poser mes affaires et repartir explorer la ville, mais comme l'un de mes objectifs dans le Nord c'était de voir la baie d'Halong en y passant une nuit, je me suis dit: autant le faire tout de suite si possible. Il était très tôt et je n'espérais pas trouver une agence de voyage ouverte à 6h00 du matin, alors j'ai traîné un peu dans la gare; vraiment très peu de temps car tous les occupants de la salle d'attente se sont fait jeter comme des malpropres pour une raison indéterminée, peut être pour faciliter le nettoyage de la salle. J'ai ignoré la kyrielle de taxis qui voulaient m'emmener à l'adresse de mon choix, car je n'avais pas d'adresse déterminée à leur donner, et je suis allé à pied avec mes affaires sur le dos dans le centre. Il faisait encore nuit mais la ville était déjà en effervescence: comme dans la chanson de Jacques Duc Trung, « Il est 5h00, Hanoi s'éveille ». Partout le long des rues, des marmites fumaient et des gens mangeaient leur soupe de nouilles autour de petites tables en plastique, les porteuses de fruits ou de beignets commençaient déjà à s'affairer, des gens se tenaient sur le pas de leur porte pour faire leur gymnastique et la circulation était déjà animée.

J'ai voulu rendre visite à Hien, la Vietnamienne que j'avais croisée à l'arrivée sur l'île de Phu Quoc et qui travaillait pour une agence de voyage à Hanoi, mais dommage pour elle, son agence était fermée, alors je me suis rendu à la fidèle TheSinhTourist (formerly well known as The Sinh Café), qui elle était ouverte et qui a même pu me réserver une place pour le jour même sur un bateau dans la baie d'Halong. Il me restait une heure et demie avant le départ du bus pour la Baie alors j'ai traversé la rue et je suis allé réserver une chambre dans un hôtel dont je me rappelais avoir vu le nom dans le guide du Routard. Ensuite, je me suis promené dans les rues d'Hanoi sans trop m'éloigner de l'agence de voyage, observant la ville se mettre en route et me mêlant aux gens à une petite table en plastique sur un trottoir pour prendre un petit déjeuner de soupe de nouilles avec eux.

En attendant le bus à l'agence, j'ai causé quelques minutes avec un Français qui voyageait pendant deux mois dans la région et qui m'a dit que j'allais adorer la baie d'Halong. Puis le bus est arrivé, il a fait deux ou trois fois le tour de la ville pour récupérer tous les touristes dans les hôtels, puis nous sommes partis direction Haiphong. Si dans Hanoi j'ai croisé de nombreux occidentaux, dans le bus j'ai été vite dépaysé: j'étais le seul Blanc. J'étais accompagné de plusieurs touristes du Vietnam, des Hongkonguistes, des Singapourois, des Chiniennes et une Empiredusoleillevantienne, je crois. Le trajet a duré près de quatre heures, par des routes cahoteuses et dans une position inconfortable, ce qui ne m'a pas empêché de finir un peu ma nuit. Un arrêt était prévu à mi-parcours à peu près, où on nous a largement donné la possibilité d'acheter des objets artisanaux et même des sculptures en marbre de plusieurs tonnes. Une heure et demie plus tard, nous sommes arrivés au port de Haiphong. Nous avons embarqué dans un petit bateau qui nous a amenés à un bateau plus grand, très beau. On nous a servi une boisson d'accueil puis avant qu'on nous apporte le repas, un autre groupe est arrivé, avec notamment un couple retraité de Canadiens voyageurs de Colombie-Britannique. Au début, je me suis assis avec les deux Chinoises mais elles n'étaient pas bien disposées à parler anglais. Le couple de Canadiens s'est assis à côté de moi aussi et ils étaient très sympas et très jeunes dans leur tête mais comme j'étais le seul type tout seul et que la place était limitée dans la salle à manger, il a fallu me caler avec un groupe de trois pour combler les tables. Je me suis retrouvé avec trois Singapouriens et deux Hongkongais. Le petit couple hongkongais était assez cool, jeune, branché, mais alors le type mangeait vraiment comme un Chinois: il faisait le moins d'efforts possibles avec sa fourchette. Pour amener la nourriture dans son estomac, il se courbait au plus près de l'assiette, poussait un peu la nourriture avec sa fourchette, et l'aspiration faisait le reste. C'était un spectacle affreux et fascinant à la fois.

Pendant ce temps, le bateau s'était approché d'une de ces fameuses formations rocheuses qui sortent de la mer. Nous avons eu quelques minutes pour observer le paysage depuis le pont supérieur, nous changer ou nous reposer, puis le petit bateau est venu nous amener au pied de l'énorme rocher le plus proche. Là nous avons visité une grotte naturelle impressionnante, extrêmement volumineuse et remplie de formations calcaires des plus extravagantes, où chacun pouvait y voir ce que son imagination lui laissait voir. Nous sommes retournés au gros bateau, qui s'est avancé un peu plus dans un dédale de pains de sucre surgissant de l'eau. Sur le pont d'observation, j'ai discuté un peu avec deux cousines d'origine sri-lankaise, l'une vivant en Australie et l'autre au Canada, très gentilles, très charmantes. Ensuite, on nous a amenés dans un village flottant situé au pied d'un rocher, où l'on a pu faire le tour du rocher en kayak. J'ai pagayé avec une des Singapouriennes et on s'est pas trop mal débrouillés. Tellement qu'on était bons, on a voulu profiter des 45 minutes qui nous étaient allouées pour faire le tour d'un autre rocher, un peu plus loin, mais comme tous les autres pagayeurs retournaient au village flottant, nous avons fait demi-tour, manquant de nous faire renverser par un bateau à moteur. Retour au bateau pour prendre une douche bien méritée. J'ai de la chance, à l'agence de voyage, on m'a demandé si je voulais prendre une chambre double que je risquais de partager avec un autre voyageur solitaire ou payer un supplément pour avoir la chambre pour moi tout seul. J'ai économisé quelques dongs en prenant le risque de me retrouver avec un quelqu'un de plus dérangé et malodorant que moi mais personne n'est venu occuper le lit à côté. Donc je suis peinard dans ma jolie petite chambre de bateau et j'ai pu profiter des quelques gouttes d'eau chaudes qu'on a daigné nous offrir.

Habillé un peu plus chaudement pour passer la soirée en mer, je suis sorti sur le pont supérieur prendre quelques photos pendant qu'il faisait encore jour. Là la famille chinoise et les Singapouriens discutaient avec un Québécois et rigolaient beaucoup. J'ai un peu suivi la conversation puis après j'ai discuté avec lui en français. Un type sympa, qui voyage avec sa copine pendant deux mois en Asie du Sud-Est. Quand je me suis relevé du transat je me suis aperçu que j'avais une fesse toute mouillée à cause du matelas qui était posé dessus, donc je suis retourné dans ma cabine me sécher et commencer le récit de ma journée en attendant l'heure du repas, ce qui m'a permis de faire la connaissance de mes colocataires: les cafards. Je viens d'en éclater un mais je sais qu'ils sont encore nombreux et attendent que je m'endorme pour me courir dessus avec leurs petites pattes dégueulasses.

