dimanche 31 mai 2009

Waaaah !

Jour 14: Cody, WY – Mammoth Hot Springs, Parc national de Yellowstone, WY

Kilomètres parcourus: 207

Lorsqu'ils ont raconté ce qu'ils avaient vu dans la région de Yellowstone, les deux premier explorateurs européens successifs de la zone auraient été accueillis avec scepticisme, tant ce qu'ils disaient devait ressembler à un genre d'hallucination. Moi même j'ai cru halluciner aujourd'hui. Le parc de Yellowstone et à la hauteur de sa réputation.

L'arrivée n'est pourtant pas des plus impressionnantes. Après avoir payé un droit de séjour de 25 dollars à l'entrée est, on suit une route sinueuse bordée d'arbres qui semblent morts ou brûlés. Et puis soudain apparaît le lac de Yellowstone, et au loin, des montagnes enneigées. On descend petit à petit au niveau du lac, que l'on longe sur quelques kilomètres. Le paysage est très beau, s'il n'y avait pas tous les autres touristes, on pourrait communier avec la nature. Nous sommes en montagne et les températures sont fraîches, si bien que certaines parties du lac sont encore gelées. De nombreux points ont été prévus le long de la route pour s'arrêter et prendre des photos, et je n'ai pas manqué de le faire. J'ai roulé comme ça quelques kilomètres, m'arrêtant brièvement de temps à autres pour tenter de prendre de belles photos, et à un moment, j'ai remarqué que des fumerolles se dégageaient du bord du lac. Ca y est, ça commençait. Les bords du lac étaient un peu rouge, témoignant d'une importante activité des bactéries vivant dans les milieux chauds. Quelques minutes plus tard, sur le bord de la route paissaient paisiblement des bisons, ignorant royalement les voitures qui défilent et les gens qui les prennent en photo.

Mes arrêts étaient très courts, le temps de prendre une photo, car j'avais un rendez-vous téléphonique avec Julie à midi, or j'avais sous-estimé les temps de parcours à l'intérieur du parc. J'ai donc poursuivi ma route pour tenter d'être à l'hôtel, à l'autre bout du parc, environ une heure plus tard. Malheureusement, à midi, je n'étais qu'à mi-chemin de l'hôtel et c'est dans la zone du Canyon que j'ai passé mon coup de fil. Dans un premier temps, je n'ai pas vraiment exploré la zone, pressé que j'étais, mais j'avais tout de même fait un arrêt pour aller voir la vue sur les chutes supérieures. Les choses sérieuses commençaient: j'étais à quelques mètres d'impressionnantes chutes d'eau qui se déversait à une vitesse vertigineuse en contrebas, dans un fracas assourdissant.

Je suis arrivé à Mammoth Hot Springs, mon « village », vers 13h00. Au départ, il s'agissait d'un campement militaire, et il reste les maisons des officiers, mais les structures d'accueil sont plus récentes, quoique assez vieilles tout de même, parce que cela ressemble à un complexe hôtelier un peu luxueux des années 20. Une forte odeur d'urine accueille le voyageur venu s'annoncer à la réception. C'est une jeune Allemande qui s'est occupée de ma réservation à la réception. Apparmment, elle va étudier en Floride à la rentrée et en attendant, comme elle voulait visiter Yellowstone, elle s'est trouvée un job ici. C'est sûrement une solution tout bénef pour elle et certainement moins onéreuse, car je paye 75 dollars la nuit pour une chambre dans une cabine sans toilettes, sans douche et sans petit déjeuner, et ça, c'est le moins cher que j'ai trouvé dans tout le parc. Les conditions de confort ne me dérangent pas plus que ça, mais le prix ne correspond pas du tout aux prestations. Il n'y a même pas le wi-fi, mais ça, je crois que c'est parce qu'il n'y a pas Internet dans tout le parc. Enfin, je suppose qu'on paye la situation, encore que Mammoth Spring n'est pas un village très central dans le parc.

Pour aller sur Internet et tenter de parler avec Julie, j'ai dû ressortir du parc par le nord et aller dans le village tout proche de Gardiner, qui est en fait une rangée de commerces disposés à la façon western. Un magasin de souvenirs affichait « Internet » et c'est là que je me suis rendu pour me connecter. Il fallait quand même payer 10 cents la minute, mais comme j'avais oublié qu'il fallait avoir un crédit pour pouvoir utiliser Skype comme téléphone, mon temps sur le Web a été très court. J'ai réussi à appeler Julie avec mon portable (aucun réseau ne passe dans le parc) et j'ignore à quelle point cette conversation va me ruiner.

Depuis mon petit déjeuner au Super 8 de ce matin, il s'était écoulé au moins cinq heures, et j'ai donc profité d'être en dehors du parc devant une offre relativement diversifiée de restaurants pour trouver à manger pour pas trop cher. Je suis en fait rentré dans le premier bar et je me suis assis sur une terrasse très agréable. La serveuse est venue vers moi et m'a demandé avec un accent de l'est (de l'Europe) ce que je voulais boire. A défaut de lui répondre, je lui ai demandé d'où elle venait. Elle avait l'air ennuyée, mais elle m'a répondu qu'elle venait de Russie. J'ai alors commencé à lui parler en russe et elle a eu l'air très étonnée, mais pas autant que quand je lui ai dit que j'étais Français. J'adore faire cet effet-là. Il semble qu'elle est arrivée dans ce trou paumé par un programme d'échange pour travailler un peu et visiter les Etats-Unis. J'ai commandé une salade pour rééquilibrer la pizza d'hier soir, j'ai regardé mon Lonely Planet et demandé conseil à la joyeuse patronne pour savoir ce qu'il y a à faire dans le parc, j'ai pris deux-trois photos du village et je suis remonté à Mammoth Hot Springs.

