1er jour - Mexico
Samedi
9 février
Je me réveille donc au pays des sombreros, de la tequila, de la
moustache et des souris qui courent très vite. Je suis impatient et
excité de découvrir Mexico. Je suis prêt à partir. Seulement, il
est cinq heures du matin et il m'est impossible de retrouver le
profond sommeil de la nuit; je ne me suis pas encore fait à
l'horaire local et mes hôtes m'ont déjà prévenu qu'ils ne se
lèveraient que vers 9 h. Reconnaissons-le, c'est objectivement une
heure tout à fait honnête pour se lever un samedi. J'en aurais
profité pour me préparer mais la salle de bain est attenante à la
chambre de Karl et Malinka, donc j'ai préféré commencer à me
chauffer les doigts et reprendre la rédaction de mon blog, après
plus de douze mois d'interruption.
Fidèle à sa promesse, mon cousin apparaît vers neuf heures. Je
discute avec Malinka pendant qu'elle prépare les œufs brouillés au
chorizo pour le petit-déj. Nous parlons de la Russie, des Russes et
de la vie en Union Soviétique, car en bonne danseuse panaméenne
qu'elle est, elle a étudié un an dans une école de danse réputée
de Leningrad. Malheureusement, elle ne parle plus le russe, ce qui
aurait été pratique pour la communication. Heureusement, comme je
l'ai dit plus haut, on arrive à se comprendre quand même. Les
discussions sont toujours sympathiques avec «petite framboise».
Après le petit déj en famille et la douche sous un tout petit filet
d'eau chaude, Karl et moi avons abandonné Malinka et Bruno pour
aller découvrir la ville. Il était 11 h.
Karl étant guide touristique de profession, il a pu me parler de sa
ville en l'agrémentant d'anecdotes et de chiffres précis cependant
que nous allions à pied au Musée national d'anthropologie. Les
quartiers que nous avons traversés pour y aller, le long de l'avenue
Reforma, ne sont pas les plus coquets, mais on peut y voir un
intéressant alignement de hauts bâtiments modernes et quelques
monuments plus anciens. C'est agréable de marcher au soleil. C'est
même étrange quand on vient de l'hiver, avoir chaud est une
sensation qu'on avait oubliée. Au soleil, il fait parfois même un
peu trop chaud à la longue, heureusement, l'avenue est très
ombragée et la promenade est agréable.
Aux alentours du musée, des vendeurs ambulants en tous genres
proposent à boire, à manger, à décorer, bref, à acheter. Ce qui
m'intéresse surtout, c'est la bouffe (ça n'a rien de surprenant).
Il y a des trucs à manger de toutes les couleurs, des grandes
plaques de peau de cochon grillée (c'est ce qui me fait le plus
envie). De la viande qui grille avant d'être fourrée dans des
galettes de maïs. Je sors du petit déj, ce n'est pas raisonnable de
manger dès maintenant, mais la tentation est forte. Tout près de
là, des artistes exécutent la danse des hommes-oiseaux, où ils se
laissent descendre tête à l'envers, accrochés à une corde
enroulée autour d'un poteau. C'était chouette.
C'est au Musée anthropologique que j'ai compris tout le potentiel
d'avoir un cousin guide touristique. J'ai passé trois heures
passionnantes à l'écouter me raconter l'histoire de la cité de
Teotihuacan et de ses fondateurs dont on ignore quasiment tout, des
dieux mésoaméricains, de la l'architecture des pyramides, de
l'histoire et des légendes des peuples mexicali, toltèque, olmèque
et maya, et de la fondation de la ville de Mexico. J'ai été
complètement fasciné d'apprendre que là où je marchais, c'était
un lac avant l'arrivée des Aztèques, qu'ils ont comblé petit à
petit. Pas super écolo mais vachement ingénieux. L'histoire de ces
peuples qui ont bâti de grandes civilisations en parallèle de
celles des anciens mondes m'a complètement subjugué. Et surtout
j'ai été incroyablement impressionné par la quantité
d'informations que Karl connaissait. Il m'a cité des dizaines de
noms en nahuatl carrément imprononçables, il savait un tas de
détails sur les rites religieux, les dates, les détails des
événements. Un truc de malade quoi. Chapeau le cousin! Et encore,
je pense que je n'ai eu qu'un aperçu de l'étendue de ses
connaissances parce que nous avons pour ainsi dire «survolé» la
section anthropologique du musée, ne nous arrêtant que devant les
pièces les plus intéressantes. Nous n'avons même pas exploré
l'étage supérieur, la partie ethnologique du musée. Mon cousin
était incollable, mais il y a un truc qu'il n'a pas su m'expliquer
précisément: qui a construit le condor en or qui fonctionne à
l'énergie solaire?