Le repas du soir était copieux: riz blanc, poulpe, tofu, crabe, un truc frit indéterminé, nêms, concombres. Appréciable. À la fin du repas, le guide nous a fait un topo du programme du lendemain pour chaque groupe selon la formule choisie puis nous a invités à choisir une activité pour la soirée. J'étais tenté par la pêche au poulpe, mais c'est vrai que ça risquait d'être ennuyeux d'attendre pendant des heures que ça morde. D'ailleurs Jackie, le guide, un type bien jovial, nous en a dissuadé, mais j'ai compris pourquoi après: la pêche se faisait avec le personnel, or le personnel allait manger après nous pendant les activités. [Erratum: la pêche au poulpe a bien eu lieu mais je ne m'en suis pas rendu compte] Donc c'est le karaoké qui l'a emporté. Les Sri-lankaises étaient super motivées, tout comme plusieurs Asiatiques. J'ai mis du temps à me lancer mais je l'ai fait. Je ne me suis pas trop mal débrouillé sur YMCA, et j'ai bien fait de choisir cette chanson, ça changeait de la soupe vietnamienne ennuyeuse qu'ils n'arrêtaient pas de passer, en revanche, j'aurais dû réfléchir à deux fois quand Thriller a commencé, que personne ne savait qui avait commandé la chanson et que je me suis porté volontaire. C'était une catastrophe, mais pour ma défense, c'est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. En plus, le micro fonctionnait mal, donc j'avais tout contre moi.

Faute d'autres morceaux entraînants et las des chansons vietnamiennes, je suis parti me coucher juste après le départ des Sri-lankaises, qui avaient elles-mêmes emboîté le pas au couple canadien. Les chansons ont cessé quelques minutes après, probablement par manque de public.

La deuxième journée dans la baie d'Halong a été consacrée à se faire trimballer. Après le petit déjeuner, nous avons été séparés en groupes, l'un partait sur l'île de Cat Ba, un autre passait la journée à faire du kayak et nous autres, on nous ramenait sur la terre ferme. Je n'ai même pas pu dire au revoir aux sympathiques retraités canadiens ni aux jolies cousines sri-lankaises, mais pendant que le bateau rentrait à Haiphong, quittant lentement le paysage somptueux de la baie d'Halong, j'ai sympathisé avec le couple de Québécois, Véronique et Sylvain, vraiment très cool. Nous avons discuté pendant un bon moment sur le pont supérieur, rejoints par le père de famille américain d'origine vietnamienne qui voyage avec son épouse thaïlandaise et sa fille, une vraie Californienne, elle (oui je sais, c'est difficile à suivre).

Nous sommes arrivés vers midi au port et on nous a servi à manger dans un établissement qui tenait plus de la cantine que du restaurant gastronomique. Le cadre était assez vilain, le service impersonnel et la nourriture quelconque. Mais c'était l'arrêt obligatoire pour tous les groupes en transit entre la Baie et Hanoï. Puis nous sommes rentrés à la capitale par minibus. Je me suis calé au fond avec les Québécois et on a bavardé pendant les trois heures de trajet. À mi-chemin, c'est la tradition, nous avons fait une halte dans un grand supermarché pour touristes, et le pire, c'est que ça marche, parce qu'à l'aller comme au retour, j'ai acheté un truc. À l'approche d’Hanoï, la circulation se faisait plus dense et la nuit commençait à tomber. Le minibus a entamé un tour des hôtels pour déposer les différents groupes et mes compagnons d'outre-Atlantique sont descendus en premier. Nous nous sommes salués mutuellement dans la précipitation et puis ce fut mon tour de quitter l'autobus. Après un petit moment d’errements et de consultation de carte, j'ai retrouvé le chemin de l'hôtel, où j'ai pris mes aises quelques minutes avant de redescendre pour mettre quelque chose dans mon estomac. Le choix était tout trouvé, car Sylvain m'avait conseillé d'aller au Little Hanoi, qui se trouve à deux pas de mon hôtel. Le resto était complet, enfin quasi-complet, car j'ai accepté de m'asseoir à la même table qu'un Vietnamien qui prenait son repas seul aussi. Comme les tables étaient très serrées, je me suis retrouvé à côté de deux jeunes voyageuses danoises qui venaient d'arriver au Vietnam mais qui étaient en Asie depuis un mois je crois et qui avaient prévu de sillonner la région pendant six mois au total. On a un peu causé, échangé nos impressions et puis, ayant bien mangé, je suis parti me perdre dans les rues du centre-ville, passant par la rue des savetiers, la rue des pierres funéraires, la rue des autels votifs et je ne sais quelles autres rues plus ou moins spécialisées.

Fatigué de devoir constamment éviter les scooters, les énormes voitures, les autres piétons, les vendeuses ambulantes avec leur balancier, les ordures, etc., je suis rentré retrouver les bras de Morphée dans mon hôtel.

vendredi 23 décembre 2011

Le centre du Vietnam: Hoi An, Hué

16 – 19 décembre
(pardon pour les fautes)

Depuis le petit avion qui me ramenait sur le continent, quand les nuages ne les cachaient pas, j'ai pu admirer de haut la forêt dense et le relief accidenté de Phu Quoc, les eaux turquoises du golfe de Thaïlande, le dédale de voies fluviales et les rizières inondées du delta du Mékong et le désordre urbain de Ho Chi Minh Ville. J'aurais voulu dormir dans l'avion, mais le paysage qui défilait au-dessous de nous m'en empêchait, si bien qu'à l'arrivée comme au départ, j'étais dans un état léthargique, peut-être dû aux Daiquiris de la veille, mais peut-être pas.