Le village a été construit juste à côté de sources chaudes (d'où son nom, en revanche, je ne sais pas où se trouve le mammouth). En gros, sous le parc a lieu une intense activité géodésique, qui crée des phénomènes géologiques variés dans toute la région. Les sources d'eau chaude en sont un exemple. Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne, mais le résultat que j'ai vu est magnifique: de l'eau chaude sort d'une colline, qui est constituée en terrasse et présente des formes vraiment particulières. Ma description est nulle, il vaut mieux le voir. L'eau chaude – l'eau est vraiment chaude, je l'ai touchée pour en avoir le cœur net – attire les bactéries thermophiles, ce qui confère aux terrasses des couleurs rouges, jaunes et vertes. Un festival. Ajouté à cela la beauté du paysage aux alentours, et ça suffit pour que je sois tout exalté. Des chemins de bois ont été prévus pour monter au sommet des terrasses, afin que les gens ne marchent pas n'importe où, car cela peut être dangereux. En redescendant, j'ai entendu au loin une femme pousser un cri et je voyais que plusieurs personnes regardaient quelque chose à côté du chemin. Je pensais qu'elle avait laissé échapper quelque chose qu'elle ne pouvait pas récupérer car c'était tombé en dehors du chemin, mais une fois arrivé à cet endroit, j'ai vu qu'il y avait un splendide serpent jaune, un bullsnake (serpent-taupe de San Diego) qui se déplaçait en tentant d'échapper aux regards des curieux.

Ce n'est pas le seul animal qu'il m'a été donné d'observer depuis que je suis arrivé dans le parc. J'ai déjà parlé des bisons, qui sont omniprésents dans les zones de prairies, absolument pas perturbés par les voitures, se tenant parfois juste à côté de la route avec leurs petits. Ils ont l'air paisibles comme ça, avec leurs airs d'inoffensives vaches bodybuildées (le bison est à la vache ce que la nageuse Est-Allemande est à la femme), mais on nous recommande régulièrement de ne pas s'en approcher, car ils peuvent être dangereux. Juste à côté de ma cabine, j'ai vu des wapitis brouter l'herbe qu'ils trouvaient. Là aussi, j'ai été étonné que ces bêtes-là n'avaient pas du tout peur des gens. Non mais elle se rendent pas compte, c'est dangereux! C'est de dingues les gens ici, ils ont des flingues et tout. Inconscients animaux. Tout autour des maisons, on voit aussi de petites bestioles toutes mignonnes qui se dressent sur leurs pattes et observent les passants d'un air méfiant. Ce sont des « ground squirrels », il faut que je vérifie ça pour le français. Et dans la forêt, on aperçoit aussi des animaux qui leurs ressemblent, mais je crois que c'en est d'autres, des « chipmonks ». D'après le bruit qu'ils font, ce sont les mêmes animaux que Tic et Tac. On en voit pas mal qui se postent sur un tronc couché, lancent de petits cris et, quand on s'apprête à les prendre en photos, vont se cacher en se marrant pour bien te narguer. Malheureusement, je n'ai pas vu de loups, ni surtout d'ours. J'adorerais voir un ours, mais je crois qu'il faut s'armer de patience et de jumelles, or je ne dispose ni de l'une, ni de l'autre pour l'instant. Dans l'idéal, un ours traverserait la route juste devant moi et s'arrêterait à quelques mètres, intrigué, suffisamment longtemps pour que je puisse le prendre en photo correctement. Dans le pire des cas, je me retrouverais nez-à-museau avec le plantigrade en me promenant en forêt, alors qu'il vient de trouver une carcasse d'animal, accompagné de ses petits. Mais ça serait vraiment pas de bol.

C'est grâce à l'aide précieuse d'une « ranger », chargée de la réception au point d'accueil de Mammoth Hot Springs que je sais ce que j'ai vu et ce qu'il ne faut pas faire. Quand elle m'a demandé ce que je devais faire si je voyais un ours, j'ai répondu « lutter avec lui à mains nues » et je suis fier de déclarer que par cette blague à la Chandler j'ai réussi à décrocher un sourire à une représentante de l'autorité aux Etats-Unis. Bon, ok, c'est pas le shérif du coin - leurs insignes ont même pas l'air vrai - mais quand même, je considère ça comme une victoire personnelle.

Après lui avoir posé des questions sur la faune locale vue et à voir et sur les randonnées à faire et les choses à voir dans le parc, il était déjà 17h00, mais j'ai décidé de retourner dans la zone du Canyon pour finir de l'explorer. Il a bien fallu une heure de route pour y aller, puisque j'ai pris l'autre route, la plus longue, pour changer, que la vitesse est limitée à 45 mph (environ 70 km/h) dans le meilleur des cas, et que je me suis arrêté à presque tous les endroits prévus à cet effet pour me régaler les yeux de la diversité de paysages qui s'offraient à moi. A chaque arrêt, à chaque kilomètre parcouru dans le parc, je n'avais qu'un mot en tête: « époustouflant ». Les paysages et les vues sont très variés: on voit des animaux sauvage au bord de la route, des canyons aux falaises teintées de dégradés de rouge et jaune, des paysages de pierres puis de grandes prairies, des forêts et des prés drainés par de petites rivières d'où s'échappent des fumerolles, des pentes fumantes blanchies par le soufre, on sent dans l'air ce soufre, ou parfois l'odeur des sapins.

Je voulais faire quelques promenades conseillées pour rejoindre des points de vue sur le canyon de la rivière Yellowstone. Malheureusement, je n'ai pas trouvé les chemins qui menaient aux points de vue de la rive nord, donc je suis reparti, j'ai passé le pont enjambant la rivière en amont des chutes et j'ai suivi un sentier génial longeant le sommet de la falaise et offrant des points de vue parfaits en hauteur sur les deux chutes d'eau qui créent par leur force une grosse brume. D'autres points d'observation permettent d'admirer la rivière qui s'écoule paisiblement après avoir été brassée dans les chutes, au fond de l'imposant canyon, impressionnant par ses formes géométriques et ses couleurs.

