Mercredi
13 février 2013
Ces temps, à chaque fois que je suis en voyage, je m'achète un
chapeau. Au Mexique, je ne déroge pas à cette tradition
nouvellement établie. Les chapeaux, je les oublie. Avant de partir
de chez moi, j'avais oublié de prendre l'un des chapeaux de paille
que j'ai ramenés de Crète et du Vietnam et pour mon excursion du
jour, sur le site pré-aztèque de Teotihuacan, j'avais oublié de
prendre celui que Karl pensait me prêter. Et à Teotihuacan, c'est
très utile, le chapeau, parce que de l'ombre, il n'y en a pas
beaucoup, surtout quand on n'arrive pas aux premières heures de la
journée.
Si on a lu mon récit de la veille, on sait que je me suis mis au lit
très tard. Plus l'heure avançait avant que je me couche, plus les
chances augmentaient pour que je ne me lève pas avant l'aurore pour
partir tôt. Malgré tout, je me suis tiré du lit juste après le
lever du soleil, à peu près en même temps que Kalinka-Malinka et
Bruno. J'allais sortir juste après eux mais j'ai dû attendre le
retour de Malinka une vingtaine de minutes plus tard parce que je me
suis rendu compte que je n'avais pas de clé pour sortir. J'aurais dû
prévoir ça plus tôt.
Bref, j'ai quand même trouvé mon chemin
jusqu'à la gare routière nord, digne d'un aéroport international,
j'ai acheté mon billet en espagnol comme un pro et je me suis
installé dans le bus qui partait quatre minutes plus tard. Le bus a
traversé la périphérie nord de Mexico, d'immenses quartiers de
maisons plus ou moins informelles grignotant les montagnes, puis il a
traversé une campagne sèche où poussait parfois un peu de maïs.
Un peu avant de sortir de Mexico, un homme est monté dans le bus
avec sa guitare et s'est posté debout au milieu du bus pour nous
jouer des sérénades mexicaines, avant de redescendre un peu plus
loin au bout d'une demi-heure, sans oublier de passer dans la rangée
en tendant sa casquette. Au bout d'une heure et quelques, les
touristes sont descendus à la porte 1 du site.
Si vous avez un long week-end, allez à Teotihuacan. Prenez l'avion
pour Mexico le vendredi midi (12 heures depuis Paris), vous arrivez
le vendredi soir à Mexico, puis le lendemain vous faites l'excursion
à Teotihuacan. Vous pouvez repartir le dimanche pour arriver le
lundi à Paris.
Teotihuacan, c'est un site vraiment exceptionnel,
grandiose, majestueux et très émouvant, selon moi. Ce site fut dans
les premiers siècles de notre ère une cité plus grande que Rome –
peut-être jusqu'à 200 000 habitants – peuplée de gens dont on ne
sait pas grand chose, car la ville a décliné et a été abandonnée
sans raison connue avec certitude. Le destin de cette civilisation
est fascinant. Elle est venue, elle s'est développée et elle a
disparu. Et quand on voit ce que ce peuple a fait, on dit «respect».
Il était 10 h et le soleil était déjà haut dans le ciel; j'avais
manqué la belle lumière et la fraîcheur du matin, mais au moins le
site était presque désert. Le touriste n'est pas bien matinal et
c'est tant mieux. J'ai commencé par remonter l'allée des morts puis
j'ai bifurqué en passant par une allée un peu ombragée, bordée de
grands cactus. Je suis arrivé au pied de la «pyramide» du Soleil,
l'un des deux plus grands édifices précolombiens des Amériques,
atteignant à l'origine probablement 65 m de haut. La grimper est un
bon exercice. Les marches sont hautes, ça fait bien travailler les
cuisses et le souffle. On peut monter au sommet et de là-haut, la
vue sur le site est impressionnante. Mais pas autant que depuis la
«pyramide» de la Lune.
Après être redescendu de la «pyramide» du Soleil (assez
casse-gueule: il n'y a pas de corde ou de rambarde tout le long et
les marches sont très raides, j'imagine qu'il doit y avoir des
accidents toutes les semaines ici), j'ai poursuivi mon chemin vers la
«pyramide» de la Lune, tout au bout de l'Allée des Morts, qui est
bordée d'édifices plus bas en pierre volcanique très belle, aux
tons rouges. À mesure qu'on s'approche de l'extrémité nord de
l'Allée, on voit la montagne à l'horizon disparaître derrière la
«pyramide» de la Lune, qui devient de plus en plus majestueuse. On
ne peut y monter qu'au premier palier, mais de là, la vue sur
l'ensemble du site est saisissante, en plein dans la perspective de
l'Allée de Morts. Et là, ça impose le respect.