Mon sac de voyage récupéré, il ne me restait plus qu'à prendre un taxi pour la gare et attendre le train, quelque trois heures plus tard. J'ai suivi le premier rabatteur pour taxis qui m'a accosté mais j'ai regretté dès que je suis monté dans la voiture, parce qu'il me demandait de payer d'avance 500000 dongs, soit environ 15 euros, pour aller à la gare, alors qu'il n'y avait même pas besoin de traverser la ville. J'ai protesté mais il m'a dit que c'était un trajet de 45 minutes (en fait 20 minutes à tout casser). Bref, je me suis fait rouler, et avec mon consentement en plus, mais j'étais trop mou pour trouver une parade. Meh. Je suis en vacances, je peux le permettre, on va dire ça. J'ai mis à profit mon temps d'attente à la gare pour m'acheter un billet de train Hue-Hanoi pour dans quelques jours. On m'a indiqué que la salle des ventes se trouvait à l'étage – alors que j'avais acheté mon billet Saigon-Da Nang en bas – et quand j'ai demandé où retirer un ticket avec un numéro pour patienter, on m'a directement fait passer au guichet le plus proche où l'on parlait anglais. De l'avantage d'être étranger au Vietnam. J'ai même essayé de faire changer mon billet de 19h00 pour un train plus tôt, puisque j'étais là, mais il n'y avait pas de train plus tôt. Mon billet en poche, j'ai passé dix minutes à attendre qu'on veuille bien prendre mon sac en consigne, puis je suis allé faire un tour dans le quartier de la gare. Les étrangers ne devaient pas bien souvent s'éloigner de la gare car les passants et les commerçants me lançait souvent des regards curieux et, de fait je n'ai croisé aucun autre Blanc pendant ma petite promenade. J'ai pu de nouveau apprécier l'hystérie de la circulation à Ho Chi Minh Ville, notamment à un rond point noir de scooters, quasiment bloqué, mais comme le quartier ne présentait que peu d'intérêt, j'ai trouvé un bar un peu sympa afin de m'asseoir et boire un jus d'orange pour tuer le temps. Un peu en retrait de la rue, j'avais un poste d'observation idéal pour guetter les passants et les scooters mais finalement il ne se passait pas grand chose d'intéressant. J'ai acheté auprès d'une dame des gâteaux un peu étouffe-chrétien puis je suis retourné à la gare, où j'ai bu un autre jus de fruits dans un café un peu classe en attendant de devoir récupérer mon sac à la consigne. On m'avait ordonné d'être là à 18h00, soit une heure avant le départ de mon train. J'ai bien essayé de négocier avec la dame au moment de récupérer mon bagage, mais elle n'y entendait rien, et même quand elle a interpellé une jeune cliente qui, de toute évidence, était d'une génération qui devait parler l'anglais, l'échange a été une catastrophe. Personne ne comprenait rien. Pour faciliter les choses à tout le monde, j'ai repris mon sac et en prévision d'un long trajet de train, je suis allé remplir mon ventre dans le troquet d'à côté, où j'ai pris une pho, la soupe traditionnelle. Le service a été rapide, je les en remercie, et ce en dépit d'un feuilleton chinois à l'eau de rose à la télé devant lequel tout le personnel féminin du petit resto (autant dire tout le personnel) restait bloqué bouche bée. C'était assez rigolo à regarder.

Enfin l'heure de monter dans le train était arrivée. J'ai dû montrer mon billet trois fois avant de prendre ma place, mais à chaque fois je le rangeais dans un endroit où il était impossible de le retrouver par la suite. Alors que je cherchais mon billet pour la première fois, une jeune routarde est venue s'adresser à moi pour discuter, voyant que je voyageais seul. C'était une Française qui sillonnait la région depuis un mois et qui comptait rester encore tout autant dans le coin. Une jeune diplômée sans le sou mais visiblement avec une folle envie de voyager. Notre conversation a duré le temps de sa cigarette, car moi je voyageais en compartiment couchette molle avec climatisation et elle sur un siège en dur. Je ne pense pas que c'est par pur masochisme qu'elle fait ça, mais simplement pour économiser son argent (un thème qui est revenu plusieurs fois au cours de notre brève conversation).

Dans le compartiment, j'étais avec un couple de Vietnamien et un touriste étranger. Personne ne s'est parlé. J'ai passé un petit moment à écrire mon journal, puis à lire, et j'ai essayé de m'endormir tôt pour ne pas rater mon arrêt le lendemain. Malheureusement, le sommeil a mis du temps à venir mais j'étais loin de rater Da Nang le lendemain. J'avais calculé une arrivée à 9h00 du matin d'après les temps de parcours donnés par le Routard, or un contrôleur m'a annoncé que l'arrivée à Da Nang était prévue à 11h30. J'étais embêté, ça voulait dire toute une demi-journée de tourisme de perdue. Et puis je n'avais pas grand chose à manger, seulement quelques mandarines récupérées de ma chambre d'hôtel à Phu Quoc. J'ai passé la majeure partie de la matinée à lire, un peu déprimé par le paysage de rizières inondées sous un ciel très bas et même pluvieux à un moment du parcours. A l'heure où le train devait arriver, une dame est passée avec un chariot et je lui ai pris une cuisse de poulet avec du riz. Le tout n'était pas fameux mais au moins je n'aurais pas eu à me soucier de mon estomac criant famine pendant un moment.

Le train est arrivé à midi et à la sortie de la gare, le comité d'accueil des taxis était évidemment au rendez-vous. C'était parfait car j'avais prévu de recourir aux services d'un taxi pour m'emmener dans la ville classée au patrimoine mondial de l'UNESCO de Hoi An, à une demi-heure de Da Nang. J'ai essayé de négocier le prix avec les premiers taxis qui sont venus à moi mais un vieux est arrivé pour me proposer un prix trois fois moins élevé pour un voyage à moto. Comme j'avais un gros sac et que la route me semblait un peu humide, je lui ai dit que je préférais quand même une voiture. Il était marrant, le petit vieux, il parlais assez bien l'anglais et il se prenait pour Dennis Hopper avec sa moto, d'ailleurs baptisée « Easy Rider », comme de nombreuses autres, comme j'ai pu le constater par la suite. Il m'a dit que si je préférais la voiture, il connaissait un type – son frère, son cousin, le beau frère, va savoir – qui pouvait m'emmener pour moins cher que le taxi. C'était parti. Le chauffeur était sympa, même s'il écoutait une compile de slows et de dance des années 1990, finalement ça collait bien avec ma nouvelle coupe de cheveux. Il m'a montré une des curiosité de la région, la « Montagne de marbre », un mont qui se dresse au milieu de la plaine et d'où, comme son nom l'indique, on extrait du marbre. De loin, ça avait l'air assez moche, en tout cas ce qui l'entourait: la route, les magasins, la carrière et tout un tas de trucs qui rendaient le lieu moins prestigieux que son nom ne le laissait entendre.