La nuit commençait à tomber quand je suis arrivé à la voiture et j'ai pris le chemin le plus court – une heure tout de même – pour rentrer à Mammoth Hot Springs et tenter de trouver quelque chose à mettre dans mon estomac. J'étais un peu stressé, parce qu'ici, c'est pas comme à Montréal ou Chicago: on ne mange pas à n'importe quelle heure, et si rien n'était ouvert, je n'avais plus qu'à attendre le lendemain matin et le petit déjeuner (non inclus) pour calmer ma faim. Il y a deux restaurants au village, un fast-food et un restaurant un peu plus class. Le fast-food était fermé, mais l'autre restaurant ouvre jusqu'à 22h00, donc à 21h30 je n'ai pas eu de mal à me faire accepter. Je n'ai pas aimé mon serveur. Non seulement il m'a demandé comment j'allais comme si on se connaissait de notre cours de poterie, mais en plus, sans que je lui demande quoi que ce soit, il m'a dit: « moi aussi ça va, merci ». J'ai senti qu'il avait trouvé ça un peu bizarre de dire ça, vu que je ne lui avais rien demandé, mais il a poursuivi avec la lecture sans passion du plat du jour. J'ai goûté un steak de bison pas mauvais du tout, avec une bière ambrée « de type belge » fabriquée aux Etats-Unis. C'est étrange, c'est la deuxième fois que j'essaye de voir le degré d'alcool dans une bière aux E.-U., mais je ne trouve pas d'indication à ce sujet. C'est quand même la base, non. Autre point négatif à ce restaurant, il y avait une femme vraiment chelou dont la seule tâche semblait de verser de l'eau avec beaucoup trop de glaçons dans les verres des gens et de débarrasser les tables. Elle a voulu me faire la conversation et j'ai appris qu'elle venait de Californie, qu'elle ne mangeait pas de viande et qu'elle adorait le chocolat. Elle devait être nouvelle, parce que quand elle m'a apporté le dessert, elle s'est exclamée: « wouhou! Mon premier dessert! ». J'aurais voulu partager sa joie mais j'avais de la peine à le faire alors je me suis contenté d'un « félicitations », qui a déclenché un rire hystérique vraiment effrayant chez elle. Elle m'a gratifié d'un « vous avez un excellent sens de l'humour ». Je n'ai pas du tout considéré cet épisode comme une victoire personnelle. En plus, à l'autre bout de la salle, il y avait une table de Chinois qui se raclaient la gorge bruyamment pour recracher ce qu'ils y avaient trouvé dans leur serviette. C'est culturel, mais dégueulasse.

Bon allez, je vais m'aventurer dans la nuit calme et étoilée de Yellowstone – au risque de rencontrer un loup en quête d'enfants à manger ou un grizzli toxico cherchant son fix de miel – pour aller aux toilettes, très propres au demeurant.

vendredi 29 mai 2009

De Washington à Buffalo Bill en passant par Crazy Horse

Jour 13: Chamberlain, Dakota du Sud – Cody, Wyoming

Kilomètres parcourus: 983 km

Après une nuit de sommeil réparateur bien méritée, j'ai été réveillé par le doux son de la musique country. J'ai franchi le Missouri et filé vers le Mont Rushmore. Il m'a semblé dans un premier temps qu'il avait suffit de passer la rivière pour que le paysage change du tout au tout: en effet, il y eut d'un seul coup beaucoup de collines, des dépressions, du relief quoi, mais ce n'était qu'à proximité du Missouri et le paysage est redevenu plat comme avant. C'était quand même très beau. Des prairies à perte de vue. C'est là que je me suis rendu compte que j'étais en plein cœur du pays des westerns. Quand je longeais une voie ferrée, je m'imaginais les indiens cachés derrière une colline, prêts à prendre en embuscade un train.

Le Mont Rushmore se trouve dans les Black Mountains, qui sont en quelque sorte un avant poste des Rocheuses. Ca m'a fait plaisir de sortir un peu de l'autoroute pour aller sur des petites routes; or comme le Mont Rushmore est une destination hyper touristique, la petite route est en fait presque une autoroute, faite pour accueillir les flots de touristes. C'est un peu comme pour monter dans les stations de ski alpines. En arrivant au Mont, j'ai vu depuis la route les figures sculptées dans la montagne. Je me suis dit que c'était sûrement une reproduction plus petites, parce qu'elles ne m'impressionnaient pas du tout. Mais c'étaient bien les vraies. J'aurais donc pu me contenter de les admirer de la route et éviter de me faire extorquer 10 dollars pour pas grand chose. Elles ont l'air toutes petites, ces figures, mais quand on voit qu'un oeil fait la taille d'une vraie personne, ça impose le respect. J'ai fait la petite promenade qui passe à travers la forêt juste au-dessous des sculptures, mais le point de vue n'est pas aussi impressionnant que celui qu'ont les protagonistes du film « La mort aux trousses ». Quoi qu'il en soit, ça a dû être un sacré boulot de faire ces sculptures.

Je suis redescendu dans le village le plus proche, qui essaye de se donner des airs de far west, pour manger et je suis rentré dans le premier resto que j'ai vu. Le patron et ses employées discutaient à l'extérieur et nous avons engagé la conversation. Le patron m'a demandé si mes idées préconçues d'étrangers sur les Etats-Unis avaient évolué depuis le début de mon voyage et je lui ai répondu, pour être poli et pour pouvoir bouffer sans tergiverser, que les gens étaient en effet moins tarés que je le pensais. Mais je n'en pensais rien, bien sûr. Cela dit, la brève conversation était sympathique, le gars ne vantait pas son pays comme le meilleur du monde, au contraire, il avait même l'air de savoir où se situait la Suisse. La spécialité du restaurant, c'était les ribs de bison, qui étaient censés être fameux. Heureusement que j'ai pris la petite part, parce que ce n'était pas les meilleurs ribs que j'ai mangés de ma vie.

Après ça, j'ai encore dépensé 10 dollars pour voir une sculpture géante même pas fini: le Crazy Horse Memorial. Dans une montagne proche du Mont Rushmore, les nations autochtones des Etats-Unis ont commandé une sculpture monumentale dédiée au grand chef indien. Pour le moment, seule la tête est terminée et il reste le cheval, le bras et le corps du bonhomme à faire. De loin ce n'est pas très impressionnant non plus mais quand on y pense, c'est tout une montagne qui est sculpté, c'est balaise!

Pour rejoindre l'autoroute en direction de Yellowstone, j'ai suivi des routes de montagnes assez sympathiques et traversé des villages annoncés par un panneau indiquant le nombre d'habitants, comme dans les westerns. En passant entre ces deux rangées de petits édifices alignés, je n'avais pas de mal à imaginer ces mêmes villages il y a à peine un siècle, avec de la terre à la place du goudron, et des types portant un colt au ceinturon qui descendent de leur cheval pour aller au saloon. J'ai repris l'autoroute et retrouvé mes paysages désormais familiers de prairies légèrement vallonnées, à cette différence près qu'elle était parsemée de pompes, que j'imaginais être des pompes à pétrole, mais j'ignore si c'est bien ça.

