Vendredi
8 février
Je ne devrais pas me plaindre, vraiment. Finalement, je n'ai mis que
une vingtaine d'heures pour parcourir les quelque 9 000 km
qui séparent Ornex, en France, de Mexico. Il y a une cinquantaine
d'années, c'était probablement beaucoup plus long, plus dangereux
et plus chaotique qu'aujourd'hui; et il y a cinq siècles n'en
parlons pas. Donc estimons-nous heureux, même si ça nous a paru
long (et pourquoi que je ne me «nounoierais» pas?).
Malgré une énième mauvaise nuit, il a bien fallu que j'abandonne
le confort de mon lit à 6 heures du matin pour aller à l'aéroport.
Je me suis consolé comme je pouvais en me disant que moins j'aurais
bien dormi, plus je serais fatigué et mieux je dormirai pour passer
le temps dans l'avion, et donc plus je serais en forme en arrivant à
Mexico. Bien tenté. Mais non. Néanmoins le stress induit par le
voyage s'est estompé à mesure que je franchissais les étapes du
voyage. Enregistrement à Genève: C'est bon. Suffisamment de temps,
pas d'ennuis aux contrôles de sécurité. Vol vers Paris: court,
vite passé. Attente à Roissy-Charles-de-Gaulle: pas très
intéressante, pas trouvé de pharmacie une fois arrivé dans la zone
sous douane (je voulais m'acheter de l'imodium en prévision de la
tourista qui me guette au pays du haricot sauteur, mais j'ai quand
même deux-trois comprimés qui me restent). Si j'ai trouvé que la
zone d'attente à l'aéroport était agréable, j'ai néanmoins été
très déçu par l'offre culinaire, qui ne fait pas du tout honneur à
la réputation gastronomique de la France. J'avais quelques minutes à
tuer entre 10 h et 13 h en attendant de reprendre l'avion et c'était
le moment parfait pour prendre le déjeuner, or les quelques
comptoirs qui proposaient à manger ne vendaient que des choses à
manger sur le pouce: sandwiches, croques-monsieur, salades
industrielles. Même l'endroit le plus chic, genre brasserie, ne
proposait que des sandwiches, des salades et quelque chose avec de la
viande de grison (sic). Difficile de trouver un vrai plat
chaud à déguster en prenant son temps. Ce qui m'a semblé le plus
acceptable, sur le moment, c'est la «food court» en bon français,
où l'on fait son choix parmi trois cuisines différentes (libanaise,
asiatique et italienne). Animé par le souvenir d'un récent repas au
fast-food libanais «Les Parfums de Beyrouth» à Genève, qui sert
des plats vraiment savoureux, j'ai opté pour une assiette de
taboulé, de falafels et de hoummous. Bien mal m'en a pris. Je n'ai
jamais mangé un repas d'aéroport aussi infâme. Le taboulé était
immangeable, les falafels, réchauffés au micro-ondes, étaient secs
et immondes et seul le hoummous sauvait un peu le tout. En plus
c'était cher payé pour la qualité. J'ai juré, mais un peu tard,
qu'on ne m'y prendrait plus.
Après quelques tours de terminal pour me dégourdir les jambes avant
les 12 heures d'avion qui m'attendaient, j'ai fait la queue, comme
tout le monde, pour embarquer. Grâce à l'enregistrement en ligne
que j'avais fait la veille, j'avais pu choisir un siège qui me
convenait. Stratégiquement, je voulais un siège près du hublot non
seulement pour avoir la vue sur Mexico à l'atterrissage, car
l'aéroport est en plein milieu de la ville, mais aussi pour disposer
d'un plus grand nombre de points d'appui pour dormir. À
l'enregistrement, mon choix s'était porté sur une rangée où se
trouvait déjà quelqu'un dans le siège couloir. Je pensais qu'il y
avait moins de chance pour que qu'une personne seule vienne
s'intercaler entre nous. Par ailleurs, j'ai choisi la rangée juste
avant l'issue de secours, car les sièges derrière sont plus
éloignés, anéantissant toute velléité de mes voisins de derrière
de cogner mon dossier avec leurs genoux. Très bon choix Jean-Michel
(oui car je me parle aussi à la troisième personne)! Une personne
est quand même venue s'installer dans le siège du milieu mais elle
a trouvé un emplacement plus confortable ailleurs avant même le
décollage. Il est vrai qu'entre deux gars et avec un radiateur sous
le siège de devant réduisant la capacité de mouvement de ses
jambes, ce n'était pas le meilleur endroit. J'étais, à l'instar de
mon autre voisin de rangée, ravi. Le monsieur était un Mexicain
très sympathique qui revenait d'Allemagne pour son travail. Il était
heureux de rentrer chez lui et ne tarissait pas d'éloges sur son
pays. Il veillait à ce que je reçoive les documents nécessaires à
remplir pour passer l'immigration et à me mettre de côté mes repas
quand je dormais. Ce n'était pas le premier Mexicain que je
rencontrais dans la vie, mais c'était le premier au cours de ce
voyage, et il correspondait en tous points à l'image que m'avaient
décrite toutes les personnes à qui j'avais parlé de mes projets de
voyages: les Mexicains sont gentils. On m'a beaucoup vanté la beauté
du pays mais aussi le chaleureux accueil de ses habitants. Et
celui-là, celui de l'avion (à qui je n'ai pas demandé le nom,
malheureusement), donnait raison à mes conseillers de voyage.