La voiture m'a déposé à l'hôtel que j'avais repéré dans le guide du Routard. Bien que ce soit un hôtel de milieu de gamme, il fait très classe, il a même une piscine, mais il fait relativement froid pour en profiter. Le vent soufflait, le ciel était gris et si je n'avais pas été en mode touriste, je serai peut-être bien resté dans ma chambre. Après ces heures de train sans me changer, j'étais bien content de prendre une douche, avec de l'eau chaude en plus – la première depuis que je suis arrivé au Vietnam. Il était 15h00 environ quand je me suis lancé à la découverte de Hoi An. Décontenancé par je ne sais quel phénomène, je me suis complètement gouré de sens en pensant me diriger vers le centre-ville et ce n'est qu'après une dizaine de minutes que je m'en suis rendu compte. C'est pas grave, j'ai fait demi-tour et j'ai quand même pu voir de jour et même avec un rayon de soleil les nombreux temples chinois et les jolies rues de Hoi An, avec ses bâtiments anciens, en pierre et en bois, influencés par les styles chinois, japonais et vietnamien, ainsi que le charmant pont japonais qui enjambe une petite rivière. Dans les temples, quelque chose m'a donné l'étrange impression d'être dans une église: la quiétude que confère la solennité des lieux, bien sûr mais aussi en l'occurrence l'odeur, une odeur de bois et de moisi qu'on retrouve aussi dans certaines de nos églises. Le centre de la petite ville est vraiment charmant, les maisons ont du caractère et pour couronner le tout, la circulation des scooters est bien moins importante que dans les autres villes que j'ai vues. Pour couronner le tout, les véhicules à moteurs sont interdits à certaines heures dans quelques rues, ce qui confère une sérénité certaine à ce gros bourg. Mais malgré la relativement faible densité de vélomoteurs, Hoi An est la seule ville où j'ai assisté à des accidents de la route, et même deux, sans gravité, mais attirant son lot de badauds quand même.

Dans une maison ancienne, j'ai pu avoir une visite rapide par un membre de la famille (la maison est toujours habitée) en français. Ça m'a bien fait plaisir. Les touristes sont très nombreux et les vendeurs de rue, contrairement au autres villes que j'ai vues au Vietnam, sont là non pas pour les locaux mais essentiellement pour les touristes. Dans quasiment chaque maison se trouve un magasin pour touristes: peintures, babioles, cartes-postales, mais aussi et surtout, particularité de Hoi An, des tailleurs. Je pensais éventuellement y faire un tour, mais une rabatteuse un peu plus opiniâtre que les autres ou ayant su me cueillir au bon moment a réussi à m'amener dans son atelier. Une fois que j'étais devant le catalogue, je ne pouvais plus arrêter de réfléchir à ce que je pouvais m'acheter. Bref, je crois que ça va me faire environ cinq kilos de vêtements à envoyer en France. On a pris mes mesures mais je n'avais pas d'argent sur moi alors la sœur de la tailleuse m'a emmené sur son scooter à mon hôtel pour que je récupère ma carte de crédit. À la sortie, d'autres vendeuses m'attendaient, pour me vendre des chaussures (n'importe quelle forme), des tongs (n'importe quelle taille), des ceintures, etc. Las de mon shopping, j'ai décliné leurs offres, avec peut-être quand même une pointe de regret.

Je suis allé boire un coup dans un bar fréquenté quasi-uniquement par des Occidentaux en attendant l'heure de manger, ce qui m'a permis de feuilleter mon Routard pour trouver un bon resto. D'après mon guide, ce serait à Hoi An que la cuisine est la plus fine au Vietnam, alors j'ai préféré ne pas prendre une soupe ou quelque chose de rapide dans la rue, mais plutôt faire une expérience plus gastronomique des mets locaux. Le resto qui m'intéressait le plus dans le Routard n'existait plus mais je me suis installé chez celui qui lui a succédé. J'ai pris le plat local – des nouilles avec un peu de porc; bon, mais pas vraiment de quoi casser trois pattes à un canard – et des nêms pour compléter. Après cela je suis retourné un peu au centre pour m'acheter un dessert frit, un beignet de haricots rouges en l'occurrence (j'avais déjà pris de la banane frite et un beignet de haricots blancs dans l'après midi) puis je suis rentré à l'hôtel réserver une place dans le bus pour Hué à 14h00 le lendemain et écrire mon journal.

Le lendemain j'avais rendez-vous à 11h00 pour faire les essayages de ce que j'avais commandés la veille mais c'était sans compter sur une panne de courant généralisée dans toute la ville. Cela posait problème pour les petites mains qui ne pouvaient pas utiliser leurs machines à coudre électrique et devaient concevoir mes vêtements (et ceux des autres, accessoirement) et cela posait problème pour moi directement, car j'arrivais à court de cash et qu'aucun distributeur automatique ne fonctionnait. Il y avait bien quelques générateurs qui avaient été mis en route çà et là, mais seulement dans quelques magasins à touristes. J'ai refait un tour en ville, visité encore une maison avec visite en français, un temple chinois, puis je suis allé à l'atelier pour l'essayage des mes vêtements. Comme je le craignais, rien n'était prêt et on m'a donné rendez-vous à nouveau à 13h00. Comme j'avais fait le tour de la ville déjà quatre fois, j'ai préféré rentrer à l'hôtel, d'abord en pensant poster un billet sur mon blog, mais je me suis rendu compte en arrivant que s'il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait pas d'Internet non plus. J'ai donc fini mon livre, puis je suis allé manger dans un petit resto de rue recommandé par le Routard, sans menu, on nous apporte de quoi rouler des brochettes et des nêms dans une galette de riz avec de la salade. Le personnel est très sympa. Il y a une autre raison qui fait que j'apprécie cette ville, c'est qu'on ne m'a jamais autant dit que j'étais beau garçon. Les femmes d'ici sont particulièrement flatteuses. Je prends quand même. Après le repas, j'ai filé de nouveau à l'atelier. Certains articles étaient prêts mais nécessitaient quelques retouches. On m'a fait attendre encore une quinzaine de minutes pour les vestes de costume, alors que j'avais un bus à prendre moins d'une demi-heure plus tard. Quant aux pantalons de costume, je ne les ai même pas essayés. Et évidemment je n'ai pas pu réessayer les articles retouchés et je n'ai plus qu'à faire confiance qu'ils vont bel et bien m'envoyer ce paquet de fringues. On m'a ramené à moto sans casque à l'hôtel pour que je ne manque pas de bus et même si je suis arrivé avant l'heure qu'on m'avait indiquée, on m'a fait remarquer que le bus m'attendait depuis 13h30.

C'était probablement le bus le plus inconfortable que j'aie jamais pris. Les rangées de sièges étaient tellement serrées les unes derrières les autres qu'il n'y avait pas de place pour les jambes même en s'asseyant très droit. J'ai pris la place juste derrière le chauffeur, où il y avait un bon mètre pour allonger les jambes, mais avec un sol un peu relevé, ce qui n'était pas optimal, mais un moindre mal quand même. Je me suis endormi tout de suite après la sortie de Hoi An et je me suis réveillé une petite demi-heure plus tard à l'arrivée dans Da Nang, où le bus a déposé et pris des gens en chemin. Tout au long du parcours, qui a franchi plusieurs cols sur des routes en bien piteux état, les gens sont montés et descendus du bus. Le temps était maussade, très pluvieux, vraiment déprimant.