Juste au moment où je commençais à trouver étrange qu'on ne voie toujours pas les rocheuses à l'horizon, à peine étais-je arrivé au sommet d'une petite colline que je vis au loin des montagnes enneigées qui, avec la distance, se confondaient encore avec le ciel. A mesure que j'avançais vers l'ouest, les montagnes se détachaient de plus en plus nettement et bientôt je sortais de l'autoroute et m'aventurais sur les petites routes sinueuses. Il ne s'agit en fait pas encore des Rocheuses, mais du massif de Big Horn, qui est séparé des Rocheuses par une autre plaine de prairies. La montée était plutôt banale, une route dans la forêt, mais le paysage montagneux devenait de plus en plus grandiose au fil des kilomètres. J'aurais bien du mal à décrire à quel point c'était beau et même des photos ne permettraient pas d'en rendre compte. Les pierres, les torrents, les roches rouges, les pâturages, les biches pas effrayées le moins du monde, la petite route, les canyons... tout cela contribuait à la beauté de ce trajet. Même une fois sorti du massif, à nouveau dans la prairie, le paysage est splendide, avec des roches couleur vanille-fraise assez intriguantes.

A Cody, ville nommée d'après le vrai patronyme de Buffalo Bill, je ne suis plus qu'à une grosse cinquantaine de miles du parc de Yellowstone. Les récits des premiers voyageurs ayant vu Yellowstone étaient considérés comme des fables, et un président a déclaré que la route pour s'y rendre depuis Cody était l'une des plus belles au monde. Alors j'ai hâte de voir ça.

jeudi 28 mai 2009

Le palais de maïs, ça c'est fait

Jour 12: Chicago, Illinois – Chamberlain, Dakota du Sud

Kilomètres parcourus:1130 km

C'est presque un autre voyage qui commence pour moi aujourd'hui. J'ai en effet quitté l'est du continent américain, civilisé, où j'ai été accompagné jusqu'à présent, pour m'aventurer seul dans l'Amérique rurale.

Je me suis levé très tôt ce matin, à 6h, pour aller chercher ma voiture de location à 7h00 au centre de Chicago. Toujours stressé, je craignais qu'il y ait eu un problème avec la réservation, ou que mon permis de conduire ne serait pas valable, ou va savoir quoi encore. J'ai donc quitté Chicago en pleine heure de pointe, sous la pluie, sans savoir comment rejoindre mon autoroute. J'ai bien accepté de prendre un GPS avec la location, mais je n'ai pas eu le temps de le régler; toutefois, c'est en cherchant une rue moins fréquentée pour me garer et entrer mes informations dans le GPS que je suis entré par hasard sur l'I-90, l'autoroute que je cherchais et qui doit m'emmener jusqu'à l'océan Pacifique. Quant au problème de la circulation, je l'avais pris en compte, mais sans penser qu'il y aurait autant de monde pour sortir de Chicago, puisque normalement les liaisons pendulaires se font de la banlieue vers la ville normalement, mais visiblement j'ai mal jugé. Le temps de me réhabituer à la conduite en général et à la conduite avec une automatique et en Amérique du Nord en particulier, et j'étais lancé! J'ai quand même loupé le premier péage, que j'ai pris dans la file des abonnés, donc ouverte, mais j'ai bien respecté les trois ou quatre suivants.


Agrandir le plan

C'était donc parti pour un trajet de plus de 1000 kilomètres, à travers quatre Etats – l'Illinois, juste un bout, le Wisconsin, le Minnesota, dans toute sa largeur, et le Dakota du Sud, que j'ai bien entamé – sans pour autant qu'il y ait d'impressionnantes variations du paysage. J'ai eu beaucoup de pluie au début du trajet, parfois coupées d'accalmies, mais la pluie avait toujours le dessus, et ce n'est que vers Rochester, dans le Minnesota, que la pluie a définitivement cessé de tomber.

Les limitations sont très variables, cela dépend j'imagine de l'Etat dans lequel on se trouve, de la densité de populations aux alentours et probablement d'un tas d'autres facteurs, mais toujours trop lentes. La limite la plus fréquente dans l'Illinois était de 65 miles par heure, mais à mesure que j'avançais, la limite est passée à 70, puis à 75 mph, à mesure que l'on s'enfonçait dans l'Amérique profonde.

Car c'est bien là que je me suis rendu aujourd'hui: l'Amérique des « r » prononcés du fin fond de la gorge, des vieux obèses, des serveuses qui, contrairement à celles de la ville, ne demandent pas comment je vais quand je rentre dans le resto alors qu'on ne se connaît pas. Ma première expérience de l'Amérique profonde, c'est quand, arrêté sur une aire de repos, j'ai vu un gros pick-up débouler avec à l'intérieur un type qui devait être un cow-boy, ou qui aurait voulu l'être. L'Amérique profonde, c'est aussi le désert culturel. Dans le Dakota du Sud, outre le Mont Rushmore, l'attraction du coin se trouve à Mitchell, dans l'ouest de l'Etat, où, depuis 1902, se dresse un « Palais de maïs » (Corn Palace), construit en partie avec les différentes parties du maïs, et orné, à l'intérieur comme à l'extérieur de grandes fresques faites à base d'épis de maïs. C'est très kitsch, mais ça vaut le coup d'œil, surtout que c'est à côté de l'autoroute. On y voit d'énormes américains ayant peine à se déplacer sur leurs deux jambes prendre des photos en parlant fort et faire le tour du magasin de souvenirs, démesuré au regard de l'attraction. L'entrée est gratuite (manquerait plus qu'on paye pour voir ça), mais il y a une dame à l'entrée qui donne des conseils, et elle n'a pas caché sa surprise quand je lui ai dit que je venais de France. Elle ne l'a pas dit, mais dans sa tête, elle a du se demander avec de gros « r » profonds comment j'avais fait pour me perdre ici.

Plus symboliquement, j'ai passé un fleuve qui a une importance particulière dans l'histoire et la culture des Etats-Unis, le Mississippi, au niveau de La Crosse. Techniquement, ce n'est qu'un cours d'eau, mais quand même, l'avoir vu et l'avoir traversé ça a une valeur symbolique pour moi, tout comme pour le Missouri, au bord duquel je me trouve actuellement et que je vais traverser dès demain matin pour continuer vers l'ouest. Le Missouri, en se jetant dans le Mississippi, est l'une des plus longues rivières du monde. Ca n'a quand même pas la même valeur symbolique que de traverser le Cher ou l'Allondon.

