vendredi 15 février 2013

Esteban, Zia et Tao

5e jour – Teotihuacan/Mexico
Mercredi 13 février 2013

Ces temps, à chaque fois que je suis en voyage, je m'achète un chapeau. Au Mexique, je ne déroge pas à cette tradition nouvellement établie. Les chapeaux, je les oublie. Avant de partir de chez moi, j'avais oublié de prendre l'un des chapeaux de paille que j'ai ramenés de Crète et du Vietnam et pour mon excursion du jour, sur le site pré-aztèque de Teotihuacan, j'avais oublié de prendre celui que Karl pensait me prêter. Et à Teotihuacan, c'est très utile, le chapeau, parce que de l'ombre, il n'y en a pas beaucoup, surtout quand on n'arrive pas aux premières heures de la journée.

Si on a lu mon récit de la veille, on sait que je me suis mis au lit très tard. Plus l'heure avançait avant que je me couche, plus les chances augmentaient pour que je ne me lève pas avant l'aurore pour partir tôt. Malgré tout, je me suis tiré du lit juste après le lever du soleil, à peu près en même temps que Kalinka-Malinka et Bruno. J'allais sortir juste après eux mais j'ai dû attendre le retour de Malinka une vingtaine de minutes plus tard parce que je me suis rendu compte que je n'avais pas de clé pour sortir. J'aurais dû prévoir ça plus tôt.

 Bref, j'ai quand même trouvé mon chemin jusqu'à la gare routière nord, digne d'un aéroport international, j'ai acheté mon billet en espagnol comme un pro et je me suis installé dans le bus qui partait quatre minutes plus tard. Le bus a traversé la périphérie nord de Mexico, d'immenses quartiers de maisons plus ou moins informelles grignotant les montagnes, puis il a traversé une campagne sèche où poussait parfois un peu de maïs. Un peu avant de sortir de Mexico, un homme est monté dans le bus avec sa guitare et s'est posté debout au milieu du bus pour nous jouer des sérénades mexicaines, avant de redescendre un peu plus loin au bout d'une demi-heure, sans oublier de passer dans la rangée en tendant sa casquette. Au bout d'une heure et quelques, les touristes sont descendus à la porte 1 du site.

Si vous avez un long week-end, allez à Teotihuacan. Prenez l'avion pour Mexico le vendredi midi (12 heures depuis Paris), vous arrivez le vendredi soir à Mexico, puis le lendemain vous faites l'excursion à Teotihuacan. Vous pouvez repartir le dimanche pour arriver le lundi à Paris. 

Teotihuacan, c'est un site vraiment exceptionnel, grandiose, majestueux et très émouvant, selon moi. Ce site fut dans les premiers siècles de notre ère une cité plus grande que Rome – peut-être jusqu'à 200 000 habitants – peuplée de gens dont on ne sait pas grand chose, car la ville a décliné et a été abandonnée sans raison connue avec certitude. Le destin de cette civilisation est fascinant. Elle est venue, elle s'est développée et elle a disparu. Et quand on voit ce que ce peuple a fait, on dit «respect».

Il était 10 h et le soleil était déjà haut dans le ciel; j'avais manqué la belle lumière et la fraîcheur du matin, mais au moins le site était presque désert. Le touriste n'est pas bien matinal et c'est tant mieux. J'ai commencé par remonter l'allée des morts puis j'ai bifurqué en passant par une allée un peu ombragée, bordée de grands cactus. Je suis arrivé au pied de la «pyramide» du Soleil, l'un des deux plus grands édifices précolombiens des Amériques, atteignant à l'origine probablement 65 m de haut. La grimper est un bon exercice. Les marches sont hautes, ça fait bien travailler les cuisses et le souffle. On peut monter au sommet et de là-haut, la vue sur le site est impressionnante. Mais pas autant que depuis la «pyramide» de la Lune.

Après être redescendu de la «pyramide» du Soleil (assez casse-gueule: il n'y a pas de corde ou de rambarde tout le long et les marches sont très raides, j'imagine qu'il doit y avoir des accidents toutes les semaines ici), j'ai poursuivi mon chemin vers la «pyramide» de la Lune, tout au bout de l'Allée des Morts, qui est bordée d'édifices plus bas en pierre volcanique très belle, aux tons rouges. À mesure qu'on s'approche de l'extrémité nord de l'Allée, on voit la montagne à l'horizon disparaître derrière la «pyramide» de la Lune, qui devient de plus en plus majestueuse. On ne peut y monter qu'au premier palier, mais de là, la vue sur l'ensemble du site est saisissante, en plein dans la perspective de l'Allée de Morts. Et là, ça impose le respect.