Nous sommes arrivés à Hué à la tombée de la nuit. Je n'avais pas réservé d'hôtel et un type est monté dans le bus pour proposer aux voyageurs de descendre dans le sien. Alors je l'ai suivi, ça ou un autre... en plus il était dans le Routard alors... J'ai posé mes affaires dans ma chambre, me suis occupé un peu de mon blog, puis je me suis changé, assez content de porter un jean et des chaussures, car il fait frais et humide ici, et je suis parti manger dans un restaurant près de la citadelle impériale, une fois de plus recommandé par le Routard. En chemin, des motards m'ont proposé de m'emmener où je voulais, comme d'habitude et un m'a proposé d'autres services pas dignes d'un gentleman comme moi. Au resto, qui servait une spécialité locale au début assez bonne mais assez grasse par rapport à ce qu'on a l'habitude de manger ici, un autre motard m'a tenu la jambe pour que je parte à moto avec lui visiter les sites aux alentours de Hué. Il a bien insisté, m'a montré des témoignages d'anciens clients extrêmement satisfaits, ce qui m'a effectivement rassuré et encouragé, mais il pleut tout le temps dans cette ville et je ne me sentais pas d'être trempé toute la journée et de monter à moto sous la pluie.

Je suis parti ensuite me balader dans la citadelle, qui ne présente pas d'intérêt la nuit, car aucun monument n'est éclairé et beaucoup de rues sont mornes, près des parcs. Je veux bien croire que de jour c'est magnifique, mais la nuit, il n'y a rien à faire à l'intérieur de la citadelle de Hué. D'ailleurs je n'ai croisé aucun autre touriste, qui doivent tous être dans la ville moderne en train de manger et boire des coups. Fort de ce constat, je m'en suis rentré à l'hôtel et alors que j'allais tourner dans ma rue en manquant me prendre les pieds dans une racine, qui vois-je au coin qui me dit de ne pas tomber? La Française de la gare de Saïgon. Elle ne m'avait pas reconnu tout de suite, en fait, mais moi oui, et je l'ai saluée avec plaisir. On a discuté un moment, j'ai appris qu'elle s'appelait Angie et qu'elle avait rencontré un groupe de Français avec qui elle partait à Hoi An le lendemain. Je suis allé saluer sa bande puis je suis rentré me terrer dans ma chambre pour tenir mon journal à jour tout en regardant James Bond et un autre film, un genre de western fantastique.

L'attraction principale de Hué, c'est sa cité impériale, au cœur de la citadelle, et je pensais que j'aurais largement le temps de la visiter en une journée et même d'aller voir d'autres sites aux alentours de la citadelle, c'est pourquoi je me suis accordé une matinée de repos. Sauf que dans ce pays, et surtout dans cet hôtel, c'est trop demandé d'avoir un peu de calme. Dès 7h30, des gens ont commencé à taper je ne sais quoi contre les murs, à déplacer des meubles lourds au-dessus de moi (ça m'a rappelé chez moi) et à gueuler dans la cage d'escaliers. Il faisait très froid le matin dans ma chambre quand je me suis réveillé et j'ai mis ça sur le compte du climat pluvieux de Hué. J'ai pris une douche bien chaude, je me suis habillé en pantacourt et chaussures fermées en prévision de la fraîcheur et de la pluie et je suis sorti dans la ruelle prendre le petit déjeuner en face, chez « Coffee on Thu wheels », une agence qui propose des tours à moto comme on m'a proposé la veille. J'ai absorbé mon omelette, mon thé et mon jus d'orange en lisant les commentaires laissés à même les murs et le plafond par les touristes de tous les pays qui ont eu recours aux services dudit Thu. Un couple de Français (très reconnaissables à l'accent) sont même partis à moto avec leurs deux enfants en bas âge.

Il s'avère que j'ai eu une chance de cocu (ça va, je risque rien) avec le temps. Il est resté au beau fixe toute la journée, me faisant presque regretter de ne pas avoir accepté l'offre du motard de la veille, me faisant un peu regretter d'avoir pris ma veste et me faisant vraiment regretter de ne pas avoir pris mes lunettes de soleil. C'est donc dans ces conditions que j'ai pénétré dans l'enceinte de la cité impériale, inscrite au patrimoine mondiale de l'UNESCO, grandement endommagée pendant les guerres qu'a connues le Vietnam au 20e siècle mais dont certains bâtiments ont été rénovés. Cette cité à été construite au 19e siècle pour la dernière dynastie qui a régné (avec l'accord des Français) sur le Vietnam, jusque dans les années 1940 et l'arrivée du pouvoir révolutionnaire.


Si j'avais été fort déçu de ma promenade nocturne de la veille dans la citadelle autour de la cité impériale, je dois dire que le sentiment de déception a fait place à un grand émerveillement et un immense respect pour ce que j'ai pu voir de jour à l'intérieur de la cité impériale. Je ne pourrais pas décrire ce que j'ai vu – je ne suis pas un spécialiste de l'architecture – mais pour résumer, tous les édifices, que ce soient ceux qui ont survécu aux conflits, ceux qui ont été rénovés ou même ceux qui sont encore en ruines sont d'une grande recherche architecturale et très élégants. En ce qui concerne les constructions qui ont été complètement rasées, là je ne pourrais bien sûr pas en dire autant mais disons que ce qui tient encore plus ou moins debout vaut vraiment le coup d’œil. La plupart des bâtiments sont de style asiatique, avec des toits recourbés, beaucoup de laques, des tons rouges et verts, des dragons, et tout ce que l'art de cette région sait faire de plus beau et de plus fin. Malgré toutes les destructions il reste beaucoup de choses à voir – des palais pour l'empereur, ses concubines, sa mère, etc., des temples dédiés aux ancêtres, des lieux de divertissement, comme un théâtre, des salles de réunion et tout un tas de passages couverts et sûrement d'autres choses dont je n'ai pas jugé utile de retenir la destination – et j'ai bien dû passer trois heures à arpenter ce vaste ensemble, faisant à peine quelques pauses pour consulter ce que le guide du Routard avait à en dire.