En ce qui concerne les paysages, c'est beaucoup moins plat que ça en a l'air sur Google Maps, et d'ailleurs, la route est beaucoup moins droite que la carte ne le laisse penser, car il y a régulièrement des virages, heureusement, quoi que ce n'est plus tout à fait vrai à partir de Mitchell, où l'on voit la route se perdre dans l'horizon. On ne voit pas non plus une régularité particulière dans les champs, comme le montre la photo satellite. Ce qu'on voit, c'est des champs variés, des cultures, des élevages de vaches, de temps à autres une ferme ou une église, quelques collines et pas mal de marais. En fin de compte, cela ressemble pas mal à la Beauce pour les endroits les plus plats (sauf qu'on traverse facilement la Beauce en moins de deux heures, et d'autres endroits font penser au bocage normand, surtout quand il pleut. Néanmoins, si ce n'est pas absolument monotone, le type de paysage change peu, comparé à un voyage à travers la France, où, en une journée, on peut voir des champs, puis des forêts de chênes, puis de la montagne, puis des forêts de pins, puis des champs plats, puis des collines, etc. Là, c'est plus ou moins toujours la même chose et ce qui brise la monotonie, c'est les animaux morts au bord de la route. C'est plus ou moins toujours les mêmes, mais je ne saurais pas les identifier.

Je comptais faire étape à Mitchell, mais comme j'ai bien roulé, malgré une sieste assez longue dans le Missouri, j'ai poursuivi jusqu'à l'hôtel Super 8 de Chamberlain. J'aurais pu pousser encore plus loin, mais il vaut mieux que j'ai du temps pour bien me reposer et accessoirement faire le récit de ma journée. J'ai dîné dans un steak house où les serveuses étaient moyennement aimables. J'essayerai de me lever tôt demain pour avancer un max et avoir le temps de visiter le Mont Rushmore.

mercredi 27 mai 2009

Livré à moi-même dans la grande ville

Jour 11: Chicago

Quel bonheur de pouvoir dormir dans un vrai lit! Merci à Flo de m'avoir laissé son lit car j'ai écrasé jusqu'à 9-10h00. Flo avait des rendez-vous donc je devais sortir en même temps que lui. On a pris le petit déj, on s'est préparé et j'ai commencé ma première journée de tourisme seul. Jusqu'à présent j'étais toujours accompagné – soit par Elisa, soit par Sean, soit, comme hier, par Flo – mais aujourd'hui j'ai fait le touriste solitaire (ce qui rend la prise de photo avec moi comme sujet plus compliquée).

Flo habite juste à côté du lac Michigan. Mais vraiment vraiment à côté, à même pas deux minutes à pied. C'est donc là que j'ai commencé. Ce lac est immense. On ne voit pas la côte du Michigan à l'horizon. C'est presque une mer en fait, car contrairement au lac Ontario, à Toronto, il y a des vagues, mais selon Flo, quand on se baigne on est surprit si l'on boit la tasse car l'eau n'est pas salée comme dans la mer. J'ai longé le bord du lac et j'ai même demandé à une sauveteuse qui n'avait strictement rien à faire – vu que personne ne se baignait – de me prendre en photo, mais elle s'est excusée en disant qu'elle n'avait pas le droit et que son chef était sûrement en train de la surveiller. Bref. J'ai donc demandé à un petit couple de vieux de le faire à sa place, ce qu'ils ont fait avec grand plaisir. J'ai dû marcher pas plus d'un kilomètre jusqu'aux installations plagesques, où je pensais trouver un téléphone public pour pouvoir appeler Julie là-bas, dans le Nord. Malheureusement, trouver un téléphone s'avère plus difficile que prévu dans ce pays. Je suis donc reparti de la plage pour trouver l'arrêt de bus que Flo m'avait conseillé ou un téléphone, et j'ai fait des allers-retours sur une rue, puis je me suis rendu compte que je ne cherchais pas le bus qui partait du bon côté. Heureusement, deux petits vieux m'ont dit de traverser la rue pour partir dans l'autre sens.

Je ne me souvenais plus quel bus Flo m'avait dit de prendre – le 146 ou le 147 – mais tous avaient l'air d'aller dans le centre. J'ai pris le 146 mais c'était peut-être le plus lent. Toujours est-il que je suis arrivé downtown. J'ai descendu à pied les « Champs-Elysées » de Chicago, l'avenue Michigan, le nez levé vers le ciel pour voir tous les hauts immeubles. J'étais toujours à la recherche d'un téléphone et je suis rentré dans presque tous les immeubles qui longeaient l'avenue pour demander à la réception s'il y avait ce que je cherchais. La plupart du temps, je trouvais de beaux intérieurs style art déco, du marbre, de vastes vestibules, des ascenseurs où l'on s'attend presque à voir un opérateur pour monter dans les étages.

Quand j'ai trouvé une cabine, je me suis aperçu que je ne pouvais pas payer avec ma carte de crédit. Je suis donc allé acheter une carte pour téléphoner. Enfin bref, j'ai fait mes petites affaires et je me suis baladé entre les gratte-ciels jusqu'à la Sears Tower, qui est le plus haut gratte-ciel d'Amérique, qui fut également pendant le plus grand du monde pendant trente ans avant d'être détrôné par plusieurs tours en Asie. J'ai traversé la rivière – qui par un heureux hasard s'appelle Chicago – pour aller voir la gare centrale de Chicago, la Union Station. Je voulais voir à quoi ressemble une gare aux Etats-Unis. L'édifice, d'extérieur comme d'intérieur, laisse entrevoir une grandeur passée, mais aujourd'hui, cette grande bâtisse et les voies ferrées qui y mènent sont largement sous-exploitées et le hall principal de la gare est tristement vide, ce qui est d'autant plus surprenant pour un Européen comme moi, habitué aux halls de gares grouillants toute la journée.

J'ai ensuite mangé dans un restaurant servant des Bao, c'est-à-dire des beignets de pâte de riz fourrés à la viande ou autres et c'était très bon. Je me suis assis à la fenêtre pour pouvoir observer les gens qui passent, leur accoutrement, leur style, leurs expressions. C'était hautement enrichissant.

Puis j'ai essayé de suivre un peu la promenade recommandée par mon Lonely Planet, mais comme j'étais passé à plusieurs endroits déjà, je ne m'y suis pas vraiment tenu, d'autant plus qu'une averse s'est mise à tomber et que je rasais les murs pour éviter d'être trop mouillé. Par ailleurs, je cherchais l'endroit où je suis censé aller chercher ma voiture de location demain matin, histoire de repérer les lieux et ne pas chercher demain à 7 heures du matin.