Douze heures d'avion, c'est long. Heureusement, de nos jours, il y a
beaucoup de choses à faire pour passer le temps. Si on n'a pas pris
un livre avec soi, on peut prendre un journal ou un magazine gratuit
en rentrant dans l'avion. Si on n'a pas pris de journal, on peut
regarder des heures et des heures de cinéma sur son écran
personnel, qu'on écoute avec ses propres écouteurs. Si on n'a pas
d'écouteurs, on nous en distribue. Et il y a le sommeil, si on y
arrive. Ça c'est super pour tuer le temps. Et pour rythmer le vol,
un peu comme des étapes à franchir, il y a les repas. Et ceux d'Air
France sont les plus fameux (toutes proportions gardées, on reste
dans un avion et le bruit et le manque de place ne permettent pas
d'apprécier les plats du chef dans toute leur potentialité). Pour
moi, le programme a été le suivant: discussion avec mon voisin
mexicain, film (L'Odyssée de Pi, ouais, mignon), raviolis à la
ricotta (pas mal), sommeil (court), lecture d'un magazine, sommeil
(léger), glace, observation de mon environnement, film (L'Âge de
glace 4, sympa), sommeil (réparateur), brochettes de poulet
(vraiment pas mal), impatience. Le tout entrecoupé de deux
excursions aux toilettes. Ce qui manque, pour tuer le temps, c'est un
grand espace pour marcher. Donc on se contente du couloir. Bref, on
n'est quand même pas mécontent d'arriver.
Reste l'épreuve de l'entrée dans le pays. Quand j'ai choisi ma
place dans l'avion, j'avais été bien inspiré de la prendre à
l'avant de l'avion. J'ai pu ainsi prendre un peu d'avance sur les
autres passagers à la sortie et faire un peu moins de queue avant de
me faire tamponner le passeport. Pendant près d'une heure, j'ai
poireauté en compagnie d'Allemands et de Néerlandais. Rappelons
qu'il était 19 h au Mexique, mais pour moi, encore calé sur l'heure
d'Europe de l'Ouest, il était 2 h du matin. Donc oui, dur. D'autant
que j'ai appris inopinément qu'il y avait une autre carte à remplir
pour l'immigration mais heureusement, mon voisin allemand n'en avait
pas non plus et j'ai pu aller chercher les documents nécessaires
pour lui et pour moi sans perdre ma place. Pour finir, une petite
sueur froide au moment de passer la douane: j'avais déclaré sur la
fiche de douane que je ne transportais pas de produits frais, or
j'avais, dans une boite hermétique, un camembert au lait cru que je
voulais offrir à mon cousin. Une fois mon bagage récupéré (facile
à trouver, c'était celui qui sentait le rat crevé), je l'ai passé
au scanner et j'ai donné ma déclaration à la douanière. J'ai
pressé un bouton (méthode assez étrange) et un panneau s'est
allumé en vert au-dessus de moi, indiquant que je pouvais entrer
librement au Mexique. Pas bien compris.
Karl, mon cousin, attendait avec un panneau à mon nom mais comme il
attendait depuis un moment déjà il s'était lassé de le tenir en
haut de façon visible. Mais je l'ai retrouvé sans trop de mal.
Avant de quitter l'aéroport et de rentrer dans le vrai Mexico, je
devais retirer de l'argent. Dernière sueur froide de la journée,
j'ai fait cinq ou six distributeurs automatiques avant que l'un d'eux
me donne des pesos. Je me voyais déjà téléphoner à ma banque en
plein milieu de la nuit pour demander qu'ils me laissent retirer.
Mais finalement je vais pouvoir survivre encore un petit moment.
Nous sommes rentrés chez Karl en métro. Il habite dans un quartier
très sympa, calme, avec des lieux de sortie à proximité et des
noms de rue reprenant des noms de villes européennes. Pas trop de
dépaysement. Pour m'aider à tenir le coup un peu plus longtemps,
mon cousin m'a servi une tequila qui m'a réconcilié avec cette
boisson que j'avais consommée pour la dernière fois en 1998, je
pense, à l'occasion d'une fête chez Cédric et moi à Lyon et qui
m'avait laissé un très mauvais souvenir. Après cette soirée,
l'odeur de la tequila de supermarché me donnait la nausée. Mais
cette tequila-là, un peu plus haut de gamme, était certes forte,
mais elle se buvait toute seule. Vraiment agréable. Encore une belle
re-découverte. Malinka et son fils sont arrivés peu de temps après
de l'appartement du dessous, où vit la mère de Malinka, et nous
avons un peu discuté, chacun baragouinant la langue de l'autre.
Finalement je ne m'en sors pas trop mal en espagnol. C'est pas
génial, mais j'arrive à me faire comprendre (enfin je crois). Vers
10 h, heure locale, il était pas loin de 5 h au pays et donc, on
s'en doute, j'étais épuisé et mes hôtes m'ont laissé dormir et
je dois dire qu'il y avait longtemps que je n'avais pas dormi aussi
profondément.
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