Vers 14h00, quand j'ai estimé avoir fait le tour, je suis sorti pour aller calmer mon ventre qui commençait à crier famine. Je suis allé trouver un resto recommandé par le Routard (je fais beaucoup ça en ce moment, il va falloir que je renoue avec mes expériences culinaires « populaire »), à l'intérieur de la citadelle mais assez loin à pied (il faut dire que la ville est assez étendue, y compris la citadelle). Le resto était assez classe mais à prix raisonnables, la nourriture correcte mais sans plus. J'ai pris un menu avec cinq plats: des nêms, une soupe de légumes, une crêpe de Hué comme j'avais pris la veille (mais ici on la consommait différemment, de façon plus simple), une salade de figues (pas trouvé les figues, mais la façon de manger était marrante, il fallait mettre la « salade » dans une chips épaisse comme on trouve en apéro dans les restos asiatiques, et comme je rajoutais de la sauce par dessus, ça crépitait dans la chips), du riz et du bœuf. J'admets qu'ils soignaient à fond la présentation, mais les plats étaient pour la plupart fades; seul le bœuf, très parfumé, sortait un peu du lot. Des Français que j'avais croisés dans la cité impériale se sont installés à la table à côté avec leur petite fille. On a parlé un petit peu, j'ai commenté de façon flatteuse mon repas (comme j'avais mangé avant eux) et déploré avec eux qu'il n'y ait pas eu d'éléphants pour la petite dans la cité impériale.

Il me restait assez de temps pour aller voir le grand marché, qui était plus ou moins sur le chemin de l'hôtel et qui était le seul autre truc qui m'intéressait de voir, même si des marchés, j'en ai vu déjà pas mal depuis que je suis arrivé à Vietnam. J'allais d'un pas déterminé en direction du marché en faisant de mon mieux pour éviter les obstacles postés sur mon chemin sur le trottoir et la circulation dans la rue quand un petit vieux m'a dépassé à vélo en me criant « Bonjour, vous êtes Français? ». J'ai répondu que oui et il a poursuivi son chemin. Mais il m'attendait au tournant (littéralement) et m'a invité, dans un français intelligible, à venir chez lui boire un coup, à quelques mètres de là où nous nous trouvions. Ma première réaction a été de décliner son invitation mais après tout, c'était une occasion d'aller chez quelqu'un du cru et de voir comment il vit alors bon, j'ai accepté. Naïf que j'étais, je n'avais pas pensé que son chez lui, c'était en fait un petit bar où l'on m'a effectivement servi à boire et des gâteaux. Ceci dit, c'était assez amusant de l'entendre parler français, qu'il avait appris dans les écoles de la République pendant l'occupation française. Il m'a beaucoup parlé de son frère qui vit à Lyon et qui est une espèce de surhomme qui a fait des études de chimie, a été prof à l'université, puis qui s'est reconverti en professeur de kung-fu.

Mon Coca consommé, j'ai pris congé de lui et sa femme (non sans avoir oublié de régler la note, bien entendu) puis je suis rentré récupérer mes affaires à l'hôtel en prenant quelques détours par des petites ruelles, et j'ai même eu le loisir d'observer une partie de pétanque entre locaux. Probablement un héritage de la présence coloniale française dans cette région du monde. J'ai voulu aussi me poster à un carrefour pour prendre des photos de gens, mais le résultat est peu convaincant. À l'hôtel, on m'a servi un petit thé le temps que je suis resté assis en attendant l'heure de partir, puis j'ai passé mon sac sur les épaules et je me suis mis en marche vers la gare. Vingt minutes à pied, m'avait-on dit. C'était un peu plus, mais c'est pas grave, j'étais loin d'être en retard et de toute façon le train, lui, en avait, du retard. Quasiment une heure. J'ai patienté, détendu, après m'être vaguement préparé pour être plus en mode train (accessoires et vêtements stratégiques à portée de main, tongs à la place des chaussures pour pouvoir monter plus facilement sur le lit en hauteur). Enfin on nous a annoncé l'arrivée du train et on nous a laissé l'attendre sur le quai. Le train est arrivé une vingtaine de minutes plus tard (j'ai filmé l'arrivée du train en gare de Hué, qui me paraît assez intéressante) et je me suis installé dans un compartiment déjà occupé par un Vietnamien taciturne et la plupart du temps ailleurs, vite rejoint par un petit couple de Néozélandais qui voyagent en groupe. M'ont pas l'air bien dégourdis ces deux Kiwis... Maintenant j'attends le prochain arrêt – si le train conserve son retard, il devrait faire halte dans une heure, vers 21h00, en espérant que des vendeurs vont monter pour proposer des trucs à manger parce que malgré mon repas complet de ce midi, je commence à avoir faim. Sur le quai de la gare, j'ai hésité à m'acheter des nouilles instantanées, mais finalement je ne les avais pas jugées dignes de ma curiosité culinaire.

Bon alors finalement des gens sont passés vendre à manger bien avant l'arrêt prévu, mais c'était loin d'être bien folichon. Du riz tiède avec un genre de calamar séché par-dessus et deux œufs durs. J'ai pris aussi une bière. Tiède. Une Heineken en plus. Dégueulasse. Le Néozélandais m'a un peu adressé la parole pendant que je mangeais, demandant d'où je venais. Il m'a dit qu'il ne voulait pas toucher cette nourriture. Lui et sa copine ils ont pas du tout l'air à l'aise à voyager dans des pays plus pauvres que chez eux. Je veux dire, ils passent leur temps à se passer du désinfectant sur les mains et il ne mange que des pizzas parce qu'il a peur de tomber malade... c'est triste. À mon humble avis, il a moins de chance de tomber malade en mangeant un œuf cuit dur qu'en mangeant une pizza dont il ne sait rien de la préparation. Ceci dit, je ne recommande vraiment pas la Heineken tiède. Je crois bien que ce produit hollandais m'a rendu malade.

dimanche 18 décembre 2011

Phú Quốc

14-16 décembre

En rentrant le soir à l'hôtel, j'avais pris soin de demander à la réceptionniste à quelle heure était mon transfert pour aller au bateau. Elle m'a répondu catégoriquement que c'était à 7h00 et j'ai dit: « Ah, alors il faut que je descende faire le check-out et prendre le petit déjeuner à 6h30. » Elle a approuvé de la tête. Ok, bon, je commence à avoir l'habitude de me lever tôt, c'est pas un problème. Le hic, c'est que je suis descendu à 6h30, que j'ai pris le petit déjeuner à la carte, qu'il n'était pas compris et que j'ai attendu jusqu'à 7h30 le transfert jusqu'à l'embarcadère. Le transfert n'est jamais venu. Je suis assez sûr qu'il était compris dans le prix du billet de bateau mais quand je lui ai demandé si le transfert allait bientôt arriver, la réceptionniste – la même qui m'avait dit de me tenir prêt à 7h00 – m'a répondu « ah ben non, on fait pas ça nous ». Hmm, bon, ben appelez-moi un taxi alors. Il fallait quand même que je le prenne, ce bateau. Heureusement, le taxi est arrivé dans la minute et n'a pas eu trop de mal à se frayer un chemin parmi la nuée de deux-roues. Et ça ma coûté moitié moins cher que le moto-taxi de la veille de la gare routière à l'hôtel.