Je me suis encore promené en repassant la rivière, que j'apprécie, car elle aère un peu cette ville de béton et met un peu de nature au milieu de la jungle urbaine. Je trouve cependant que sa présence n'est pas assez mise en valeur, comme on le ferait dans une ville européenne, mais j'imagine que c'est là toute la différence entre nos deux continents: la ville faite pour vivre et pour y être bien de chez nous et la ville fonctionnelle, faite pour le travail de l'Amérique. J'avais rendez-vous chez Flo en fin d'après-midi et j'ai sauté dans le 147 qui m'a déposé presque juste devant sa porte. Malheureusement, l'audacieux système d'interphone relié à son téléphone portable ne fonctionnait pas et je suis retourné faire un tour sur la plage en espérant trouver un téléphone – quel naïf – puis je suis retourné à son immeuble et j'ai attendu que quelqu'un en sorte.

Le soir même nous sommes allés manger un morceau dans un bar lesbien avec son pote Vincent, un autre Français vivant à Chicago. Les burgers étaient vraiment très bons, rien à voir avec les seuls qu'on trouve en France, au Macdo. Il pleuvait tellement en sortant du bar que nous avons dû héler un taxi pour rentrer. Et je ferais mieux de me coucher si je ne veux pas m'endormir sur la route demain...

mardi 26 mai 2009

"Dis papa, c'est encore loin l'Amérique?"

Jour 10: Toronto, Ontario, Canada – Chicago, Illinois, Etats-Unis

Kilomètres parcourus: 468

Je pense que l'épreuve la plus difficile que je devais affronter au cours de mon voyage a été franchie ce matin au bureau de douane de Detroit, Michigan, Etats-Unis. Après un dernier arrêt au Canada, à Windsor, juste en face de Detroit, nous avons emprunté un tunnel et tout le monde a dû descendre du bus, prendre ses bagages et se soumettre au contrôle de douane. Je redoutais vraiment ce moment, car bien que j'aie vérifié mille fois la validité de mon passeport pour rentrer aux Etats-Unis (cf. l'un de mes premiers billets concernant le voyage, où je parle de mon passeport, mais où les informations sont erronées parce que je sais pas ce qui s'est passé mais j'ai mal évalué la date d'émission de mon passeport, mais bref). Comme tout le monde, j'ai patiemment attendu qu'on m'appelle sur le ton de l'autorité à un comptoir et un fonctionnaire dont le visage poupon m'indiquait qu'il s'agissait d'une femme, mais dont les poils sur les bras me disaient que c'était un homme s'est occupé de moi. Il m'a posé des tas de questions, notamment où j'allais et où je restais. Je lui ai expliqué plusieurs fois que j'allais à plusieurs endroits, tout d'abord à Chicago, mais que je n'avais pas l'adresse de Flo. Faute de mieux, il a noté l'adresse de la réservation que j'avais pour Yellowstone, j'ai payé les 6 dollars pour rentrer dans leur pays de dingues, on a vérifié les sacs au scanner et tout le monde est remonté dans le bus pour aller un peu plus loin, à la station Greyhound de Détroit.

Il y avait une heure et demie d'attente à la gare avant de prendre un autre bus pour Chicago, donc j'ai mis à profit ce temps pour aller faire vite fait un tour plus près du centre de Détroit. Je ne me suis pas aventuré bien loin de la gare d'autocars, parce que je n'étais pas sur de l'heure qu'il était (s'il y avait eu un changement de fuseau horaire en passant la frontière ou pas), mais j'ai pu voir de grands gratte-ciels datant des années 1920-1930 pour les plus vieux, si bien qu'ils avaient un peu plus de classe que ceux de Toronto, par exemple. D'après moi, les effets de la crise dans le secteur de l'automobile – autour duquel Detroit a fondé l'essentiel de son économie – se font ressentir dans la ville, avec de nombreux édifices en décrépitude. Pour reprendre un terme cher à Elisa, je dirais que Detroit est une ville décadente.

Enfin l'autobus est parti et dans quelques heures je devrais être à Chicago, où j'espère que Flo m'attendra. Je ne vais pas m'attarder sur le paysage qui défile, c'est assez vert et vallonné; depuis peu on voit des champs et auparavant c'étaient les zones commerciales disgracieuses qui prédominaient. Bon, j'ai du sommeil à récupérer.

En passant la frontière, j'ai changé de bilinguisme. Le français officiel a en effet cédé la place à l'espagnol officieux, désormais omniprésent dans les autobus, les gares, les toilettes, les instructions, les emballages de produits, etc. Les gens aussi ne sont plus les mêmes. On voit par exemple nettement plus de Noirs qu'au Canada, s'exprimant avec leur accent si caractéristique où la dernière syllabe de chaque mot est accentuée. Si la comparaison n'est pas trop audacieuse, on pourrait dire que c'est comme l'accent suisse allemand, mais c'est quand même trop audacieux.

Etonnamment, les quatre heures de mauvais sommeil que j'ai passées dans le bus jusqu'à Detroit n'ont pas suffi (ironie), et pendant le long trajet que j'ai fait de Detroit à Chicago, j'ai revécu la traversée du Canada que j'avais faite en bus de Vancouver à Toronto en 2000; j'avais alors passé trois jours à dormir presque tout le temps parce que je n'arrivais pas à récupérer dans des conditions aussi mauvaises pour dormir. Aujourd'hui, c'était pareil: la fatigue accumulée aidant, je n'arrivais pas à rester éveillé plus de dix minutes d'affilée et je m'assoupissait dès que le bus se déplaçait (c'est-à-dire presque tout le temps, c'est pour ça qu'on prend le bus après tout).

L'autocar Greyhound devait arriver à 14h30 à Chicago, mais je ne savais pas combien de décalage il y avait avec Toronto, ni où l'on changeait de fuseau. Quand j'ai regardé l'horloge à Détroit, il était la même heure qu'à ma montre, donc je m'étais dit qu'on changeait d'heure un peu plus à l'ouest, mais plus le bus approchait de sa destination finale, plus j'avais de doutes quant à l'heure qu'il était où je me trouvais. Ajoutons à cela les interrogations récurrentes sur les conséquences du changement d'heure – faut-il avancer ou reculer d'une heure? – j'étais complètement paumé. Pour finir, j'ai jugé qu'on n'avait pas du tout changé de fuseau horaire par rapport à Détroit et que par conséquent le bus est arrivé avec 40 minutes de retard, mais ce n'est qu'une heure plus tard, dans un autobus public dont l'afficheur donnait l'heure, que je me suis rendu compte qu'on avait reculé d'une heure et que l'autocar avait en fait 20 minutes d'avance.