À proximité, j'ai visité un remarquable palais reconstruit (celui
de l'oiseau-papillon), qui présentait de belles fresques, puis un
peu plus loin, le labyrinthique palais des Jaguars, en ruines. Pour
ne pas me déshydrater trop en plein cagnard, je me suis racheté une
bouteille d'eau et puis j'ai estimé qu'il était temps de manger,
ayant pris un petit déjeuner léger avant de partir. J'ai retraversé
quasiment tout le site pour sortir du côté où se trouvent les
restos et j'ai opté pour le plus cher, mais le plus original, La
Gruta – la grotte –, installé, comme son nom l'indique, dans une
grande grotte où il fait bon s'abriter de la chaleur. J'ai commandé
la barbacoa, une spécialité d'agneau cuite dans des feuilles au
fond d'un trou. C'est un peu grossièrement expliqué mais toujours
est-il que c'est très bon.
Le ventre plein et le porte-monnaie vide, j'ai repris ma visite en
allant admirer le musée mettant bien en valeur des trouvailles
archéologiques et expliquant comment vivaient les Teotihuacanais, et
surtout la salle dans laquelle on marche au-dessus d'une grande
maquette de ce que devait être Teotihuacan à son apogée, ouverte
sur une baie vitrée donnant sur la «pyramide» du Soleil. Puis je
suis redescendu à l'extrémité sud du site, là d'où je suis
arrivé le matin, pour visiter la citadelle et le le temple de
Quetzalcóatl, avec sa belle façade agrémentée de serpents à
plumes. Cela faisait cinq heures que j'étais sur le site,
complètement émerveillé, et je n'avais pas envie de partir tout de
suite. J'ai remonté toute l'Allée des Morts jusqu'à la «pyramide»
de la Lune, esquivant tous les vendeurs ambulants qui voulaient me
vendre de l'artisanat à base d'obsidienne ou d'argent, des appeaux à
jaguars et des flutes en forme de tortue. Dans l'ensemble, ils ne
harcèlent pas trop, sauf un, qui m'a suivi sur plusieurs mètres. À
tous, je leur disais «no, gracias», et généralement ils me
laissaient tranquille, mais celui-là, il me disait «touche le
masque, c'est de la bonne qualité, pas cher» et je lui répétais
inlassablement «no, gracias». Alors il essayait de me flatter: «Ah
mais que tu parles bien espagnol», et je lui ai répondu en
espagnol: «Non, non, je ne le parle pas bien; tout ce que je sais
dire, c'est "no, gracias"».
Il a fini par me laisser tranquille.
Donc, j'ai remonté toute l'Allée
des Morts (j'en ai fait des kilomètres) et je me suis posé à
l'ombre d'un petit temple, tout près de la «pyramide» de la Lune
pour admirer une dernière fois le site. Je suis sorti pour aller
attraper un bus, qui arrivait juste à ce moment. Quelques minutes
plus tard, deux policiers ultra équipés sont entrés dans le bus,
ont fait lever quelques hommes devant moi, ont fouillé leurs
bagages, leur ont palpé le corps. Je pensais qu'ils étaient
soupçonnés de quelque chose mais ils se sont approchés des deux
jeunes touristes européens qui étaient devant moi et ils leur ont
fait subir le même examen. Puis ce fut mon tour. Expérience
intéressante. Apparemment, c'est très courant, c'est une mesure de
sécurité pour réduire la probabilité de hold-up.
Il faut croire que je n'avais pas
assez marché pendant la journée, parce que je me suis dit que je
n'allais pas rentrer tout de suite chez Karl et Malinka à l'arrivée
à Mexico. J'ai préféré aller faire un tour dans le centre avant
la tombée de la nuit. J'ai profité de l'animation du soir, pris des
photos et à un moment où je voulais prendre une photo, une jeune
femme s'est approchée de moi et m'a dit de ne pas m'aventurer plus
loin dans la rue dans laquelle j'étais, parce qu'elle était un peu
moins sûre, montrant du doigt mon appareil photo. J'ai pris bonne
note de son conseil et je suis rentré chez Karl en passant par le
quartier des instruments de musique, où parfois on donnait un
concert dans un magasin.
À peine arrivé chez Karl, je me
suis remis au travail, car il fallait planifier un peu mon voyage à
venir dans le sud du Mexique. Karl m'a donné plein de bonnes
adresses, d'idées de choses à faire, mais quel ne fut pas mon dépit
en m'apercevant que je n'avais pas assez de temps pour tout faire.
J'ai dû laisser tomber quelques étapes et déroger à ma règle de
ne pas voyager en avion pour rentrer à Mexico. Et même ainsi, le
programme sera très intense. Il commençait à se faire tard et
j'avais faim et là je me suis dit que je ferais mieux de faire des
vacances plus tranquille et de limiter mes étapes, profitant d'un
futur voyage pour prendre du temps pour les autres sites, au Chiapas
et au Yucatan, notamment, peut-être en le combinant avec de petites
excursions au Guatemala et au Belize. Mais reviendrai-je? Le Mexique
a tellement à offrir que ça peut valoir le coup d'y faire un second
voyage.
Hanté par ces questions, nous
sommes sortis manger des tacos avec Karl. La qualité de la viande
n'était pas très bonne et ils m'ont fait passer une assez mauvaise
nuit.
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