Dans le bateau, on m'a installé à côté de deux Autrichiennes plutôt sympas. Elles avaient voyagé pendant deux semaines dans le sud du Vietnam et terminaient leur petite tournée par cinq jours de détente sur Phu Quoc. L'une, Maria, était peu bavarde et l'autre, Alex, très sociable mais vers le milieu du voyage, plus personne ne parlait, tout le monde cherchait à se concentrer, à penser à autre chose qu'au bateau et à son tangage. La mer n'était pas particulièrement agitée mais plus d'un a eu le mal de mer à cause des remous. Maria a bien failli laisser son petit déjeuner dans un sac mais tout le monde a résisté. Tout le monde était bien content d'arriver sur la terre ferme mais il fallait encore traverser toute l'île en minibus, car les installations touristiques se trouvent essentiellement sur l'autre côte. Après une brève pause pour nous remettre de nos émotions, nous sommes montés dans un minibus avec deux Français et deux Vietnamiennes (qui travaillaient pour une agence de voyage à Hanoi et qui m'ont donné leur adresse pour quand je voudrai réserver une excursion dans la baie d'Halong) et nous avons parcouru les quelques kilomètres de piste jusqu'au bourg de Duong Gong, la « capitale » de l'île. Je n'avais réservé aucun hôtel alors je pensais trouver quelque chose sur place recommandé par le guide du Routard mais comme les deux Français et les deux Autrichiennes descendaient dans le même hôtel, je me suis dit que je pouvais bien tenter celui-là aussi. Il restait un bungalow surplombant la plage à un prix raisonnable, alors je me suis laissé tenter par un peu de confort.

Une fois installé, je suis tout de suite allé traverser la plage de sable fin pour piquer une tête dans les eaux claires du golfe de Thaïlande. L'eau est bonne, ni trop chaude, ni trop froide et la mer est très calme. Pas une vague pour pallier l'ennui. Ceci fait, je me suis mis en route pour aller visiter le village de Duong Gong, à trois ou quatre kilomètres de l'hôtel. Le parcours n'est pas particulièrement sympa, le long d'une grande avenue, mais cela ne valait pas la peine de se faire transporter en moto ou autrement. Il était aux alentours de midi et le soleil tapait fort. De l'autre côté de la rue, j'ai avisé un petit magasin qui vendait des chapeaux et je me suis dit qu'il serait prudent de prévenir l'insolation. Dans le magasin, on proposait des chapeaux coniques mais je me vois mal porter ça en rentrant en France, ceci dit j'ai trouvé un joli chapeau de paille à bords longs, vraiment cool, mais pas pratique du tout à transporter. Non seulement je vais avoir des problème à le ramener chez moi sans le casser, parce qu'il est fragile mais en plus il est très volumineux. Avec ses bords larges, mon beau chapeau offre une superbe prise au vent et comme une brise soufflait ce jour-là sur l'île, je devais constamment poser ma main sur ma tête pour retenir le chapeau. J'ai donc fait ma petite marche jusqu'au village, qui est très pittoresque. Dans le port, des bateaux d'un vert très beau sont accostés et les nombreux cyclomoteurs rejoignent le marché de l'autre côté de la rivière en empruntant un pont bringuebalant et, bien sûr, sans parapet. De l'autre côté du pont se trouve donc un grand marché, très vivant et très coloré. On y trouve des fruits, la pêche du jour, des poules, des épices, des trucs indéfinissables. Après avoir traversé le marché je suis rentré dans les petites ruelles pour quitter le brouhaha commercial et voir un peu comment vivent les gens. J'ai bien failli m'y perdre, dans ce dédale, mais j'ai retrouvé la rue principale et il était temps que je trouve quelque chose à manger. Étonnamment, on ne trouve pas beaucoup de vendeurs de rue au centre du bourg, mais je voulais quelque chose de différent cette fois. Près du bord de mer, j'ai trouvé un vrai restaurant qui avait l'air tranquille et fréquenté aussi bien par les touristes que par les locaux. D'avoir marché aussi longtemps sous le soleil, j'avais très soif et j'ai commandé pour me désaltérer un jus de pomelo qui était succulent. J'avais aussi très envie de poisson et j'ai pris je ne sais quel poisson grillé qui était vraiment excellent. Bref, j'étais bien content de ma petite pause. Je suis reparti me balader à la découverte du village. Je suis rentré dans un temple dont je n'ai pas pu déterminer la religion, mais je n'aime pas trop le décorum de ces pagodes avec leurs couleurs criardes. Elles font un peu faux. À côté d'un petit temple situé au sommet d'un rocher se dressait un joli petit phare mais depuis le sommet du rocher on avait une superbe vue sur le village.

Je commençais à me lasser de marcher alors j'ai pris le chemin du retour, en faisant tout de même un dernier arrêt dans une cahute au bord de la route. Les gens qui se trouvaient à l'extérieur m'ont salué en anglais et m'ont demandé d'où je venais. J'ai répondu que je venais de France et, soulevant mon chapeau non seulement pour montrer de façon un peu désuète mon respect mais surtout pour découvrir ma tignasse de trois mois, dont je ne savais plus que faire j'ai dit que j'avais besoin qu'on s'occupe de mes cheveux. Ce qui fut fait dans ladite cahute, un salon de coiffure, donc. En plus du coiffeur, il y avait aussi une coiffeuse et un client qui me regardaient comme une attraction. On m'a également taillé la barbe. Je ne vais plus pouvoir faire croire aux gens que je rencontre que je suis sur les routes avec mon sac à dos depuis trois mois. Bref, le mec m'a fait une coupe des années 1990. Ça fera l'affaire pour le moment.

Dès que je suis rentré à l'hôtel, j'ai plongé dans l'eau, histoire d'enlever tous les petits cheveux perdus sur mon visage au cours de la tonte. Après une journée à cuire au soleil, j'ai trouvé l'eau beaucoup plus fraîche. Je me suis rincé dans ma chambre et je suis allé à la réception réserver un massage. J'ai commandé le massage vietnamien, je ne sais plus quelles vertus il a, mais je crois qu'il m'a fait du bien au final, c'est le principal. Pas sur le moment je dois dire: elle m'a parfois fait très mal, la masseuse. Détendu, je suis descendu au restaurant au bord de la plage où je me suis installé avec les deux Autrichiennes. Je les ai regardé manger en prenant l'apéro, parce que j'avais déjeuné tard, mais l'odeur du barbecue parvenant jusqu'à moi, j'ai été tenté par du poulpe grillé accompagné de riz sauté aux légumes. Après ça, on a continué à discuter avec Alex et Maria, en buvant des coups, puis nous nous sommes séparés vers 23h00. Elles sont allées se coucher et moi je suis allé à la réception, où la connexion internet est bonne, m'occuper de mon blog. À un moment, j'ai entendu des coups au-dessus de moi: c'était la pluie qui commençait à tomber. Une grosse averse est tombée pendant un quart d'heure environ, puis ça s'est calmé. J'ai pu rentrer à mon bungalow au sec.