Du coup, Flo aussi était en avance, puisqu'il est arrivé peu de temps avant le bus. La dernière fois que je l'ai vu, c'était au mariage de Yolaine, notre pote de Vancouver, et Nico, son pote à lui, en 2006. Nous n'avions pas eu le temps de discuter vraiment, mais nous avons eu déjà tout un après-midi pour évoquer le passé, le présent, le futur et le plus-que-parfait du subjonctif, très peu usité (je re-fatigue).

Avant de rentrer chez lui, nous nous sommes promenés un tout petit peu dans le centre-ville, et quand la pluie s'est mise à tomber, nous sommes montés dans un bus pour aller poser mes affaires chez lui. J'ai eu le temps de me décrasser et d'aller sur Internet et Flo m'a même accordé 40 minutes pour que je puisse faire un petit somme. S'il ne m'avait pas réveillé, je pense que je serais encore en train de dormir.

Nous avons pris le métro, le « L », ce fameux métro aérien que j'entends depuis ici même et qu'on voit dans des tas de films américains, pour aller vivre une expérience typiquement américaine: un match de base-ball. De tous les sports typiquement américains, le base-ball est pour moi le plus emblématique de tous. Tandis que le basket est depuis longtemps un sport populaire dans le monde entier et que le football américain est une variante du rugby, le base-ball n'a pas vraiment d'équivalent généralisé dans le reste du monde (quoique d'aucuns diront que c'est un dérivé du cricket, sport extrêmement populaire en Grande-Bretagne et surtout dans tout le sous-continent indien). Des types proposaient des places pas cher à la sortie du métro et nous avons décidé d'aller jeter un œil. L'intérêt principal est essentiellement de se retrouver au cœur de l'ambiance en sirotant des bières, mais je n'ai pas poussé l'expérience jusqu'à héler un vendeur de hot-dogs pour lui acheter sa daube. Je dois cependant admettre que son cri de ralliement était fort efficace, tapant sur son contenant en métal et donnant de la voix à intervalles réguliers pour apporter un peu de baume et de cholestérol au coeur des supporters des Cubs de Chicago. Ce que j'ai constaté au milieu de cette foule, c'est qu'elle était constituée essentiellement de Blancs. Les seuls Noirs que j'ai pu apercevoir étaient soit sur le terrain – mais très rarement – soit dans les travées à vendre de la bière ou des hot-dogs. Deuxième constatation: ce sport est hyper chiant. Il ne se passe presque jamais rien. Et quand il y a une action, elle dure au maximum dix secondes. Donc pas vraiment le temps de s'enthousiasmer.

Comme ni Flo ni moi ne soutenions les Cubs ou Pittsburgh et qu'il n'y avait donc pas vraiment d'enjeu à la clé, nous sommes sortis pour aller boire un verre dans un endroit plus abrité des courants d'air et où la bouffe était meilleure. Nous avons commandé à manger et comme nous n'avions pas très faim nous avons gardé la moitié de notre hamburger pour le ramener dans une boite. C'est ça qui est bien dans ce pays. Nous avons repris un bus pour rentrer chez Flo pendant qu'il me racontait ses déboires sentimentaux.

Aaaargh.... dormiiiiiir.... Flo a été sympa et m'a laissé son lit. Lui dormira par terre sur un futon. Merci, merci et merci encore Flo, ton lit a l'air hyper confortable.

Message subliminal: laissez des commentaires pendant que je dors :)

lundi 25 mai 2009

A 30 ans on n'a plus 20 ans

Jour 9: Ottawa, ON – Toronto, ON

Kilomètres parcourus: 450

Je m'apprête à effectuer ma seconde courte nuit d''affilée dans un bus et j'aurai tout à l'heure passé une des journées les plus longues de ma vie. En effet, mon autocar d'Ottawa est arrivé vers 5h45 à Toronto et j'avais évidemment très mal dormi sur les deux sièges qu'on m'avait laissés. Ce qui me manquait cruellement, c'était un oreiller et la fille qui s'est mise devant moi m'a nargué avec son oreiller après que je lui ai dit que j'avais laissé mon oreiller dans la soute. J'ai donc dormi tant bien que mal, alternant essentiellement deux positions que je devais changer régulièrement pour ne pas rester paralysé d'un membre ou d'un autre.

Je devais retirer mon billet pour Chicago à la gare routière, donc j'ai profité de ce que Sean n'était pas encore arrivé pour aller au guichet et demander mon billet, mais on m'a expliqué que je devais voir un homme habillé en vert se tenant un peu plus loin pour qu'il me donne mon billet. C'est là que je me suis rendu compte que j'étais de nouveau immergé dans un monde anglophone, américain, même, où je ne comprenais pas forcément tout. Je cherchais en vain des yeux mon petit bonhomme vert et c'est là que je vois arriver mon Sean, en tong et short comme au bon vieux temps arriver avec un petit sourire, démarche nonchalante, vers moi. C'était vraiment cool de le revoir après neuf ans. J'avais l'impression qu'il n'avait pas changé mais en même temps je vois souvent ses photos sur Facebook.

Je me suis occupé de mon billet auprès d'un homme à la veste jaune (pas verte, donc), puis Sean m'a ramené à pied chez lui. Nous étions tous les deux complètement crevés, l'un ayant mal dormi seulement quelques petites heures, et l'autre ayant fait la noce jusqu'aux petites heures du matin. Nous avons mis une demie-heure pour aller chez lui à pied et lui est allé s'effondrer dans son lit tandis que moi j'ai mis à jour mon blog en pensant m'allonger un peu après. Malheureusement, à peine m'étais-je posé sur le clic-clac que Sean est revenu de sa sieste pour me montrer des photos de Vancouver. Je dis souvent que je n'ai pas de très bons souvenirs de mon année d'étude à Vancouver, mais en discutant avec Sean, je me suis rendu compte de l'ampleur des dégâts: « Et tu te rappelles quand... » « euh... non », « et quand... » - « euh non plus ». J'ai très peu de photos de cette époque, car l'appareil photo que j'avais alors ne fonctionnait pas très bien et prenait des photos très sombres. Comme je n'avais pas d'argent, ni pour le faire réparer, ni pour en acheter un mieux, me voilà sans rien pour stimuler mes souvenirs de cette époque.