Après ces trois heures de piétinement intensif et d’absorption
faramineuse de connaissances aussitôt oubliées, il fallait aussi se
remplir l'estomac (une idée que je traînais – on s'en rappelle –
depuis l'arrivée au musée). Karl m'a emmené de l'autre côté de
la rue, au parc Chapultepec, deuxième plus grand parc urbain après
Central Park à New York, un lieu de détente visiblement très
apprécié des habitants de Mexico, un poumon vert au cœur de la
mégapole. Tout y est: maquillage pour les enfants (souvent tenus en
laisse), barbapapas multicolores, clowns potaches, lac artificiel
vert avec pédalos en forme de cygne, zoo avec un panda, comme à
Beauval, vendeurs à la criée, bulles de savon et de la bouffe, de
la bouffe, de la bouffe. Pas étonnant que les gens soient aussi
énormes dans ce pays. C'est quelque chose de vraiment impressionnant
et ça fait un peu de la peine. Mais ici, on mange des snacks
excellents qu'on trouve partout et pour trois fois rien. Nous nous
sommes assis à une terrasse au milieu du parc où l'on a commandé
des quesadillas – préparation généralement à la viande dans une
galette de maïs (une description que je vais avoir du mal à varier,
vu que beaucoup de plats locaux sont servis dans ou sur une galette
de maïs, dont la préparation diffère, et souvent avec de la viande
mais préparée de façon différente) et au fromage – au poulet.
Bonne chance au lecteur / à la lectrice pour comprendre la phrase
précédente. Bref, c'était très bon mais ça m'a ouvert l'appétit.
Nous avons poursuivi notre promenade à travers le parc pour
rejoindre l'avenue Reforma, que nous avons longée avant de bifurquer
dans le quartier rose.
Le quartier rose – c'est son nom officiel – est très proche du
quartier où habitent Karl et Malinka. On y retrouve les noms de
villes européennes, c'est un quartier animé, branché, où l'on
croise des étrangers et beaucoup d'homosexuels (rien à voir avec le
nom du quartier). On voit des couples qui s'embrassent sous le regard
indifférent des Mexicains. À cet égard, les attitudes sont plus
ouvertes ici qu'en Europe, j'ai l'impression. Mais la raison pour
laquelle Karl m'a emmené dans ce quartier, c'est parce que nous
n'avions pas encore fini notre déjeuner. La quesadilla du parc,
c'était pour tenir jusqu'à chez Toño, un petit resto branché où
il faut prendre un numéro et attendre dans la rue qu'on nous appelle
pour pouvoir s'installer à table. Le menu est écrit sur la table,
on y sert des plats locaux copieux, bons et pas chers très
rapidement. J'ai goûté le pozole, une sorte de potée aux maïs et
pois chiche que j'ai prise au porc, ainsi que des tortillas fourrées
au porc. Les sauces au piment étaient vraiment fortes, mais je me
suis régalé. Le pozole, surtout, avec le jus de citron vert qu'on
rajoute par dessus, était excellent.
Peut-être était-ce la bière accompagnant mon repas, peut-être
était-ce la visite du musée, peut-être était-ce le fait d'être
réveillé depuis cinq heures, ou plus probablement la combinaison de
tout cela, toujours est-il que je commençais à ressentir grave la
fatigue, comme disent les jeunes (disent-ils encore cela?) En
rentrant à l'appartement, nous avons croisé Malinka qui emmenait
son fils manger une glace. Elle a chargé Karl de quelques
commissions et, ma curiosité ayant été piquée, je l'ai accompagné
au marché pour le barbecue du lendemain. Le marché fermait, si bien
que la plupart des étals étaient déserts, mais il y avait tout de
même de beaux étalages de fruits et légumes. Karl a pris des
fruits du pays pour me faire goûter et un vieux commerçant nous a
offert à chacun son sourire édenté et une mini banane. Mais il n'a
pas voulu que le prenne en photo.
De retour à la maison, la fatigue s'est abattue méchamment sur moi.
J'ai eu quelques minutes de répit avant que Bruno revienne,
incarnant l'un des dinosaures qu'il aime tant. Tant pis pour le
repos. J'ai quand même avancé dans mon journal, jusqu'à ce que la
mère de Malinka, Mirna, accompagnée de sa sœur, arrivent de
l'étage inférieur nous saluer. Mirna est une artiste réputée au
Panama. Elle peint, elle chante, elle danse, elle fait des émissions
de radio, mais cela ne se limite par à ça: elle fait du pain, elle
confectionne des savons et de l'assouplissant, elle coud, bref, elle
sait tout faire. Dommage que j'étais dans un état aussi léthargique
(peut-être aggravé par le verre de mezcal que Karl m'a servi) car
je n'ai pas pu profité de cette glorieuse présence comme il se
doit. Voyant que j'étais déjà dans un autre monde, les deux sœurs
sont redescendues dans leur appartement et nous autres sommes passés
à table. C'est pas qu'on avait très faim, vu qu'on sortait plus ou
moins du resto quelques heures auparavant, mais bon, il fallait bien
manger. Pour le dîner, c'était tamales, des papillotes à base de
semoule de maïs, de piment et de viande en ragout, le tout cuit à la
vapeur dans des feuilles d'épi de maïs (dixit le Routard). Roboratif, pas aussi
savoureux que les autres plats de la journée, mais très bon
néanmoins.
Peu après le repas, je me suis excusé et je me suis effondré de
fatigue sur mon lit.
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