Alors que je dormais paisiblement sous ma moustiquaire, bercé par le flux et le reflux des vagues à une centaine de mètres de moi, on a frappé à ma porte. Il était 8h45. Qui donc venait troubler mon sommeil à une heure aussi matinale en vacances? Les femmes de ménage. J'ai trouvé que c'était vraiment tôt pour passer dans les chambres alors je leur ai dit de revenir plus tard. Mais le mal était fait, j'étais réveillé, alors je suis allé plonger dans la mer quelques minutes. Les femmes de ménage n'ont pas perdu de temps et ont investi ma chambre en mon absence, mais comme je ne m'étais baigné que quelques minutes, j'ai dû attendre qu'elles finissent de tout mettre en ordre à mon retour. Rincé, je suis allé prendre le petit déjeuner. J'ai commandé une crêpe à la banane et on m'a amené une omelette au lard. Hmm. Bon, tant pis, c'est aussi bien. N'empêche qu'alors que je m'apprêtais à partir, on m'a amené ma crêpe à la banane.

Après cette copieuse collation matinale, j'ai loué un scooter pour aller à la découverte de coins plus reculés sur l'île. Je n'ai pas l'habitude de conduire des deux-roues, donc j'ai eu un peu de mal au début à me faire au maniement de l'engin, mais une fois lancé, c'est très cool. Après avoir fait le plein, j'ai traversé le bourg, le pont branlant, le marché saturé et je me suis lancé direction nord. Sauf que je n'étais pas sur la bonne route. Une fille m'a pédalé après pour me dire que le chemin que je venais d'emprunter ne menait nulle part. J'ai trouvé la bonne route et cette fois c'était parti. Quelques kilomètres tout d'abord sur une large route goudronnée, puis sur des pistes de terre rouge en très bon état. Les routes sont assez sinueuses et vallonnées, très sympas, et puis on longe de longues plages désertes, on traverse des village qui semblent ne pas avoir bougé depuis, eh bien depuis au moins l'invention de la plaque de tôle. Certains villages un peu éloignés de la route semblent endormis au bord de l'eau et sous les palmiers. On a l'impression d'avoir remonté le temps. Arrivé tout au nord de l'île, j'ai continué la piste sur une vingtaine de kilomètres jusqu'à un village balafré par une route à quatre voies en construction. Le village n'était en fait qu'une rangée de maisons de fortune, mais il y avait là un petit troquet et j'avais faim, alors j'ai fait halte. Je me suis donc arrêté manger dans ce qui devait être l'équivalent local du PMU, où quelques ivrognes se réunissent toute la journée, un pépé édenté est venu vers moi en me tendant une canette de bière, insistant pour que je la prenne. J'ai dû faire la moue en disant que je n'aimais pas la bière pour me tirer de cette situation, parce que je n'avais aucune envie de boire une bière par cette chaleur et alors que je reprenais le guidon plus tard. D'autres types, pensant que je n'avais pas compris ce que voulait le pépé, sont venus vers moi avec une canette de bière qu'ils ont ouverte devant moi. Bon, c'était bien gentil mais j'en voulais vraiment pas. Toujours est-il que j'ai demandé ce qu'il y avait au menu et la fille m'a dit soupe avec fruits de mer. J'ai eu une soupe avec du porc et un genre de jambon. C'est peut-être moi qui avais mal compris. Ceci dit, deux Australiens sont arrivés un peu après moi et étaient tout aussi réjouis que moi de commander la soupe aux fruits de mer, et encore plus déçus que moi en trouvant de la viande dedans.

Je suis reparti vers Duong Gong en empruntant la quatre voies directe, dont seulement deux voies sont généralement praticables, et par intermittence, car elle est en construction, ce qui m'a valu quelques frayeurs en faisant des pointes de vitesse avec mon engin, m'apercevant seulement de justesse que la section asphaltée se termine. J'avais prévu aussi de m'arrêter un moment sur une plage mais finalement j'ai préféré rentrer. J'ai visité un cimetière, peut-être d'anciens combattants, j'ai encore visité un ou deux villages de pêcheurs très pittoresques que j'avais loupé en chemin le matin, puis je suis rentré rendre le scooter à l'hôtel.

Je me suis baigné un petit moment puis après le rinçage, je suis descendu à la plage où je me suis de nouveau joint aux Autrichiennes. J'ai pris des nêms, des crevettes grillées, des saint-jacques grillées et du poisson grillé. Un repas vraiment très bon. Puis nous avons poursuivi la soirée en buvant des cocktails, forcés de continuer à en boire car la pluie battante qui s'était mise à tomber nous empêchait de rentrer chez nous, évidemment.

Le lendemain, pour mes dernières heures à Phu Quoc avant de reprendre l'avion pour Ho Chi Minh Ville, je craignais d'être à nouveau réveillé par le personnel de chambre, mais elles ne se sont pas manifestées avant que je sorte de la chambre. J'ai vu qu'elles étaient à côté et j'ai lu un peu un livre en attendant qu'elles arrivent et quand elles étaient là je suis parti me baigner, espérant qu'elles seraient parties à mon retour. En effet, elles étaient parties après ma longue baignade, mais elles n'ont même pas fait la chambre. Surement parce que je pouvais la garder jusqu'à 11h30 et qu'il n'aurait pas été judicieux de faire la chambre avant mon départ définitif. L'heure fatidique venue, je suis allé payer puis, comme mon vol ne partait pas avant 14h20, je suis resté à la réception pour écrire mon journal, je suis allé trouver quelque chose à manger dans un petit resto pas loin, puis enfin on m'a emmené au petit aéroport de Duong Gong, où j'ai cédé à la fatigue qui me poursuivait depuis le matin. Dans le petit avion qui me ramenait vers Saïgon, un promoteur australien m'a parlé du nouvel aéroport qui se construisait sur l'île pour accueillir des charters de Bangkok et de Hong Kong, des projets de développement, notamment celui d'un casino dans le nord de l'île (d'où la quatre voies) ce qui m'a amené à lui dire que j'étais bien content d'avoir pu voir ce petit bout de paradis encore un peu préservé avant que cela ne devienne un enfer touristique. On ne peut pas empêcher les gens de vouloir accéder à un développement le plus rapidement possible, mais je crains que ce développement ne profite surtout aux promoteurs, à des gens qui veulent faire de l'argent, aux dépens de la qualité de vie des insulaires. S'ils savaient et s'ils avaient le temps d'envisager leur développement à long terme, ils pourraient miser sur un tourisme de qualité, avec un environnement préservé, loin des horreurs du tourisme de masse que l'avenir semble réserver à Phu Quoc.