Je n'ai toutefois pas pu lutter contre le sommeil et j'ai quand même dormi une petite heure après m'être douché. Comme Sean commençait à s'impatientait, je me suis fait violence et nous sommes sortis prendre le brunch près de chez lui. Là j'ai reçu le pire service depuis le début de mon voyage. Notre serveuse avait l'air d'avoir passé la pire nuit de sa vie. Autant le service est toujours aimable et courtois à l'extrême dans ce pays, autant celle-la n'a pas décroché ne serait-ce qu'une ébauche de sourire. Sachant qu'elle dépend de son pourboire pour vivre décemment, c'est pas très professionnel de sa pas. Cela dit, ça nous a donné matière à rigoler.

Sean m'a ensuite emmené visiter la ville et ses alentours à vélo. Son colocataire m'a prêté le sien pour la journée et j'ai pu accompagner Sean avec son mode de locomotion favori. Et moi on peut dire que ça m'a changé de la marche. J'avais déjà visité Toronto il y a neuf ans, en repartant de Vancouver. J'étais allé voir Séverine et elle m'avait fait un petit tour de la ville, mais non seulement je n'en ai aucun souvenir, mais en plus la visite d'aujourd'hui ne m'a strictement rien rappelé. Avec Sean, nous avons tout d'abord longé quelques artères commerçantes puis nous sommes descendus en direction du lac Ontario en passant la Tour CN (La « merveille du monde » du Canada, comme le clame son slogan). Là, comme le veut la tradition nord-américaine, une voie rapide traverse le centre en longeant le lac, mais une fois qu'on l'a passée, le quartier du bord de l'eau est sympathique, avec des cafés et des terrasses, surtout qu'après le soleil du matin, le soleil avait fait son apparition.

Ce que Sean voulait faire, c'est prendre un bateau qui nous emmènerait à un ou deux kilomètres du centre-ville, sur l'île de Toronto, un bout de terre tout plat de quelques kilomètres carrés, sillonné de pistes pour faire du vélo ou flâner. Il s'agit essentiellement d'un grand parc, avec des plages sur sa côte faisant face aux Etats-Unis, excursion visiblement très populaire auprès des Torontais de toute classe les dimanches ensoleillés de printemps. Nous nous sommes baladés une bonne heure sur l'île, nous arrêtant pour prendre des photos de la superbe vue de Toronto au-delà de l'eau, admirer la plage et voir à l'horizon la côte étasunienne, faire semblant de se perdre dans un petit labyrinthe de haies et admirer les avions faisant mine de se poser sur l'eau à proximité de l'aéroport du centre-ville.

A ce moment-là, nous étions déjà épuisés – à cause de notre manque de sommeil respectif et des heures de vélo – mais il restait encore beaucoup à faire. Nous avons pris la direction du nord, où Sean voulait m'emmener dans une microbrasserie. En fait c'est tout un quartier qui est devenu un endroit où flâner le week-end, avec des airs de « vieux », des anciennes usines (brasseries?) réhabilitées, des petits marchants, des galeries d'art, etc. A la brasserie, nous avons commandé des échantillons de bières et de quoi casser la croûte et la nourriture qui était servie était vraiment très bonne. Nous avons pris des « dips » légers, sans viande; ce matin Sean m'a appris qu'il était devenu végétarien. Si je n'avais pas été allongé sur un clic-clac, j'en serais tombé à la renverse, car Sean, c'est un type qui, il y a neuf ans, à l'occasion d'un voyage sur l'île de Vancouver et Salt Spring Island, avait affirmé à Sally – végétarienne de conviction – que l'être humain n'était pas fait pour se priver d'une catégorie d'aliments, que nous étions omnivores et que, en gros, les végétariens c'était des cons. Ceci dit, c'est le même Sean qui soutenait alors que les sans-abri méritaient leur condition. Aujourd'hui, Sean est végétarien et militant de gauche, ayant été l'un des meneurs d'une grève de plusieurs semaines en plein hiver canadien pour obtenir de meilleurs conditions sociales à l'université. Observons une minute de silence pour apprécier la complexité du personnage.

L'objectif suivant était les plages situées à l'extérieur de Toronto, au bord du lac Ontario. Nous avons dû traverser des zones industrielles et nous faire attaquer par des nuées de moucherons, nous faire alpaguer par un réac à vélo qui pestait contre des jeunes « trash » qui ne nous avaient nullement importunés, mais qui, selon lui, devaient être envoyés en camp de redressement « dans le nord ». Bref, nous sommes arrivés à la fameuse plage, avons trempé les pieds dans l'eau glaciale – que même le soleil accablant ayant eu raison sans problème de ma peau de blond n'a pas réussi à réchauffer –, puis nous avons marché un peu sur le sable avant de reprendre nos vélos et rentrer en ville. Nous étions exténués, n'échangeant des paroles qu'en cas d'extrême nécessité ou pour lancer des insultes à une conductrices qui a manqué de me renverser en voulant doubler un tramway (il y a un réseau assez développé de tramways en fonction à Toronto, ce qui est extrêmement rare pour une ville nord-américaine). Pour nous reposer nous nous sommes arrêtés un bon moment sur une place qui pourrait être le "Time Square" de Toronto, avec ses écrans, ses pubs et sa circulation.

Nous avions rendez-vous avec Dan, le colocataire de Sean, dans un restaurant marocain avec spectacle de danse du ventre. La nourriture n'avait absolument rien d'exceptionnel (c'est comme ça quand on a goûté à la cuisine de Saïda) et le spectacle de la danseuse était difficile à suivre, car nous mangions dans des petites tentes et la danseuse devait passer devant l'allée centrale pour que tout le monde puise la voir, donc tout le monde avait droit à un petit morceau, mais pas un spectacle complet. Le vrai spectacle, cependant, c'est quand Sean, en bon ouf qu'il est, s'est invité à danser avec elle alors qu'elle proposait surtout aux femme. Du coup il a bien fait rire tout le restaurant.

Je pensais rentrer tôt chez Sean pour pouvoir prendre une douche afin de mieux affronter la nouvelle nuit de bus qui m'attend mais des travaux avaient été faits en notre absnce et je ne pouvais pas utiliser la salle de bains. Pas grave. Sean m'a accompagné à la station d'autocars et nous avons gardé le silence pendant quasiment tout le chemin, non pas tant à cause de l'émotion qui nous étreignait, mais à cause, une fois de plus, de la fatigue extrême. J'ai réussi à tenir le coup jusqu'à la montée dans le bus, mais je me suis effondré à peine celui-ci s'était-il mis en mouvement.