À proximité, j'ai visité un remarquable palais reconstruit (celui de l'oiseau-papillon), qui présentait de belles fresques, puis un peu plus loin, le labyrinthique palais des Jaguars, en ruines. Pour ne pas me déshydrater trop en plein cagnard, je me suis racheté une bouteille d'eau et puis j'ai estimé qu'il était temps de manger, ayant pris un petit déjeuner léger avant de partir. J'ai retraversé quasiment tout le site pour sortir du côté où se trouvent les restos et j'ai opté pour le plus cher, mais le plus original, La Gruta – la grotte –, installé, comme son nom l'indique, dans une grande grotte où il fait bon s'abriter de la chaleur. J'ai commandé la barbacoa, une spécialité d'agneau cuite dans des feuilles au fond d'un trou. C'est un peu grossièrement expliqué mais toujours est-il que c'est très bon.

Le ventre plein et le porte-monnaie vide, j'ai repris ma visite en allant admirer le musée mettant bien en valeur des trouvailles archéologiques et expliquant comment vivaient les Teotihuacanais, et surtout la salle dans laquelle on marche au-dessus d'une grande maquette de ce que devait être Teotihuacan à son apogée, ouverte sur une baie vitrée donnant sur la «pyramide» du Soleil. Puis je suis redescendu à l'extrémité sud du site, là d'où je suis arrivé le matin, pour visiter la citadelle et le le temple de Quetzalcóatl, avec sa belle façade agrémentée de serpents à plumes. Cela faisait cinq heures que j'étais sur le site, complètement émerveillé, et je n'avais pas envie de partir tout de suite. J'ai remonté toute l'Allée des Morts jusqu'à la «pyramide» de la Lune, esquivant tous les vendeurs ambulants qui voulaient me vendre de l'artisanat à base d'obsidienne ou d'argent, des appeaux à jaguars et des flutes en forme de tortue. Dans l'ensemble, ils ne harcèlent pas trop, sauf un, qui m'a suivi sur plusieurs mètres. À tous, je leur disais «no, gracias», et généralement ils me laissaient tranquille, mais celui-là, il me disait «touche le masque, c'est de la bonne qualité, pas cher» et je lui répétais inlassablement «no, gracias». Alors il essayait de me flatter: «Ah mais que tu parles bien espagnol», et je lui ai répondu en espagnol: «Non, non, je ne le parle pas bien; tout ce que je sais dire, c'est "no, gracias"». Il a fini par me laisser tranquille.

Donc, j'ai remonté toute l'Allée des Morts (j'en ai fait des kilomètres) et je me suis posé à l'ombre d'un petit temple, tout près de la «pyramide» de la Lune pour admirer une dernière fois le site. Je suis sorti pour aller attraper un bus, qui arrivait juste à ce moment. Quelques minutes plus tard, deux policiers ultra équipés sont entrés dans le bus, ont fait lever quelques hommes devant moi, ont fouillé leurs bagages, leur ont palpé le corps. Je pensais qu'ils étaient soupçonnés de quelque chose mais ils se sont approchés des deux jeunes touristes européens qui étaient devant moi et ils leur ont fait subir le même examen. Puis ce fut mon tour. Expérience intéressante. Apparemment, c'est très courant, c'est une mesure de sécurité pour réduire la probabilité de hold-up.

Il faut croire que je n'avais pas assez marché pendant la journée, parce que je me suis dit que je n'allais pas rentrer tout de suite chez Karl et Malinka à l'arrivée à Mexico. J'ai préféré aller faire un tour dans le centre avant la tombée de la nuit. J'ai profité de l'animation du soir, pris des photos et à un moment où je voulais prendre une photo, une jeune femme s'est approchée de moi et m'a dit de ne pas m'aventurer plus loin dans la rue dans laquelle j'étais, parce qu'elle était un peu moins sûre, montrant du doigt mon appareil photo. J'ai pris bonne note de son conseil et je suis rentré chez Karl en passant par le quartier des instruments de musique, où parfois on donnait un concert dans un magasin.

À peine arrivé chez Karl, je me suis remis au travail, car il fallait planifier un peu mon voyage à venir dans le sud du Mexique. Karl m'a donné plein de bonnes adresses, d'idées de choses à faire, mais quel ne fut pas mon dépit en m'apercevant que je n'avais pas assez de temps pour tout faire. J'ai dû laisser tomber quelques étapes et déroger à ma règle de ne pas voyager en avion pour rentrer à Mexico. Et même ainsi, le programme sera très intense. Il commençait à se faire tard et j'avais faim et là je me suis dit que je ferais mieux de faire des vacances plus tranquille et de limiter mes étapes, profitant d'un futur voyage pour prendre du temps pour les autres sites, au Chiapas et au Yucatan, notamment, peut-être en le combinant avec de petites excursions au Guatemala et au Belize. Mais reviendrai-je? Le Mexique a tellement à offrir que ça peut valoir le coup d'y faire un second voyage.

Hanté par ces questions, nous sommes sortis manger des tacos avec Karl. La qualité de la viande n'était pas très bonne et ils m'ont fait passer une assez mauvaise nuit.

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